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Nos Lecteurs ont la Parole - Salim. F. DAHDAH

Quelle République va construire le régime du général Michel Aoun ?

Photo Tayyar

Les bouleversements internes et les guerres civiles occasionnent des désordres plus ou moins graves au sein des institutions des pays touchés. Ils les vulnérabilisent, les fragmentent et entraînent de ce fait une déstabilisation structurelle quasi générale ainsi qu'une désobéissance civile entretenue et couverte par les forces qui dominent le terrain. Il faut attendre la fin des opérations pour reconstruire une vision prospective de l'État et engager un processus de réhabilitation de sa gouvernance.
Après de longs mois d'attente et d'atermoiements, le Liban a choisi son président de la République et un premier gouvernement est au gouvernail. Ce dernier a pour mission principale de décider du choix d'une nouvelle loi électorale et de la préparation des prochaines élections législatives. Il se doit par ailleurs de parer au plus urgent pour assurer aux citoyens les services indispensables à leur quotidien. Mais cette feuille de route ne doit pas occulter la teneur du serment d'investiture du président qui, lui, définit les principaux objectifs du régime. Ce document est un rappel de l'obligation d'appliquer les textes fondamentaux de la Constitution, du choix d'une loi électorale plus représentative et plus soucieuse des intérêts des citoyens, c'est aussi un énoncé des grandes lignes d'un programme économique qui s'inscrit dans la continuité de l'économie libérale avec, en plus, la résurrection des principes de la planification dans la gestion des différents secteurs de l'État. Le discours constitue, par ailleurs, une plaidoirie en faveur de l'extension de l'éducation généralisée de tous les citoyens au niveau national et un engagement pour une action efficace en faveur de la transparence et de la lutte contre la corruption, et ce grâce à une justice efficace renforcée et irréprochable. C'est, enfin, l'adoption d'un système décentralisé pour une meilleure gouvernance au niveau national. Plutôt donc qu'une vision « révolutionnaire et innovatrice », il y a dans cet exercice une volonté délibérée de renouer avec un Liban de la paix, au moment où l'État de droit et des institutions n'avait pas encore été relégué aux oubliettes par les forces du mal et les principaux acteurs des drames qui ont endeuillé la nation depuis 1975.
Mais après toutes les divisions et les pertes subies pendant quarante ans de bouleversements divers, est-ce qu'un tel discours est suffisant pour combler les vides occasionnés par les innombrables blocages qui se sont accumulés pendant ce laps de temps ?
Est-il à même de répondre aux attentes d'une jeunesse née durant ou après la guerre du Liban et qui a perdu toute confiance dans ses politiques ?
Le fossé qui s'est creusé est trop grand, et une telle vision de l'État pourrait être considérée par ces derniers, et dans leur sillon par une bonne partie de la société civile toutes organisations confondues, comme quelque peu passéiste et déconcertante, inadaptée aux normes de la modernité et de la globalisation, et peut-être insuffisamment anticipative des conséquences des bouleversements importants qui secouent cette région du monde... !
Le M-O, qui est en effet en mutation profonde depuis plusieurs décades, subit des changements géopolitiques substantiels, des transferts de populations programmés et des changements démographiques internes et externes, visant à déstructurer les États-nations ou les mélanges confessionnels existant, pour les remplacer par des ensembles communautaires homogènes. Plusieurs exemples illustrent ce processus, l'Irak, la Syrie, le Yémen, Bahreïn, l'Arabie saoudite et même Israël. Le cas de la Palestine (et de façon indirecte, mais connexe, celui de la Jordanie) est différent et son sort est lié aux négociations israélo-palestiniennes. Il sera résolu, selon toute probabilité, une fois finalisé le processus en cours de réalisation dans l'ensemble des pays susmentionnés. Une confédération régionale groupant les différentes minorités en question pourrait alors voir le jour, avec la bénédiction des décideurs internationaux. Elle ferait le pendant aux deux autres blocs communautaires de la région : la Turquie, représentant des États sunnites, et la République islamique d'Iran, représentant des États chiites. Ainsi naîtra ce nouveau Moyen-Orient tant attendu et souhaité par un Occident en quête d'un règlement du litige israélo-arabe qui aura duré bientôt aussi longtemps que la guerre de Cent Ans.
Le Liban représente, dans ce contexte, l'exception à la règle, puisqu'il est, depuis sa création, un épiphénomène réussi et exemplaire du vivre-ensemble islamo-chrétien. Terre d'accueil et message de tolérance et de paix, il se doit de se doter de structures spécifiques qui puissent garantir la « perduration » de son entité, la consolidation de son identité et l'efficacité de sa gouvernance. Seul le respect de son indépendance, la défense de sa souveraineté et la rigueur de l'État de droit et des institutions peuvent lui offrir ces garanties. Le peuple libanais est en droit d'attendre la concrétisation de ses trois objectifs, d'autant que l'accession du général Aoun à la tête de l'État, soutenu par un gouvernement qui a obtenu la confiance avec une très large majorité voire même une quasi-unanimité, devrait rendre possible la prise de mesures audacieuses pour relever ce défi et réussir ce tournant.
Mais il est bien entendu que pour engager un tel chantier au niveau national, il faut être totalement libre et avoir les moyens de sa politique, loin de toute pression ou diktat extérieur, qu'il s'agisse d'un ami, d'un allié ou d'un ennemi. C'est pourquoi il faudrait que, dans un élan commun, toutes les forces politiques décident de s'accorder à construire un rempart souverain indestructible et non négociable par n'importe quelle puissance étrangère, pour quelque raison que ce soit. Ce qui veut dire aussi que l'unité nationale doit toujours primer sur tous les intérêts individuels de ses différentes composantes et être considérée comme une ligne rouge infranchissable.
Parmi les fondements stratégiques de cette construction nationale, il y aurait l'édification d'un État civil accompagné de tous les outils juridiques, administratifs et politiques nécessaires à sa réalisation, une justice totalement indépendante et dégagée définitivement des filets de la politique, une administration spécialisée, recrutée sur des bases civiles et des critères de capacités, technologiquement gérée, humainement allégée mais mieux rémunérée, une Sécurité sociale pour tous les citoyens quel que soit leur statut ou leur âge, une école pour tous les enfants du Liban, un hôpital accessible à tous les citoyens, une économie libérale ciblée, innovante et concurrentielle, un système fiscal juste et équilibré, un Liban vert et planifié, un forum international des religions et des civilisations, et enfin et surtout un statut de « neutralité permanente » du Liban, seul garant de sa souveraineté et de la pérennité de son entité nationale.

Salim. F. DAHDAH

Les bouleversements internes et les guerres civiles occasionnent des désordres plus ou moins graves au sein des institutions des pays touchés. Ils les vulnérabilisent, les fragmentent et entraînent de ce fait une déstabilisation structurelle quasi générale ainsi qu'une désobéissance civile entretenue et couverte par les forces qui dominent le terrain. Il faut attendre la fin des...

commentaires (4)

Un Liban fort et respecte....

Soeur Yvette

17 h 04, le 18 janvier 2017

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Commentaires (4)

  • Un Liban fort et respecte....

    Soeur Yvette

    17 h 04, le 18 janvier 2017

  • Tout ce qu'on voudra, mais un Liban fort fier et respecté enfin .

    FRIK-A-FRAK

    20 h 44, le 17 janvier 2017

  • "Le M-O subit des changements géopolitiques, des transferts de populations programmés et des changements démographiques visant à déstructurer les États-nations et les mélanges confessionnels existant, pour les remplacer par des ensembles communautaires homogènes. Plusieurs exemples illustrent ce processus, l'Irak, la Syrie, le Yémen, Bahreïn, l'Arabie saoudite et surtout la Palestine à cause directement d'Äsraël." ! Oui, OK, mais pourquoi occulter le cas du "Grand-Liban" ?! "Une conFédération régionale groupant les différentes minorités en question pourrait alors voir le jour, et ferait le pendant aux deux autres blocs communautaires de la région : la Turquie, représentant des États sunnites, et la République islamique d'Iran, représentant des États chiites. Ainsi naîtra ce nouveau Moyen-Orient post-Sykes-Picot." ! Oui, OK, mais pourquoi occulter le rôle de l'Arabie Saoudite ?! "Le Liban représente ; yâââï ; dans ce contexte, l'exception(!) à la règle puisqu'il est, depuis sa création, un épiphénomène réussi(!) et exemplaire(!) du vivre-ensemble(!) islamo-chrétien : Une terre d'accueil, un message de tolérance et de paix(!)." ! Le Liban "représenterait" ainsi tout ceci : Épiphénomène réussi et exemplaiiire du viiivre ensemmmble ? Wâlâoûûû ! Pas à ce point, SVP !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 32, le 17 janvier 2017

  • SI IL CONSIDERE UNIQUEMENT L,INTERET PRIMORDIAL DU PAYS ET TABLERA SUR L,APPARTENANCE NATIONALE... DES NATIONAUX... IL CONSTRUIRA LA REPUBLIQUE LIBRE ET DEMOCRATIQUE ! SINON... 3ALA ALLAH...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 38, le 17 janvier 2017

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