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Économie - Liban - Conférence

La facture de la corruption est salée pour les ménages

Des pots-de vins aux surcoûts engendrés par le système politique confessionnel, la corruption pèse sensiblement sur le budget des ménages libanais, constatent des économistes et associations.

Près de 2 500 cas de corruption, totalisant plus de 2,5 millions de dollars, ont jusque-là été signalés à Sakker el-dekkené. Photo Staras/Bigstock

« Que ceux qui ont déjà payé un pot-de-vin lèvent la main ! Gênés, presque tous les membres de l'audience s'exécutent à la demande du professeur d'économie à l'Université américaine de Beyrouth (AUB), Jad Chaaban. Tous les panélistes qui ont participé à cette conférence dédiée à la corruption et ses effets sur l'économie libanaise organisée jeudi par l'AUB et l'ambassade du Canada se sont accordés sur l'ampleur du phénomène au Liban. Selon Jad Chaaban, « il faut payer entre 10 000 et 100 000 dollars pour avoir un permis de construire, entre 5 000 et 50 000 dollars pour enregistrer un bien immobilier et entre 5 à 10 % de la valeur d'un bien importé aux douanes pour le faire entrer sur le territoire ».

Perception amplifiée
Depuis la crise des déchets, qui a contribué à la formation de plusieurs mouvements demandant plus de transparence de la part du gouvernement, la corruption est devenue une préoccupation majeure pour les Libanais. C'est en tout cas l'opinion du président de l'ONG anticorruption Sakker el-dekkené, Rabih Nassar. « La corruption est passée de dixième sur la liste des inquiétudes des Libanais en 2013 à cinquième aujourd'hui », indique-t-il. Près de 2 500 cas, pour un montant de plus de 2,5 millions de dollars, ont ainsi été signalés par des citoyens à l'association depuis le lancement de sa plate-forme numérique dédiée en 2015. « Réfléchissez à ce que l'on aurait pu faire avec cet argent... » s'indigne Rabih Nassar.

Wissam Haraké, économiste à la Banque mondiale, confirme que la perception de la corruption s'est amplifiée ces dernières années au Liban. Citant un sondage d'Arab Barometer, il rappelle qu'en 2007, 23 % des Libanais pensaient que l'orientation politique d'un candidat à un poste de fonctionnaire est plus importante que son expérience. Quatre ans plus tard, ce chiffre était passé à 75 %. D'après lui, des réformes importantes sont nécessaires pour répondre à ce manque de confiance : « Le nouveau gouvernement doit être formé rapidement. Quelqu'un doit prendre la responsabilité de cette situation. » Il estime aussi que la lutte contre la corruption passe notamment par le renforcement de l'État de droit, le vote d'un budget par le Parlement, ou encore l'adoption d'une loi électorale minimisant le confessionnalisme et l'allégeance aux notable locaux.

 

(Lire aussi : Karim Daher : Payer ses impôts permet de demander des comptes)

 

Corruption « légale »
Mais pour Jad Chaaban, la corruption ne s'arrête pas aux pots-au-vin ou aux cas de népotisme et de passe-droits dans l'administration. L'économiste prend plus généralement en compte ce qu'il désigne comme une « corruption légale », c'est-à-dire « des lois qui bénéficient au secteur privé ou à des fonctionnaires aux dépens de la société ».

Afin de comprendre combien ce phénomène coûte aux ménages libanais, Jad Chaaban a analysé les dépenses d'une famille type composée de 4 personnes vivant dans la région de Beyrouth. Un parent travaille et gagne 2 000 dollars par mois, et un enfant est à l'université. « Pour être représentatif, j'ai pris la région qui concentre la plus grande population du Liban, explique-t-il à L'Orient-Le Jour. Le salaire moyen y est d'environ 1 200 dollars, mais j'ai choisi un scénario où la famille gagne assez bien sa vie. »

Au total, l'économiste conclut que la famille débourse 10 360 dollars par an dans cette « corruption légale », soit un surcoût de 33 % sur son budget. Pour arriver à cette conclusion, il analyse plusieurs secteurs de dépenses-clés, comme les intérêts payés par les ménages sur leurs crédits à la consommation, leur facture électrique ou encore les prix des matières de première nécessité comme la nourriture.

