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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Alep : ceci n’est pas un massacre...

Des images extraites d’une vidéo des Casques blancs montrant des cadavres dans les rues durant l’offensive loyaliste à Alep-Est. Syrian Civil Defense in Aleppo/AFP

On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. On ne pourra pas dire que c'était « trop compliqué » et qu'on ne pouvait rien y faire. Aucune personne de bonne volonté et suivant l'actualité internationale ne peut aujourd'hui ignorer ce qui se passe à Alep-Est. L'horreur est retransmise en direct non plus seulement par les médias, mais par les Alépins eux-mêmes qui communiquent via les réseaux sociaux et prennent des photos et des vidéos de leur(s) « réalité(s) ». Des images face auxquelles il est difficile de ne pas fermer les yeux.

Pour ne pas voir qu'au XXIe siècle on peut encore tuer son propre peuple en toute impunité. Pour ne pas voir que derrière des arguments géopolitiques et des appellations politiques, il y a des personnes humaines, des familles, des enfants qui sont tués par des pluies de bombes ou par des rafales de balles, qui meurent à cause du manque de nourriture ou de soins. Pour ne pas voir que tout cela se passe à seulement quelques kilomètres de chez nous.

Pour toutes ces raisons, le récit syro-russo-iranien a fini par s'imposer. Il a tellement imprégné les esprits, au Moyen-Orient comme en Occident, qu'il est aujourd'hui quasiment impossible d'évoquer le sort des civils à Alep sans être accusé de défendre les « terroristes ». La mobilisation de milliers de miliciens libanais, irakiens, pakistanais, afghans, encadrés par les pasdarans, qui constitue actuellement le gros de l'infanterie loyaliste, n'aura eu aucun impact sur la perception du conflit. Que des mercenaires recrutés au nom de la défense des chiites soit à l'avant-garde de la « lutte antiterroriste » menée par le régime et ses alliés n'a pas suffi à semer le doute quant aux intentions du camp loyaliste et à la réalité de ce conflit. Que le régime et ses alliés aient commis à Alep beaucoup plus de crimes de guerre qu'Israël n'en a commis à Gaza n'a pas suffi à mobiliser la rue arabe ni à émouvoir l'opinion publique occidentale.

 

(Lire aussi : Après Alep, Idleb ?)

 

Parmi les quelques milliers de combattants à Alep-Est, il y a une minorité de jihadistes appartenant au Fateh el-Cham (ex-Front al-Nosra) qui a su gagner une certaine légitimité à mesure que la répression s'est accentuée contre la population. 900 selon l'envoyé spécial de l'Onu Staffan de Mistura, quelques centaines selon les activistes sur place. Le reste des rangs de la rébellion est fourni par des groupes salafistes, islamistes ou appartenant à l'Armée syrienne libre (ASL). Que certains de ces combattants soient considérés comme une menace pour plusieurs grandes puissances régionales et internationales est tout à fait compréhensible. Mais que cette menace ait été largement exagérée par le régime syrien et ses parrains russes et iraniens pour justifier une opération de destruction totale contre toute forme d'opposition modérée ne doit jamais être oublié. Tout comme le fait que les premières victimes de cette soi-disant opération antiterroriste ont été les 250 000 civils survivant autant que faire se peut dans les quartiers orientaux. Ils sont désormais obligés de fuir leurs maisons pour ne pas mourir, sans pour autant connaître le sort qui leur sera réservé une fois passés de « l'autre côté ».

Damas, Moscou et Téhéran ont tout fait pour pousser les Alépins de l'est à bout. En imposant un siège sur les quartiers rebelles, puis en détruisant toutes les infrastructures de la ville, hôpitaux, écoles, refuges. En bombardant ensuite massivement chaque quartier, puis en lançant une opération terrestre après avoir maté les tentatives de contre-offensive. En agissant, en somme, avec une barbarie si méthodique qu'elle en devient quelque part complètement déshumanisée.

Les arguments moraux ne sont plus audibles. Soit. Alors évoquons les questions stratégiques, notamment ce qui concerne la sécurité de la région et la lutte contre le terrorisme. Était-il nécessaire de raser une partie d'une ville multimillénaire, de faire subir le pire à des centaines de milliers d'habitants pour pouvoir lutter contre quelques centaines de terroristes ? S'étonnera-t-on si après le déferlement d'une telle violence, qui ne respecte aucun principe du droit de la guerre, la Syrie reste pour longtemps le plus grand foyer de jihadistes au monde ?


