Une nouvelle escalade, le cadeau de Bassil aux musulmans pour l’Adha

Maintenant que l'absence de certains ministres, dont ceux du Hezbollah, ont comme on dit « amoindri la tension » dans le pays pendant un jour, à quoi faut-il s'attendre ? Contrairement aux attentes, c'est par une escalade que le CPL entend répondre au geste de Tammam Salam, qui a suspendu lui aussi les réunions du Conseil des ministres pour un temps déterminé. Le cadeau que le ministre des AE et chef du CPL Gebran Bassil fera aux musulmans pour la fête d'al-Adha, qui commence lundi, c'est un nouveau discours incendiaire qu'il compte prononcer ce jour-ci au stade de Ghazir, en plein cœur du « pays maronite ». Selon des sources proches de Michel Aoun citées par notre chroniqueur Khalil Fleyhane, le discours de lundi comprendra l'annonce d'une escalade graduelle qui conduirait à la désobéissance civile puis à la grève générale.

Pourtant, il y a au sein du CPL un curieux mélange de volonté de grandeur et de petitesse. Ainsi, on a confirmé hier de source sûre, malgré les démentis du courant aouniste, que le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, a réellement proposé une sorte d'échange de nominations, en l'occurrence celle de Jean Kahwagi en échange du départ de Mohammad Kheir, reconduit il y a deux semaines, malgré l'opposition de Michel Aoun, à la tête du secrétariat du Conseil de défense. En vertu de ce troc, le général Kheir aurait repris le chemin de la retraite, en échange d'un aval à la reconduction pour un an du mandat du commandant en chef de l'armée. Ce troc sordide a heureusement été rejeté par le Premier ministre, au nom de l'irrévocabilité des décisions du Conseil des ministres. Que la classe politique se soit prêtée à ce marchandage donne une idée du niveau atteint par la vie politique en ce moment.

En tout état de cause, on estimait hier dans les milieux politiques que le recours à cette escalade ne conduira nulle part, et que si grande que soit la représentativité de Michel Aoun, il ne pourra faire sauter les équilibres politiques qui ont permis au Liban de tenir jusqu'à présent face aux tempêtes qui soufflent sur la Syrie, l'Irak et le Yémen.

En dépit de la volonté d'escalade du CPL, les circonstances semblent pousser vers l'apaisement. Le Premier ministre n'a pas convoqué le Conseil des ministres, jeudi prochain. L'excuse en est toute trouvée: il doit se rendre aux réunions de la 71e session annuelle de l'Assemblée générale de l'Onu, à New York. Le pays est donc placé devant un répit qui, normalement, s'achèverait au retour de M. Salam, le 22 septembre. Ce laps de temps bienvenu, mais court, suffira-t-il pour trouver une solution? On en doute dans les milieux politiques.
Mais pas dans tous. Des astronomes du CPL ont en effet annoncé avoir vu briller l'étoile de Michel Aoun dans le firmament politique, le 28 septembre, date de la prochaine session parlementaire pour l'élection d'un président. Dans un entretien sur la chaîne al-Jadeed, Wi'am Wahab l'a curieusement confirmé. Avant son départ du Liban, Saad Hariri aurait annoncé au président de la Chambre Nabih Berry qu'il allait « trancher » à son retour au Liban, vers la fin de ce mois, a-t-il dit. Pour M. Wahhab, M. Hariri devrait y trouver son intérêt véritable puisqu'en réponse au pouvoir royal de son pays d'adoption, dont la politique d'austérité a entraîné la faillite de sa compagnie, Saudi Oger, à laquelle il doit 30 milliards de riyals (8 milliards de dollars), il reprendrait ses fonctions et sa dignité de Premier ministre.

Toutefois, des observateurs chevronnés doutent que M. Hariri aura la force de caractère et l'audace politique de sortir du giron protecteur de sa seconde patrie pour donner son assentiment à l'élection de M. Aoun. Par ailleurs, les mauvaises langues qui attribuent au Hezbollah la responsabilité véritable du blocage estiment que ce dernier trouvera le moyen de torpiller l'élection par des négociations préélectorales tellement serrées sur la composition du gouvernement et du texte de la déclaration ministérielle qu'elles en deviendraient impossibles.

Que ces pronostics se vérifient ou pas, des responsables politiques modérés estiment que le mouvement d'escalade du CPL ne sera pas suivi par ses alliés, pas plus les FL que le Hezbollah. Ce dernier parti l'a fait savoir hier par la voix de Ali Fayyad, qui a rencontré le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk. Selon ces sources, le CPL franchirait alors un nouveau degré dans son escalade, qui culminerait pour l'anniversaire du 13-Octobre, date de l'expulsion du général Aoun du palais de Baabda par l'armée syrienne. Sachant qu'au jeu qu'il joue actuellement, au nom du droit des chrétiens, le pacte national et le vivre-ensemble sont les premiers et grands perdants.

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