Rechercher
Rechercher

Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Les psychoses, la schizophrénie et la psychothérapie institutionnelle (suite)

L'expérience de l'École expérimentale de Bonneuil, lieu de vie, «institution éclatée», a montré que l'autisme, s'il était irréversible, peut quand même être soigné, évoluer et il peut même trouver un débouché social.
Les ouvrages de Maud Mannoni en témoignent. L'enfant arriéré et sa mère, L'enfant, sa maladie et les autres, Éducation impossible, Le psychiatre, son «fou» et la psychanalyse, publiés au Seuil, dans la collection dirigée par Jacques Lacan. Tous ses livres témoignent d'une pratique «antipsychiatrique», en référence à la psychothérapie institutionnelle, à la psychanalyse et, particulièrement, à la théorie de Lacan. La psychanalyse n'est pas pratiquée en tant que telle dans l'institution, confirmant une avancée théorique de Lacan: «Il n'y a pas d'analyste dans l'institution, il n'y a que des analysants.»
Maud Mannoni poussera le plus loin possible cette avancée lacanienne. S'il n'y a que des analysants dans l'institution, les soignants sont aussi des analysants, ni psychanalystes ni psychothérapeutes. Ils sont donc analysants auprès des élèves, les patients. Les autistes, les enfants psychotiques, les adolescents en crise deviennent ainsi des analystes potentiels, auprès desquels les soignants se révèlent à eux-mêmes. Poussant encore plus loin cette logique, Maud Mannoni fait payer les stagiaires au lieu de les payer comme dans n'importe quelle autre institution. Si les stagiaires se révèlent à eux-mêmes auprès des autistes, ils font donc une sorte de «tranche» analytique qu'ils vont payer. «S'il n'y a pas de transfert psychotique comme le disait Freud, il y a un transfert au psychotique» ajoute Lacan. On le voit bien, le surnom donné à Maud Mannoni, «La femme qui épousa la révolte», était tout à fait justifié.
Quant au rapport entre le dedans et le dehors, fondamental, Bonneuil s'est inspiré du fameux «jeu de la bobine». En 1920, ce jeu est observé par Freud chez son petit-fils d'un an et demi environ. L'enfant fait disparaître sous un meuble une bobine attachée à une ficelle, puis il la fait réapparaître en scandant en allemand Fort/Da (partie/voilà). L'enfant qui commence à maîtriser le langage fabrique un jeu pour dompter une situation traumatique qu'il subit passivement. Ce que l'enfant subit, passivement, depuis qu'il est né, c'est la séquence l'absence/présence de la mère. Par le jeu de la bobine et par le Fort/Da, l'enfant maîtrise le trauma en devenant actif, en devenant le metteur en scène du trauma. Au lieu de continuer à subir passivement l'absence/présence de la mère, avec ce jeu, désormais c'est lui qui la fait disparaître et apparaître.
Cette très belle phrase d'Omar el-Khayyam résume à elle seule le chemin que font les élèves de Bonneuil dans leur rapport au dedans/dehors.
C'est aussi ce que vit le nourrisson en créant un «bon dedans» opposé au «mauvais dehors». Pendant la période de l'allaitement, la séquence absence/présence de la mère se répète un nombre illimité de fois et le nourrisson continue de la subir. Avec l'apprentissage du langage, le Fort/Da (partie/ la voilà), il maîtrise désormais la séquence présence/absence de la mère.
Pour un enfant psychotique qui, précisément, est resté fusionnel avec sa mère avec laquelle la séparation ne s'est pas faite, les allers-retours entre Bonneuil et les lieux de vie extérieurs où il va séjourner vont lui permettre de réaliser cette séparation.
Ainsi, la logique paranoïaque de l'enfant psychotique, logique qui oppose le «bon dedans au mauvais dehors», va céder la place à une «position dépressive» qui indique que l'enfant a intégré que le bon et le mauvais sont en lui. Ainsi, au lieu de continuer de diaboliser d'extérieur, il finit par l'intégrer.
Cet extérieur, ce dehors est tellement important pour les élèves de Bonneuil que Maud Mannoni a réussi à convaincre la Sécurité sociale de payer le prix de journée pour un enfant qui n'est pas à l'intérieur de l'institution. Devenue hôpital de jour, l'École expérimentale de Bonneuil a réussi à avoir un statut spécial auprès de l'assurance maladie.
Convaincre l'assurance maladie de payer un prix de journée pour un enfant qui n'est pas présent dans l'institution, non seulement nul ne l'avait fait auparavant, mais nul n'aurait pu imaginer pouvoir le faire et surtout nul n'aurait pu imaginer cela. Il a fallu le «grain de folie» de Maud Mannoni, sa conviction dans cette école qu'elle a fondée et dans les mesures de type psychanalytique qu'elle a mises en œuvre et, enfin, sa persévérance à sauver Bonneuil d'une bureaucratisation.

L'expérience de l'École expérimentale de Bonneuil, lieu de vie, «institution éclatée», a montré que l'autisme, s'il était irréversible, peut quand même être soigné, évoluer et il peut même trouver un débouché social.Les ouvrages de Maud Mannoni en témoignent. L'enfant arriéré et sa mère, L'enfant, sa maladie et les autres, Éducation impossible, Le psychiatre, son «fou» et...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut