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Lifestyle - Un peu plus

Beyrouth vintage

Le Liban serait-il vintage et nous ne le saurions pas ? Serions-nous bloqués dans le temps sans nous en rendre vraiment compte ? Quand le monde entier est en train d'avancer à pas de géant en matière d'énergie, de technologie, de santé, d'écologie, de nutrition, de télévision, de musique... nous, au Liban, on préfère marcher à reculons. On n'est même plus dans le « Qui n'avance pas recule » mais dans le « Qui recule, recule ».

On a toujours aimé parler du Liban au passé. Du Liban d'antan, de celui de nos grands-parents, d'avant la guerre, du temps de Camille Chamoun, sans vouloir réaliser que le Liban d'avant, c'est le Liban d'avant. Comme si, dans nos têtes, le temps s'était figé à une certaine époque et que nous n'en étions pas sortis. À tel point figé, qu'on ne remarque même plus que nos modes de vie ancestraux ressemblent étrangement à ceux d'il y a une vingtaine d'années.

On doit probablement être un des rares pays au monde où l'électricité se coupe. On est tellement habitué à vivre dans le rationnement qu'on rit de la panique des New-Yorkais quand ils perdent la lumière pendant 2 heures. Tellement dans le déni que, bientôt, on va ressortir nos petits Lux (petites bonbonnes de gaz) pour éclairer nos parties de cartes, réchauffés par une sobia. Vu le prix de l'électricité si on chauffe à l'air chaud, le prix d'un abonnement au moteur qui ne tient pas plus de 30 ampères, mieux vaut revenir au charbon.

Nostalgiques, vous allez être servis ; le Liban va bientôt rejoindre le temps des photos que les internautes adorent poster sur Facebook. Le Saint-Simon, la place des Canons à la grande époque, Bachir Gemayel en Ray Ban, les jolies filles au Saint-Georges, les Caves du Roy, Dalida au Casino, le Flying Cocotte... mais sans le glamour, l'insouciance et le faste de cette époque-là. Non, on va bientôt rejoindre Marty, Doc et leurs compagnons à bord d'une BMW 2000 dans un retour vers le futur où les programmes de Télé Liban, que l'on regarde aujourd'hui, étaient live dans ces années-là. Bientôt, on va se remettre à chercher les chaînes de télé sur cette petite boîte joliment appelée ontenne et qu'on tournait dans tous les sens pour retrouver... Télé Liban justement. Vu que dès qu'il pleut, le câble disparaît et qu'on est obligé de se rabattre sur les chaînes locales de l'antenne dite normale, ce petit objet aurait bien sa place dans nos maisons.

D'ailleurs, pourquoi ne pas réinstaller des modems pour Internet puisque ça déconne sans arrêt et que la pluie adore jouer avec le wifi. C'était sympa ce sifflement, entrecoupé de khchhhh te2 te2 te2, qui nous confirmait notre connexion à 54 kilobits. Là, c'est presque pareil au niveau de la vitesse, mais c'est plus cher. Aussi cher que les factures de nos portables, où la 4G est une illusion et une conversation sans interruption quasiment, non pas quasiment, impossible. C'est génial, on se croirait dans les années 80, quand on soulevait le combiné en attendant la ligne et qu'on tournait le 0 pensant conjurer le mauvais sort. On attend que le réseau revienne en jouant avec la touche Airplane Mode, on ne sait jamais. À partir de là, on peut ressortir nos vieux Nokia et Ericsson et jouer à Snake.

Le Liban est totalement hipster et on ne le savait pas, c'est fou... Quoique les hipsters sont un peu has been. On aime bien se rafraîchir avec un ventilateur (quand électricité il y a) plutôt qu'à l'A/C. Parce que nous, ces app sur smartphone qui mettent en marche à distance les lumières ou l'air conditionné, on n'aime pas. Nous, on préfère les éventails, c'est plus élégant. Et nous, on préfère la sallé qui descend du balcon pour faire son supermarché plutôt que de le faire sur le web. C'est bien la sallé quand on n'a pas d'ascenseur jusqu'à 18 heures.

Sauf que la nostalgie n'est plus ce qu'elle était. Et de nostalgique, il ne reste que ces débris malheureux et pitoyables avec et dans lesquels nous vivons. On ne peut pas revenir en arrière vers ce Liban élégant dont nous parlent nos aînés. Nan, nous on revient en arrière, dans un temps qu'on ne connaît pas : celui de Rola Yammout ou de Rima Dib, ces pseudobimbos pornos qui enfoncent le clou de l'état dans lequel nous vivons actuellement : les poubelles.

Le Liban serait-il vintage et nous ne le saurions pas ? Serions-nous bloqués dans le temps sans nous en rendre vraiment compte ? Quand le monde entier est en train d'avancer à pas de géant en matière d'énergie, de technologie, de santé, d'écologie, de nutrition, de télévision, de musique... nous, au Liban, on préfère marcher à reculons. On n'est même plus dans le « Qui n'avance pas...

commentaires (1)

Non, je ne dirais pas que "c'était mieux avant" mais cela ne m'interdit pas de raconter à mes arrières-petits-enfants les temps heureux de leur Patrie, le temps des fiacres sous les sycomores à la Place des Canons, le ticket du tramway à cinq piastres, la glace avec crème chez Automatique, l'assiette de "foul" à 75 p. chez Ajami, la trempette au Bain français chez l'amiral Baz, le cinéma Rialto en plein air au-dessus des bains Ondine, le Saint-Georges, fleuron des hôtels du Liban, le Courrier de France aux librairies Antoine tous les mercredis...

Un Libanais

14 h 57, le 17 septembre 2016

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Commentaires (1)

  • Non, je ne dirais pas que "c'était mieux avant" mais cela ne m'interdit pas de raconter à mes arrières-petits-enfants les temps heureux de leur Patrie, le temps des fiacres sous les sycomores à la Place des Canons, le ticket du tramway à cinq piastres, la glace avec crème chez Automatique, l'assiette de "foul" à 75 p. chez Ajami, la trempette au Bain français chez l'amiral Baz, le cinéma Rialto en plein air au-dessus des bains Ondine, le Saint-Georges, fleuron des hôtels du Liban, le Courrier de France aux librairies Antoine tous les mercredis...

    Un Libanais

    14 h 57, le 17 septembre 2016

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