L'Orient-Le Jour vient de publier deux articles s'en prenant au programme politique de François Fillon vis-à-vis de la Syrie et de la Russie. Le premier, modéré, d'un de ses rédacteurs en chef, Michel Touma, et l'autre, outrageux, d'un lecteur, Me Abdel Hamid el-Ahdab. Indépendamment du fond et de la forme de ce papier confus, je trouve absolument scandaleux son titre associant le nom de François Fillon à ceux de Mussolini et Hitler. M. Ahdab l'accuse de complaisance envers Bachar el-Assad et Vladimir Poutine, et établit un parallèle entre sa volonté de mettre fin à l'ostracisme visant la Russie et la capitulation de MM. Chamberlain et Daladier face à Hitler à Munich. En outre, M. Ahdab semble lui reprocher son souci du sort des chrétiens d'Orient et sa volonté de combattre le totalitarisme islamiste (dont il convient que les musulmans sont aussi les victimes). Et, dans un déni total de la réalité, il qualifie les jihadistes combattant en Syrie « d'opposition modérée qui réclame la liberté », alors que la révolution syrienne a été rapidement détournée de son objectif initial. Je ne m'attarderai pas sur d'autres propos contestables où il déplore la volonté prêtée à Donald Trump de poursuivre la politique de Barak Obama de désengagement relatif par rapport au Moyen-Orient, alors que les États-Unis sont en grande partie à l'origine du chaos régional. Je ne cherche pas non plus à défendre Bachar el-Assad, qui est aussi responsable que les jihadistes et ceux qui les appuient des malheurs du peuple syrien. Et sans être un partisan de l'alliance des minorités, j'estime que le sort des chrétiens de Syrie aurait été catastrophique si les islamistes avaient pris le pouvoir à Damas. Quant à la répression exercée par les Assad père et fils contre les chrétiens du Liban, elle les visait en tant que résistants à leur occupation et à leur dictature, et non en tant que chrétiens.
Ce que je veux, c'est dire pourquoi, en tant que franco-libanais, j'ai voté et voterai pour François Fillon, et approuve sans réserve son programme de politique intérieure et étrangère. Sans m'attarder sur les questions de politique intérieure française, je pense que seul le programme économique libéral, qualifié par d'aucuns de radical, préconisé par François Fillon est à même de redresser la France et de permettre à ses entreprises d'être à nouveau compétitives. J'ai été tenté un moment de voter pour Alain Juppé, mais ce n'est pas avec des demi-mesures, notamment concernant le poids excessif du secteur public, qu'un redressement de l'économie française est possible. Lequel est autant dans l'intérêt de la France que du Liban. Seule en effet une France forte peut recouvrer un poids diplomatique sur la scène internationale, qu'elle a d'ailleurs toujours utilisé en faveur du Liban. J'approuve aussi le conservatisme de François Fillon sur les questions de société. Bien qu'agnostique, je suis en effet attaché aux valeurs chrétiennes que les socialistes se sont acharnés à saper, avec la légalisation du mariage pour tous et l'adoption d'enfants par les couples hétérosexuels. Enfin, je ne peux qu'être reconnaissant envers François Fillon pour son souci du sort des chrétiens d'Orient. Il est d'ailleurs un des rares hommes politiques français à l'exprimer, leurs positions sur ce sujet étant sans doute influencées par une fausse conception de la laïcité et leur souci du politiquement correct.
Des milliers de pages ont été écrites, surtout de condamnation, sur le régime syrien. Aussi me contenterai-je de faire trois remarques, indépendamment du jugement moral qu'on doit porter sur ses crimes et de la dénonciation vertueuse de la realpolitik qui est, qu'on le veuille ou non, la norme internationale. Premièrement, les jihadistes ont commis autant d'atrocités envers la population civile. Deuxièmement, si on se place du point de vue de l'intérêt national français, ils représentent une réelle menace sécuritaire pour l'Europe, alors que le pouvoir de nuisance du régime syrien se limite à son pays (indépendamment du problème des réfugiés qui affecte beaucoup plus le Liban que la France). Troisièmement, comme l'ont montré les cas de l'Irak et de la Libye, les interventions occidentales, sous couvert de faire chuter les dictateurs, n'ont pas amené la démocratie mais le chaos. C'est pourquoi en l'absence, pour le moment, d'alternative crédible à Bachar el-Assad, la priorité doit être donnée à la lutte contre le terrorisme islamiste, ce qui implique une coopération avec la Russie. C'est la politique préconisée par François Fillon. Ce qui ne l'empêche pas de dénoncer les agissements du dictateur de Damas, sans s'obstiner comme François Hollande à réclamer sa tête comme préalable à toute négociation, à l'instar d'une fantomatique opposition syrienne « modérée ». Prôner une politique réaliste et non manichéiste classant d'un côté les « bons » et de l'autre les « méchants » ne signifie nullement renoncer à des considérations humanitaires et à la défense des droits de l'homme qui est une des valeurs fondatrices de la République.
J'approuve enfin le projet de François Fillon de mettre fin à la politique d'isolement de la Russie qui n'est pas dans l'intérêt de l'Europe et se situe dans la droite ligne de la vision gaulliste d'une Europe de l'Atlantique à l'Oural. Ce n'est pas capituler devant Vladimir Poutine que de prôner une politique française plus indépendante vis-à-vis de Washington. Et au lieu de diaboliser le nouveau tsar, ne faut-il pas se demander si son intervention en Ukraine n'avait pas pour but de contrer l'acharnement américain à pousser la Russie dans ses derniers retranchements, illustré par l'avancée de l'Otan jusqu'à ses portes en dépit des engagements pris lors de l'unification allemande ? Quant à son intervention dans le conflit syrien, si, comme toute politique de puissance, elle a d'abord des objectifs géostratégiques et économiques, notamment pétroliers, je ne vois pas pourquoi elle serait plus condamnable que les interventions militaires américaines dans la région. Alors que ces dernières ont favorisé la montée du jihadisme transnational et détruit l'Irak, provoquant l'exode de la majorité de sa population chrétienne, la Russie est beaucoup plus concernée par la lutte contre l'islamisme radical qui la menace directement, tout autant que les musulmans et les chrétiens d'Orient.
Nos Lecteurs ont la Parole - Par Ibrahim TABET
Pourquoi j’ai voté pour François Fillon
OLJ / le 13 décembre 2016 à 00h00
commentaires (8)
"Amicale" occupation syrienne. Je suis témoin oculaire de cet "aimable" détail : Vers 1985/86, un troufion alaouite de l'armée d'occupation syrienne, est juché sur son camion sur le pont de Nahar-el-Kalb dans le sens Jounieh-Beyrouth. Assis les jambes croisées sur la cabine, il donnait "respectueusement" des ordres aux automobilistes d'accélérer et ce, avec son pied droit....
Un Libanais
17 h 45, le 13 décembre 2016