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Culture - Rencontre

« Beyrouth, un endroit chauffé à blanc de souffrance et de jouissance... »

Pierre Parlant, professeur agrégé en philosophie à l'Université de Nice, écrivain et poète, a parcouru Beyrouth en long et en large pour « une substantifique moelle » remise à l'heure du jour. Un livre en français intitulé « Qarantina » (édition Le refuge en Méditerranée), traduit aussi en arabe, est né de ce séjour dans une résidence d'écriture au pays du Cèdre.

À Beyrouth, Pierre Parlant devient Boutros al-Nateq. Photo E.D.

Les cheveux plus sel que poivre coupés courts, la silhouette fine, le regard curieux de tout ce qui l'entoure et bouge, veste bleue anthracite sur chemise bleu marine, la soixantaine dynamique, Pierre Parlant est sous le soleil d'une terrasse de café, dans « un hiver à Beyrouth qui n'en est pas un... », dit-il avec un brin d'humour et d'amusement en jetant un regard circulaire sur un ciel immuablement bleu.
Pourquoi le titre de Qarantina, évident rappel d'une zone beyrouthine autrefois à l'exclusion à cause de besoins sanitaires et prophylactiques ?

« Tout simplement, confie-t-il, à cause de mon séjour de quarante jours à la Maison internationale des écrivains à Beyrouth, justement, pour donner vie et expression à ces pages. Ce livre, issu d'un isolement mais aussi d'un séjour mêlé au quotidien des citoyens, n'est pas un roman fictionnel mais une sorte de reportage sur le vif des lieux, des rencontres, des discussions avec les gens. Avec ma triple casquette d'écrivain, de philosophe et de poète. Ajoutez à cela ma caméra numérique au poing pour des photos qui sont comme des ponctuations visuelles au texte. »
« Mon projet est de découvrir cette ville et d'enlever les clichés, ajoute l'écrivain sur sa lancée. J'ai été guidé un peu par la plume de certains auteurs libanais tel Iskandar Habache, les romans de Cherif Majdalani et Olivier Rohé. » Pierre Parlant souligne qu'il y a là une tentative de restituer les mythologies. « Il y a aussi un archipel de fiction dans l'imaginaire et l'énoncé : tous parlent de la même ville mais pas de la même manière. »

Le titre de l'ouvrage, pour un Français, est un renvoi à une mise en parenthèse. « Ce que je dis sur Beyrouth, dans une prose poétique, est insolite, note-t-il. C'est une lecture, réflexive et non romanesque, qui s'interroge sur le processus d'écriture. Ce n'est pas un compte rendu de la ville mais ce que veut dire ici : l'identité d'un pays, le pluralisme des langues, la mosaïque de communautés, comment penser le monde quand on est (tri)bilingue... » Pour l'écrivain, il est évident qu'on n'appartient pas à une seule langue. « Pour ce qui est de l'urbanisme, on est saisi par l'organisation de l'espace. Contradictoire, désordonné, chaotique. On m'a demandé : est-ce dangereux d'être à Beyrouth ? J'ai répondu : Oui, quand on est piéton... De même que je suis frappé par la désinvolture du patrimoine immobilier traditionnel en danger... »

 

(Pour mémoire : « Le poète n’est pas ce distrait qui trébuche comme on le pense »)

 

 

Petite pause et on reprend le fil de la conversation. À propos de cette traduction en arabe qui vient de voir le jour par le « groupe snaoubar Bayrouth ». Avec son nom et prénom littéralement traduits en Boutros al-Nateq ! Quelle réaction devant cet accolement de vocables loin de l'initial Pierre Parlant ? Et le philosophe de répondre, en toute tranquillité : « C'est pour moi un hétéronyme : un nom qui cache une autre identité. J'aime bien cela car je le vis à la manière Pessoa... »

Retour à et sur Beyrouth. Pour les dernières questions. Dans quelle formule enfermer cette ville phare et plaque tournante de l'Orient ? Quels mots et expressions pour la cerner, la définir, la saisir ?
Pierre Parlant a plus d'une formule. On en retient celles-ci, fort éloquentes et parlantes : « La reconstruction de cette ville est un modèle de crime parfait. Le béton ici est une arme de forclusion massive. L'état actuel : Ne pas pouvoir, ne pas s'attrister, laisser faire. Toutes les villes sont habitées par des névroses mais celle de Beyrouth est spécifique. Il y a là plus que du refoulement. Venise et Beyrouth ont en commun une histoire glorieuse. Venise se tue avec son tourisme et Beyrouth qui ne disparaît pas est défigurée ; et disparaît par surgissement du béton... » Et d'ajouter : « Beyrouth est un endroit chauffé à blanc de souffrance et de jouissance. C'est une ville qui se suicide avec emphase, bruit et clinquant. Mais je suis toujours heureux de revoir Beyrouth. Je n'ai pas pu la voir en hiver car, avec ce soleil, ce n'est pas l'hiver... »

Pierre Parlant est éloquent, regard scanneur pour un décryptage qui passe à travers le tamis de la réflexion, de l'observation, de l'exploration, d'une quête, du statut d'écrivain, du langage, de l'urbanisme et de la poésie.

 

 

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