Le loyer fait également partie des dépenses difficilement évitables par les familles libanaises. « À 2 082 dollars par mois en moyenne pour 150 mètres carrés, le loyer à Beyrouth est de 25 à 30 % plus cher que des villes comme Istanbul (1266 dollars) ou Larnaca (559 dollars) », souligne Jad Chaaban. Selon lui, cette situation s'explique par une loi, votée sous le gouvernement de Fouad Siniora (2005-2009), qui donne 10 ans aux acheteurs pour enregistrer leur bien immobilier. « Elle entretient la spéculation car si l'acheteur revend son bien après 5 ans, il ne paie rien au gouvernement. »

 

(Lire aussi : « La lutte contre la corruption doit commencer par le haut »)

 

Pour que l'un des enfants puisse aller à l'université, la famille paie aussi 6 000 dollars par an pour une université privée, alors qu'elle pourrait payer près de trois fois moins s'il existait plus qu'une seule université publique au Liban, selon Jad Chaaban.

Autre facteur d'insatisfaction: le prix élevé des communications mobiles, trois fois plus élevées que la moyenne régionale. Selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui analyse le tarif moyen de 300 appels en 2015, le consommateur paie 127 dollars avec Touch et 147 dollars avec Alpha au Liban, alors qu'en Jordanie, il ne paie que 10 dollars, et en France, 11 dollars. « Le Liban est dominé par un duopole légal qui rapporte énormément d'argent au gouvernement (1,5 milliard de dollars par an), explique Jad Chaaban. Pour chaque appel, le gouvernement touche 30 % en taxes. Le Liban n'a donc aucune incitation à baisser les prix. »

Un exercice qui permet à l'économiste d'appeler le nouveau gouvernement à procéder à des réformes « sérieuses » dans chacun de ces secteurs. « J'appellerai aussi à davantage d'ingérence de la part de la communauté internationale. Il faut que le gouvernement leur rende des comptes. L'Union européenne a financé des dizaines d'usines de traitement des déchets dans le pays et plusieurs ont été brûlées. Aucune enquête n'a été menée », s'indigne-t-il.

 

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commentaires (5)

Osons de denouncer les grands de ce pays avant les petits fonctionnaires...ou elle est la verite ???? elle existe ????La verite libere...

Soeur Yvette

17 h 14, le 12 novembre 2016

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Commentaires (5)

  • Osons de denouncer les grands de ce pays avant les petits fonctionnaires...ou elle est la verite ???? elle existe ????La verite libere...

    Soeur Yvette

    17 h 14, le 12 novembre 2016

  • Allez chercher votre argent chez celui qui a acquit 50 propriétés foncières en un temps record, quelques petites années dans deux ministères.

    Un Libanais

    16 h 56, le 12 novembre 2016

  • ON EST ENTRAIN DE DÉNONCER LES PETITS FONCTIONNAIRES, LES PETITS VOLEURS, MAIS LÀ OÙ LE VRAI PROBLÈME EXITE ON NE VOIT RIEN. LA VRAI CORRUPTION, C'EST L'ABU DE POUVOIR. PAR EXEMPLE, QUAND MICHEL AOUN NOUS IMPOSE SON GENDRE, SON NEVEU ET SON ENTOURAGE, CELA EST UNE GRANDE ET ÉNORME CORRUPTION. DES MINISTRES INCOMPÉTENTS, C'EST LA VRAIE CORRUPTION. CE N'EST QU'UN SEUL EXEMPLE. DONC CE N'EST PAS AOUN ET SON GENDRE QUI VONT RADIÉ LA CORRUPTION AU LIBAN. À MON AVIS, ILS VONT MÊME DÉPASSER TOUT CE QUE SLEIMAN PREMIER ET SON FILS TONY AVEC SES MARADA ONT FAIT.

    Gebran Eid

    15 h 21, le 12 novembre 2016

  • IL FAUT UN CHANGEMENT DE LA TETE A LA BASE... TOUT ET TOUS SONT CORROMPUS... LES ETABLES ( ET NON LES ECURIES ) D,AUGIAS ONT BESOIN D,UN HERCULE ET DE PLUS D,UN FLEUVE A DEVIER POUR BIEN LES NETTOYER... QUI SERA CET HERCULE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 05, le 12 novembre 2016

  • Folie et le comble on aura les mêmes personnes au prochain gouvernement dans un pays tribal ou le vice aussi est héréditaire .

    Sabbagha Antoine

    08 h 24, le 12 novembre 2016

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