(Lire aussi : En larmes, une famille d’Alep séparée par la guerre se retrouve)

 

La communauté internationale a failli à Alep. Le règlement de la question syrienne, dans son ensemble, est d'une grande complexité, mais il y avait une urgence à protéger les civils, dans les deux camps, dans la deuxième ville de Syrie. Les pays occidentaux, États-Unis en tête, auraient pu se mobiliser davantage pour exiger un cessez-le feu et prendre les mesures nécessaires pour obliger les belligérants à le respecter. La crédibilité et la perpétuation des règles du droit international étaient en jeu.

La deuxième ville syrienne va finir par tomber. Le régime syrien a déjà récupéré 60 % de la zone contrôlée par les forces rebelles et on ne voit pas ce qui pourrait l'empêcher de terminer le travail. Tous les voyants sont au vert et le temps joue désormais en sa faveur. La victoire de Donald Trump aux États-Unis, celle de François Fillon à la primaire de la droite et du centre en France sont autant de succès, a priori, enregistrés sur la scène diplomatique. Et le président syrien aura bientôt pour seule opposition, si l'on excepte les Kurdes, des groupes jihadistes avec qui il est impossible de négocier. En l'absence d'alternative crédible, il se pressera alors à la table des négociations pour imposer, de facto, sa réhabilitation. La victoire ne sera pas pour autant totale. La reconquête des territoires et l'isolement des forces rebelles ressemblent en effet à un mirage cachant une toute autre réalité : c'est le chaos actuel qui permet à Bachar el-Assad, plus dépendant que jamais des Russes et des Iraniens, de rester accroché à une illusion de pouvoir. Et tant que le président syrien sera là, le chaos ne cessera pas.

 

Repère
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On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. On ne pourra pas dire que c'était « trop compliqué » et qu'on ne pouvait rien y faire. Aucune personne de bonne volonté et suivant l'actualité internationale ne peut aujourd'hui ignorer ce qui se passe à Alep-Est. L'horreur est retransmise en direct non plus seulement par les médias, mais par les Alépins eux-mêmes qui communiquent via les...

commentaires (14)

on sait qui ils sont ... ces fameux terroristes ont ete liberer des prisons syrienne par le fameux boucher de damas ca l'histoire le retiendra pour des siecles et des siecles !!

Bery tus

04 h 44, le 06 décembre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • on sait qui ils sont ... ces fameux terroristes ont ete liberer des prisons syrienne par le fameux boucher de damas ca l'histoire le retiendra pour des siecles et des siecles !!

    Bery tus

    04 h 44, le 06 décembre 2016

  • QUELLE BOUCHERIE ! OU EST LE MONDE ? KARAVIC ATTEND SES COLLEGUES LES BOUCHERS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    22 h 55, le 05 décembre 2016

  • Mr Samrani , Je espèce vos qualité de journaliste, cependant de grâce ne répétez pas dans votre article et surtout dans l'Orientlejour , les mêmes photos et les mêmes textes édités par ce qu'on appelle la coalition .tous ces terroristes modérés qui font du bon boulot retiennent en otages la majorité de la population d'Alep Est , et ceux qui essaient de s'enfuir de cet enfer sont massacrés par ces mêmes terroristes . Alors de grâce tous ces mercenaires a la solde de tous les pays de la coalition que je ne nommerai pas , qui les finance , les armes etc, etc... De grâce arrêtons de verser des larmes de crocodiles sur ces soit disant victimes du régime ,il y a toujours plus d'un million d'habitant à Alep Ouest qui reçoivent des fusées , des bombes , des bonbonnes de gaz remplies de clous , alors de ceux là on en parle pas ! Non Mr Samrani le gouvernement syrien défend son territoire et son peuple face à ces barbares qui décapitent, égorgent et tuent femmes et enfants ! Un conseil allez sur place pour juger par vous même de la situation et ne faites pas confiance à tous ces médias qui de s'informent au lieu d'informer . À présent qu'Alep va tomber , vous allez voir qui se cache derrière tous ces soi disant opposants et leurs maîtres et seigneurs . Tout sera dévoilé et beaucoup de gens vont tomber des nues . Avec mes sincères excuses pour cette mise au point . Dr L Antaki

    antaki loutfi

    21 h 40, le 05 décembre 2016

  • L'Histoire prendra soin de juger tous ces tyrans sanguinaires et sans etat d'ame, au meme titre qu'elle a juge les Staline, Hitler, Mussolini, Yvan, Idi Amin et autres vampires bouchers de leur propres peuples, assoiffes de sang et de pouvoir, honte indelebile de leurs descendants pour des generations a venir ...

