Rien dans les mains

Au fond, et en poussant la logique à l'extrême, le sac le plus snob serait celui qu'on ne porte pas. Griffé ou pas, quand on fait partie des sphères supérieures du « monde » au sens mondain, on le fait porter à d'autres, assistantes, garde du corps et autres valets. Surtout pour assister aux défilés où les places assises sont si exiguës qu'il faut poser l'objet à terre, ce qui est sacrilège, ou sur ses genoux, ce qui donne un air affligeant d'Harpagonne accrochée à sa cassette. On a souvent dit que c'est le marché des riches pays pétroliers du Moyen-Orient qui a redonné au sac ses lettres de noblesse. Quand les plus belles toilettes sont cachées par le thob noir, la seule partie visible d'un lifestyle qui en jette, c'est finalement le sigle du sac. Dans les pays froids, le sac n'a jamais été une vraie nécessité, dans la mesure où l'on peut toujours caser un portefeuille, un porte-cartes, des clés et un bâton de rouge à lèvres dans les poches d'une veste ou d'un manteau, vêtements que l'on porte au moins trois saisons d'affilée.
Signe des temps, les créateurs semblent revoir, pour l'été 2017, le raisonnement qui a fait du sac leur pilier commercial. La femme veut de nouveau avoir les mains libres et l'épaule légère, répartir les poids, ranger ses objets personnels par catégorie, se tenir prête à réagir en toutes situations. Voici donc l'arrivée en force des grandes poches plaquées, d'une version contemporaine de l'antique balluchon, et le retour du gilet multipoches emprunté aux photographes de guerre ou aux simples paparazzis.