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Liban - Commémoration

Antoine Ghanem, l’incorruptible

Antoine Ghanem.

Il y a neuf ans, jour pour jour, le 19 septembre 2007, Antoine Ghanem, député Kataëb et membre du Rassemblement démocratique, était tué avec ses gardes du corps et plusieurs civils innocents dans une explosion à Sin el-Fil. Farouche patriote et intègre jusqu'à la moelle, Antoine Ghanem était réputé – une réputation qu'il a assumée jusqu'à son dernier souffle – pour être un homme vertueux et surtout incorruptible, comme il en manque terriblement au Liban.
Député de la majorité parlementaire antisyrienne à l'époque, ce brillant orateur a été arraché à son sol natal par un attentat à la voiture piégée, dans un contexte de crise présidentielle, à une époque où la disparition d'une poignée de députés aurait fait basculer la majorité d'un camp à l'autre dans la perspective de l'élection par le Parlement d'un successeur au président prosyrien, Émile Lahoud.
Sixième député assassiné depuis le meurtre de Rafic Hariri en février 2005, Antoine Ghanem aurait payé ainsi, selon les analyses, le prix de son engagement contre le pouvoir en place à Damas et de son militantisme souverainiste au sein de l'opposition plurielle du 14 Mars – il était l'un des orateurs de la place des Martyrs le 14 mars 2005 –, et le fait d'avoir été élu député dans les rangs de la majorité. Partant, c'est Damas qui avait été immédiatement pointée du doigt, la plupart des observateurs ayant reconnu dans cet assassinat la signature du régime Assad et de ses alliés, sous pression à l'approche de la présidentielle au Liban.
Bernard Kouchner, chef de la diplomatie française à l'époque, horrifié par l'attentat, avait même annulé une rencontre prévue à l'époque avec son homologue syrien, Walid Moallem. La pression était forte pour le régime syrien et ses alliés avec le changement perçu au niveau de la politique étrangère américaine, amorcé par un lobbying systématique exercé par les partis de l'opposition chrétienne dont les partisans étaient persécutés et menacés depuis la fin de la guerre civile...
Le député Kataëb venait de rentrer au Liban depuis quelques jours. Sa famille avait peur pour sa vie et sentait le spectre de la mort rôder, la menace toujours plus pesante. Lui, en revanche, « affichait une foi inébranlable qu'il transmettait à son entourage », raconte sa fille Mounia. Pour des raisons de sécurité, il était forcé de s'éloigner de sa patrie ou de sa maison familiale, lui qui souvent se retrouvait nez-à-nez avec les services de renseignements en rentrant à son domicile et avait l'habitude de calmer ses proches en les invitant à ne pas s'inquiéter et ne pas se laisser abattre par l'intimidation.
Neuf ans se sont déjà écoulés depuis sa disparition. Une messe a été célébrée hier à Badaro, des allocutions ont été prononcées pour lui rendre hommage ainsi qu'à ses compagnons... mais qu'en est-il de la justice ?
« Je suis confiant, je dois rester confiant en attendant que justice soit faite pour mon père, un député désintéressé, et bien d'autres qui ont disparu dans des explosions restées sans suite devant les tribunaux libanais, explique Toufic Ghanem, son fils. Un tribunal international a besoin en moyenne de 10 à 12 ans avant de rendre son jugement, nous espérons que le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) aboutisse bientôt à un résultat concret », souligne-t-il, inépuisable.

Assoiffé de justice
Depuis 2009, les familles restent sur leur faim. Faim vorace de justice, incontournable pour pouvoir donner un sens au sacrifice. Pour expurger l'amertume, la colère, le désespoir. D'autant que la violence est toujours là et que la menace continue de peser sur les partisans du mouvement souverainiste. Même s'ils ont vidé depuis longtemps les rues de la capitale, désormais désertes. Mais il faudra un jour que justice soit faite, et les coupables sanctionnés, pour que la libération soit complète, véritable.
Assoiffé de justice, avocat de formation, Antoine Ghanem l'était absolument. Les murs des prisons, où se retrouvaient cloîtrés les jeunes opposants que le député défendait corps et âme, sont jusqu'à ce jour des témoins muets de la souffrance et de la torture. Les idées pour lesquelles ils est tombé sont toujours vivaces, inébranlables, en dépit de la machine à tuer infernale. Elles existent, sur le papier, mais sont orphelines d'hommes « sages et croyants ». Antoine Ghanem était d'une trempe particulière, mais il suffisait que sa voix de stentor tonne pour que la vérité terrasse tous les maux et que les mots de la rectitude nettoient tout, dans un déluge salutaire de franchise, de dévouement, de pureté.
C'était « un homme engagé et de dialogue bien avant l'époque des ententes et des dialogues artificiels qui auraient pu, s'ils avaient existé plus tôt, éviter au pays des années de guerres et des centaines de martyrs », reprend Toufic.
Antoine Ghanem appartient à la trempe des agitateurs de pensées, des semeurs de révolutions, des garde-fous de la souveraineté nationale que la mort ne peut que rendre plus forts et plus intransigeants. Pour Mounia, « il a été un père qui a su transmettre une bonté paternelle infinie, conjuguée à une force de caractère et une présence d'esprit, avec, pour couronner le tout, une paix intérieure qui l'armait d'une sérénité au quotidien même lorsqu'il savait qu'il serait liquidé ». Selon la jeune maman, le parcours de son père, « l'homme sage », est « celui d'un vrai chrétien qui a su faire de sa mort un temps victorieux et une célébration de la gloire du Christ en montrant un sens du sacrifice patriotique dont peu d'hommes politiques sont capables de percevoir le sens ». « Je suis triste de voir que, malgré la mort de papa et d'autres cadres du 14 Mars ou ceux de la révolution du Cèdre, nous sommes réduits à être gouvernés par des individus corrompus et nous noyer dans nos déchets », ajoute-t-elle.
L'assassinat d'Antoine Ghanem, « l'homme », l'humaniste, implique inévitablement une volonté d'annihiler tout ce qu'il représentait. C'est aux héritiers politiques d'empêcher cela et de donner aujourd'hui un sens à cette mort, en dépit de son absurdité. C'est par l'action, avec le même idéal de pureté et d'humanisme, et le même courage à toute épreuve, que l'on rend hommage aux justes.

Il y a neuf ans, jour pour jour, le 19 septembre 2007, Antoine Ghanem, député Kataëb et membre du Rassemblement démocratique, était tué avec ses gardes du corps et plusieurs civils innocents dans une explosion à Sin el-Fil. Farouche patriote et intègre jusqu'à la moelle, Antoine Ghanem était réputé – une réputation qu'il a assumée jusqu'à son dernier souffle – pour être un...

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