L’absence de quorum à la présidentielle, une arnaque politico-juridique

Encore une présidentielle évaporée, encore un scrutin saboté ! Et nous nous demandons comment se fait-il qu'un pays demeure sans son plus haut représentant, en l'occurrence sans président, des années durant ? Comment se fait-il qu'un État reste sans tête durant plus de deux ans et demi ? De mémoire d'homme, jamais république n'est aussi longtemps restée décapitée ! L'irresponsabilité de ces députés de la nation qui s'abstiennent de se rendre au Parlement pour réunir le quorum requis par la Constitution à moins de garantir à l'avance leurs intérêts privés et l'issue du scrutin à leur avantage est un crime envers la nation libanaise, ses institutions et sa Constitution. Et ces parlementaires nous démontrent, preuve à l'appui, par leur brillante absence à la Chambre des députés le jour du scrutin, qu'ils n'en ont cure de l'intérêt national et de la volonté du peuple qu'ils sont censés représenter. Ajournement après ajournement de la présidentielle comme s'il s'agissait d'une quelconque session parlementaire, les prétextes des absents constituent une fiction légale, des arguments juridiques cousus de fil blanc et sur mesure qu'ils se sont forgés ; ce qui est une violation évidente de la Constitution que d'aucuns s'approprient et pillent comme un vulgaire contrat privé, une transgression manifeste du texte et de l'esprit constitutionnels et des principes généraux du droit, en un mot, un acte de filouterie contre la nation. Et leurs diverses exégèses de la Constitution, texte suprême et sacré de la République, garant de la démocratie et de la justice, sont des couleuvres simili-légales, des pseudo-arguments juridiques qu'ils cherchent à nous faire avaler sans autre forme de procès.
En réalité, comment peut-on avoir le moindre soupçon sur les prétendues intentions qu'auraient eues les légistes et les rédacteurs de la Constitution d'agréer une situation de vide et de déliquescence au plus haut niveau de l'État. Comment peut-on supputer que l'esprit du législateur constitutionnel se soit associé à de basses manœuvres, à de viles circonvolutions consistant à saboter l'esprit et l'objectif ultime de toute Constitution : assurer la sauvegarde de l'intérêt national, la continuité des institutions et la représentation de l'État à son plus haut niveau dans les plus brefs délais. Et nous nous souvenons qu'en novembre 2014, ce même Parlement, champion de l'absentéisme pour le scrutin présidentiel, s'était réuni à la quasi-unanimité et avait voté l'autoprorogation de la Chambre, au nom de la stabilité du pays et afin de parer à un vide législatif, la deuxième depuis 2013 date à laquelle leurs fonctions auraient dû prendre fin. Ce faisant, il semblerait qu'a contrario, aux yeux de certains de nos législateurs, l'absence prolongée et indéterminée du chef de l'État n'est pas une source d'instabilité et n'entache aucunement la pérennité des institutions, la représentativité et la crédibilité de l'État ! Par ailleurs, si les absentéistes avaient refusé leur salaire pour n'avoir pas rempli leur part du mandat peuple/représentants, ou avaient démissionné faute d'avoir failli à leurs responsabilités, ils auraient au moins eu le mérite de gagner un minimum de notre respect.
Quant à nous, enfants de la patrie, nous condamnons ces députés qui nous dépitent, qui ont perdu toute représentation légitime et qui continuent à préserver le vide, le flottement, le saut dans l'inconnu d'un pays en perdition, à la peine maximale pour non-assistance à un pays en danger !