    Remy Martin

    19 h 41, le 05 décembre 2016

  • Il n'y a pas que le boucher de Damas , la Russie devient la seule fautive de ce massacre en aidant et en protégeant le grand criminel de Damas qui n'a aucun scrupule à massacrer son peuple Les forces arabes devraient débarquer en Syrie et en finir avec ces fous

    FAKHOURI

    14 h 49, le 05 décembre 2016

  • Tragédie sinistre, des civils, majoritairement innocents devenus chair à canon... Mais dans quel intérêt...les gens sur place auraient dû se rendre compte qu'ils n'étaient que des pions sur un échiquier ou jouaient les ( moyennes puissances ) ... Une fois USA absente, le champ a été libre aux Russes et autres fervents défenseurs de Bachar qui leur ouvre un accès imperial a la Méditerranée... Meme tous les al n'osera et consorts n'ont pas compris que la partie était perdue pour eux...mais une idéologie du martyre les soutenait avec les vierges qui les attendaient au Paradis... Incroyable débilité...mais toutes les idéologies extremistes sont ...débiles... Pauvres syriens pauvres Alepins, pauvre Idlib...ils auront un sort similaire à ceux qui ont subi un génocide... Ca si Syrie Utile pouvait surgir de ce chaos...ce ne serait pas une patrie pour eux

    Chammas frederico

    14 h 47, le 05 décembre 2016

  • 100% d'accord avec cet analyse. Ce qui semble une solution radicale aujourd'hui, mais "solution" quand même du point de vue d'un certain nombre de grandes capitales, enfantera vengeance et barbarie décuplées. La seule paix que connaît le boucher de Damas, c'est la paix des cimetières. Mais la haine qu'il aura engendré ne se taira jamais. Même les pierres crieront...

    Emmanuel Pezé

    13 h 35, le 05 décembre 2016

  • Les Arabes sont tout bêtement piègés et minablement piégés. Eh bien tant pis pour vous. Continuez à être des marionnettes en vous fermant les yeux et en vous bouchant les oreilles.

    Mohy

    08 h 35, le 05 décembre 2016

  • Nous avons connu le même sort à Beyrouth avec des pleureuses. Les pleurs ne servent plus à rien dans le contexte sauf à faire durer encore plus longtemps la souffrance des civils qui veulent rester chez eux. La responsabilité des morts incombe également à ceux qui préconisent la continuation des combats au nom de je ne sais quel amour propre froissé au fond de leur fauteuil ou dessein géopolitique en rêve. Un peu de lucidité pour stopper la barbarie.

    Sam

    08 h 30, le 05 décembre 2016

  • En effet la question nette devrait être posée : le maintien d'une personne quelque soit son importance, mériterait-il q'un peuple soit massacré ? Mériterait-il de provoquer tant de malheurs de douleurs et de destructions ? Sommes-nous devenus insensibles devant cette barbarie ? La vérité dans toute son horreur s'impose : cette programmation a été tout simplement décidée par toutes les puissances mondiales selon les intérêts convergents ou divergents des unes ou des autres. De grâce, laissons tomber les différentes appellations de tels ou tels groupes qui ne sont utilisés et créés de toutes pièces qu'en tant qu'arguments pour justifier ce massacre. A t-on déjà vu de par le monde ou de par l'histoire de pareilles attaques ? ... napalm, gaz moutarde, chlore, armes de destructions massives, armes d'essais, attaques d'hôpitaux, d'écoles, de boulangeries entraînant famines et manques de soins.... etc ... devant l'indifférence générale ? Et que dire des pays "amis" du peuple syrien ? Que dire des dizaines de réunions-bidons dans telle ou telle capitale ? Que du leurre ! La vérité là voilà : Il faut que les Arabes deviennent ennemis les uns des autres pour continuer à s'entretuer et qu'il n'ait ni vainqueurs ni vaincus et faire perdurer cette guerre pour l'intérêt et le grand bonheur de leurs ennemis d'hier et qui sont oubliés aujourd'hui La véritable catastrophe est celle-là : comment les Arabes peuvent continuer à être aussi idiots au point de ne pas comprendre celà ?

    Mohy

    08 h 24, le 05 décembre 2016

  • NON... C,EST UN TABLEAU D,UNE PEINTURE MODERNE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 48, le 05 décembre 2016

  • Eh oui! "Au XXIe siècle on peut encore tuer son propre peuple en toute impunité" comme Ivan le terrible à Novgorod.

    Yves Prevost

    07 h 00, le 05 décembre 2016

  • Merci de tout cœur M.Samrani

    Raminagrobis

    04 h 17, le 05 décembre 2016

  • oui mais moi je voies aussi une sorte de résistance de l'intérieur par le peuple syrien qui ne dormira jamais sans avoir pris sa revanche sur cet assassin meme avec Trump, Fillon etc !! il se créera une resistance a la maniere des résistants a paris lors de l'occupation nazi de la ville .....

    Bery tus

    04 h 09, le 05 décembre 2016

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