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Lifestyle - Un peu plus

Morne plaine

Ah, janvier et son blue monday, ses comptes en banque vides, sa grippe et ses variations climatiques. Janvier et sa fatigue et sa morosité. Janvier est un mois qu'on n'aime pas vraiment, sauf si on y est né. Sinon, force est de constater que presque tout le monde est un peu bluesy en ce moment, un peu fatigué. Un peu désabusé. Normal. Après les poubelles, il ne manquait plus que l'assassinat des mouettes et notre inaction à tous, pour nous achever une fois de plus. Les oiseaux ne se cachent plus pour mourir. Nous, on ne cache plus notre indifférence. Alors, à quoi bon pousser un énième coup de gueule? On en a poussé tellement et ils n'ont tellement servi à rien.
Alors, comment noircir une feuille sans paraître grognon à une période où on préfère s'immerger dans l'univers édulcoré de Lalaland ? Comment remplir les lignes sans paraître défaitiste? Comment faire pour ne pas parler de politique, de la situation du pays, de la pollution, des impôts qu'on paye pour rien, de cette absence de solutions? Comment faire quand on a l'impression d'avoir déjà tout écrit?

Écrit sur l'amour, sur le pardon que l'on demande et celui que l'on donne. Sur les appels à l'aide qu'on devrait faire plus souvent, sur le Père Noël qui n'existe pas. Sur les rencontres, les ruptures et ces histoires d'amour qui ne naîtront jamais. Comment faire pour ne pas reparler de certains Libanais et de leurs addictions à tout? À Mykonos, au quinoa, aux bracelets Cartier ou au gluten free? Comment faire pour ne pas être redondant et parler du sens des prénoms libanais, le burn out maternel, la haine face à l'homosexualité au Liban? Des valses mondaines des condoléances, de l'hypocrisie de ses copains, des petits meurtres en famille et la famille de cœur ? Comment faire quand on a narré la rencontre des peaux, l'amour charnel et l'impossibilité du deuil amoureux? Qu'on a relaté nos tares comme l'automédication, le laisser-aller ou notre incapacité à descendre dans la rue? Qu'on a évoqué avec nostalgie nos traditions? Ces salles de séjour dans lesquelles des milliers de familles vivent, cette argenterie que l'on ne sort que pour les invités, cette saniyyé de cigarettes et cette bonbonnière que l'on trouvait chez nos tétas, ces recettes qui se transmettent de génération en génération, ces mezzés qui sont notre ultime lien les uns avec les autres. Quoi écrire, quand on a déjà constaté que les amants, il y en avait à la pelle dans la vie des Libanaises, que les cougars sévissaient de plus en plus, que les mecs avaient pris le pouvoir à cause de leur nombre limité, que le romantisme était définitivement mort?

Comment faire pour avoir le souffle, l'envie et l'inspiration pour aborder de nouveaux sujets, de nouveaux thèmes? Pour ne pas replonger dans des souvenirs douloureux qui rejailliraient à la surface lors d'une date difficile, pour ne pas (re)parler de déménagement, de séparation, de l'envie de quitter le Liban, d'abandonner ses rêves et d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs? Pour ne pas critiquer une fois de plus les pétasses qui ne savent pas élever leurs mioches, celles qui sévissent dans leurs ghettos de riches, celles qui abusent de la chirurgie esthétique et qui portent haut l'étendard de la vulgarité? Critiquer ces gens qui parlent fort, qui parlent mal, qui ne savent pas parler. Critiquer les imposteurs, les menteurs, les traîtres. Soutenir les femmes battues et regretter le mandat français. Aimer ses collègues de bureau.

Comment faire... Et ben, en regardant autour, à côté, en dessous et au-dessus, tout simplement. En plongeant tête la première dans cet immense vivier d'idées qu'est le Liban. Cet immense laboratoire où l'on (re)trouve tout ce qui a du plus beau et de plus laid, ce concentré de toutes les tendances mondiales. Les pires et les meilleures. En faisant une introspection de ses tripes, de son vécu... qui est celui de tout un chacun. En disant tout haut ce que l'on pense tout bas. En le disant en solo ou à plusieurs. En aimant bon gré et malgré tout ce petit pays schizophrène. Ce petit pays de tous les contrastes, de toutes les ambivalences, qui est une source d'inspiration inépuisable. Une source extraordinaire pour pousser tous les coups de gueules du monde. 

Ah, janvier et son blue monday, ses comptes en banque vides, sa grippe et ses variations climatiques. Janvier et sa fatigue et sa morosité. Janvier est un mois qu'on n'aime pas vraiment, sauf si on y est né. Sinon, force est de constater que presque tout le monde est un peu bluesy en ce moment, un peu fatigué. Un peu désabusé. Normal. Après les poubelles, il ne manquait plus que...

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