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Liban - Interview

Jean Oghassabian : « Il faut oser rêver et garder ses horizons ouverts »

Le ministre d'État Jean Oghassabian affirme que les droits de la femme doivent être défendus non pas parce qu'il s'agit d'une affaire de nombre, la femme constituant la moitié de la société, mais parce que cela constitue, avant tout, une affaire humaine.

Le ministre d'État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian.

Depuis qu'il a été nommé ministre d'État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian n'a jamais fait autant parler de lui. Pourtant, il est actif sur la scène politique depuis 2000, lorsqu'il a fait son entrée à l'hémicycle en tant que député arménien-orthodoxe de Beyrouth au sein du bloc de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri.

Nommé à deux reprises ministre dans les gouvernements formés par Fouad Siniora en juillet 2005 et juillet 2008, Jean Oghassabian a été chargé de mener des négociations six mois durant avec les Syriens sur des dossiers aussi épineux que les détenus dans les prisons syriennes, les frontières, les postes-frontières, les accords bilatéraux, la zone commerciale maritime... « J'ai discuté avec les grands responsables syriens, y compris Bachar el-Assad, mais on avait à peine évoqué le travail que je faisais, avance-t-il. Toutefois, depuis que je me suis vu confier le portefeuille des Droits de la femme, on ne fait que parler de moi. Même la presse étrangère m'a sollicité pour des interviews. »

Jean Oghassabian n'a pas été désigné à ce poste par hasard. Il explique qu'avant qu'il ne soit chargé de former le gouvernement, Saad Hariri avait déjà pour objectif de former un tel ministère. « Il avait, à cet effet, confié à une équipe de faire un état des lieux de la situation des ONG féminines locales et internationales œuvrant au Liban et les activités qu'elles mènent, poursuit-il. Une étude des lois en vigueur et des projets de loi en examen au Parlement a aussi été faite dans la perspective d'épurer les textes de loi des lacunes qui différencient l'homme de la femme. Il insistait aussi pour que ce ministère fasse partie de sa quote-part à lui. »

 

(Pour mémoire : Ministères d’État : des projets ambitieux, mais aucune structure légale)

 

Une question humaine
Le ministre est conscient que le portefeuille qui lui a été confié constitue un grand défi, qu'il est prêt à relever. « En créant ce ministère et en désignant un homme à ce poste, le gouvernement a non seulement voulu faire preuve de l'intérêt qu'il porte à la femme, mais aussi démontrer que cette dernière n'est pas isolée du reste de la société, affirme M. Oghassabian. Par conséquent, les affaires de la femme sont une responsabilité sociale commune à l'homme et à la femme. Dans notre culture, nous sommes habitués à ce que la femme défende ses intérêts. Il faut en finir avec cette idée. La femme est pour la société et celle-ci est responsable d'elle. Si un homme a été chargé de ce ministère, ce n'est pas uniquement pour des raisons politiques, mais justement pour faire parvenir ce message.

Par ailleurs, il ne faut pas défendre la femme parce qu'elle constitue la moitié de la société. Il ne s'agit pas d'une question de nombre, mais humaine. Dieu n'a pas créé l'homme plus intelligent que la femme. Certaines femmes ont brillé plus que les hommes dans le monde des affaires. Pourquoi ne serait-elle pas donc égale à l'homme dans le secteur public que ce soit au Parlement, au gouvernement, dans les administrations et institutions publiques ? »

M. Oghassabian dit comprendre le tollé qu'a suscité la nomination d'un homme à ce poste. « C'est la démocratie, mais j'aurais aimé que les voix se soient également élevées pour dénoncer le manque de femmes dans le gouvernement en général, observe-t-il. Qu'est-ce qui empêche la désignation d'une femme au ministère de la Défense ou de l'Intérieur ? C'est une mentalité qu'il faut changer. Le défi est énorme et je vais déployer tous les efforts pour le relever et faire parvenir le message. »

 

Donner une belle image du Liban
Quelles sont ses dossiers prioritaires ? « Je vais commencer par créer ce ministère, en instaurant la structure, en recrutant les employés et les experts... », répond M. Oghassabian, signalant que par la suite, il se penchera sur les lois. Il explique dans ce cadre qu'un lobbying sera fait pour faire avancer les projets de loi qui sont en examen au Parlement et qu'un travail sera mené en vue d'amender certaines lois qui portent atteinte à la femme et qui la différencient de l'homme. De même, de nouveaux projets de loi seront soumis, « comme celui relatif au harcèlement sexuel que j'avais présenté à la Chambre ».

« La création de ce ministère permet de donner une belle image du Liban à l'étranger, poursuit M. Oghassabian. Il est important qu'aux côtés du Conseil national de la femme libanaise et de la société civile, le Liban soit officiellement représenté dans les instances internationales et les congrès organisés sur la femme. D'ailleurs, depuis ma nomination à la tête de ce ministère, quatre agences onusiennes m'ont déjà exprimé leur souhait de coopérer et de réaliser des projets. De plus, chaque semaine, je reçois plusieurs invitations pour participer à des congrès internationaux. À cela s'ajoute le fait que l'État libanais peut bénéficier des donations qui viennent dans ce cadre. » Et d'insister : « Nous ne sommes pas venus prendre la place de la société civile. Nous sommes complémentaires. »

Le Liban officiel ne sera-t-il pas appelé à appliquer les chartes et conventions qu'il a ratifiées dans ce domaine, notamment la Cedaw (Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes)? « En ratifiant la Cedaw, le Liban avait déjà émis des réserves sur deux clauses relatives à la transmission de la nationalité et au statut du code personnel », précise M. Oghassabian. Il affirme toutefois ne pas partager les appréhensions exprimées dans ce cadre. « Il s'agit, avant tout, d'un problème humain », insiste-t-il.

 

(Pour mémoire : Les femmes revendiquent un quota d’au moins 30% aux prochaines élections)

 

Quota défini selon la loi électorale
Quid du quota féminin? « Il sera défini selon la loi électorale adoptée, avance-t-il. Je ne saurais pas dire quelle sera sa proportion. » Rappelons que le gouvernement s'est engagé dans la déclaration ministérielle à introduire le quota féminin dans la loi électorale, sachant que les associations féminines revendiquent un quota de 30 %. « J'aimerais que ce quota constitue 30 % du nombre des sièges parlementaires, confie M. Oghassabian. D'aucuns pensent que l'affaire du quota est injuste envers la femme, mais il s'agit d'une phase transitoire nécessaire. La femme est un potentiel dont il faut profiter. Elle doit, elle aussi, œuvrer à changer cette culture machiste pour passer enfin d'une société patriarcale à une société humaine. La route est longue, mais nous ne devons pas perdre espoir. Il faut oser rêver et garder ses horizons ouverts, non seulement en politique, mais dans tous les domaines. Pour ce qui est des droits de la femme, il faut œuvrer pour parvenir à instaurer l'égalité entre elle et l'homme. »

Quel sera l'avenir de ce ministère ? « Il devrait rester dans les prochains gouvernements, d'autant qu'il s'agit d'une belle image du pays que nous montrons au monde, constate M. Oghassabian. S'il n'existe plus, cela affectera la crédibilité et l'image du Liban. »

 

Pour mémoire

Le Conseil national de la femme libanaise pour un quota féminin de 30 % des sièges

« Il est temps que les femmes revendiquent leur place sur la scène politique »

Depuis qu'il a été nommé ministre d'État aux Droits de la femme, Jean Oghassabian n'a jamais fait autant parler de lui. Pourtant, il est actif sur la scène politique depuis 2000, lorsqu'il a fait son entrée à l'hémicycle en tant que député arménien-orthodoxe de Beyrouth au sein du bloc de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri.
Nommé à deux reprises ministre dans les gouvernements...

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