Pour la première fois depuis le début de la vacance au niveau de la présidence de la République, le secrétaire général du Hezbollah a évoqué clairement la présidence du Conseil. Jusque-là, dans tous ses discours et ses entretiens télévisés, Hassan Nasrallah s'était contenté de parler de la présidentielle ou d'un package deal, sans entrer dans les détails. Samedi, dans le cadre de son discours à l'occasion de la fin de la guerre de juillet 2006, il a donc été plus clair que jamais au sujet du dossier présidentiel, assurant que s'il y a un consensus sur l'élection du général Michel Aoun, le Hezbollah est ouvert à toutes les propositions au sujet de la présidence du Conseil. En clair, Hassan Nasrallah a dit au courant du Futur et à Saad Hariri en particulier : si vous acceptez d'élire le général Aoun à la présidence, nous sommes disposés à étudier la possibilité de votre désignation à la tête du gouvernement. Le secrétaire général du Hezbollah a voulu ainsi se montrer positif et faire en quelque sorte avancer le dossier présidentiel, en le liant à celui de la présidence du Conseil, dans une volonté de donner un appât suffisamment intéressant pour convaincre le courant du Futur de voter pour Michel Aoun.
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Cette déclaration fait écho aux commentaires qui avaient circulé dans les médias à la suite d'une déclaration de l'ancien ministre Wi'am Wahhab, au sujet d'un mandat donné par le Hezbollah à Michel Aoun pour négocier la présidence du Conseil. Cette proposition n'avait pas alors eu l'effet escompté et n'avait pas poussé le courant du Futur à engager avec le fondateur du Courant patriotique libre un dialogue sur la présidentielle. Peut-être parce qu'elle était prématurée ou parce que le Hezbollah voulait garder l'initiative à ce sujet. D'ailleurs, selon des sources proches du 8 Mars, une des raisons qui avaient poussé le parti chiite à accueillir froidement l'annonce de l'adoption de la candidature du chef des Marada Sleiman Frangié par Saad Hariri était le fait que tous les deux s'étaient entendus sur le retour au Sérail du chef du courant du Futur, avec l'arrivée du leader chrétien du Nord à Baabda. Sleiman Frangié avait eu beau alors expliquer qu'il ne s'était pas officiellement engagé sur ce sujet, l'idée était dans l'air et les partisans de Saad Hariri se comportaient comme si l'affaire était acquise et le marché conclu. Tout en accordant toute sa confiance à Sleiman Frangié, le Hezbollah s'était donc senti pris de court, sachant qu'à ses yeux, il y avait un piège qui consistait à chercher à le priver de ses deux alliés chrétiens, les Marada et le CPL, en semant la zizanie entre eux d'abord, puis entre chacun d'eux et la formation chiite.
L'objectif a d'ailleurs été plus ou moins atteint, puisque les proches de Sleiman Frangié ne cachent pas une certaine amertume à l'égard du Hezbollah, rappelant que le député de Zghorta a toujours été un allié loyal et fidèle de la résistance, même, parfois, au détriment de ses propres intérêts électoraux, sachant que dans le Nord, il y a bien peu de villages chiites, alors que l'environnement de Zghorta est en grande majorité sunnite. Même malaise au niveau de la base aouniste, qui se laisse influencer par certaines déclarations mettant en cause le sérieux de l'appui du Hezbollah à la candidature de Michel Aoun. Certes, le chef du bloc parlementaire du Changement et de la Réforme n'a jamais mis en doute l'appui du parti chiite à sa candidature à la présidentielle, mais ses partisans, eux, expriment parfois une certaine impatience, reprochant au Hezbollah de ne pas exercer de pressions sur le président de la Chambre ou sur le chef des Marada.
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Samedi, pour la première fois, Hassan Nasrallah a donc ouvertement lié les deux fonctions, la présidence de la République et la présidence du Conseil, évoquant la possibilité d'un accord sur les deux qui amènerait Michel Aoun à Baabda et Saad Hariri au Sérail. Il a voulu ainsi montrer sa bonne volonté et faciliter l'élection du général Aoun, puisqu'il n'a pas précisé qu'il fallait mener des négociations sur le choix du futur Premier ministre et, par conséquent, discuter des conditions de l'acceptation de Saad Hariri ou d'un autre. Pour le Hezbollah, qui se considère actuellement victime d'une campagne internationale, régionale et locale visant à l'isoler politiquement et à l'encercler économiquement et financièrement, il s'agit d'une concession importante puisque la seule contrepartie qu'il exige pour accepter le retour de Saad Hariri au Sérail est que ce dernier vote pour Michel Aoun à la présidence. En même temps, Hassan Nasrallah montre qu'il a une grande confiance dans « le général », puisque sa seule élection est considérée comme une garantie pour lui, bien qu'en réalité, les pouvoirs du président de la République soient assez limités.
Si les médias du CPL se sont aussitôt saisis de l'affaire, le courant du Futur, lui, est resté assez discret. Selon des sources proches de ce courant, il serait divisé sur la question, certains estimant que l'essentiel est le retour de Saad Hariri au Sérail, d'autres, au contraire, considérant qu'il s'agit d'un nouveau piège du Hezbollah pour mettre le courant du Futur au pied du mur. C'est un peu comme si, à travers cette phrase de Hassan Nasrallah, le parti chiite a voulu montrer qu'il est flexible et maître de sa décision, ce qui ne serait pas le cas du courant du Futur, qui ne peut pas accepter une telle offre, sans l'aval de ses alliés régionaux...
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commentaires (9)
Chassez le naturel il revient au galop! Le votre est de croire aux chimères de Hassouna & Compagnie! Le Hezbollah, après la débandade d'Alep, a compris que sa fin, telle qu'elle, est proche. Il a donc besoin de trouver un moyen de couvrir son échec Syrien par un acquis politique, a défaut, au moins une certaine protection qui lui assurera une pérennité politique minimale qu'il exploitera comme une victoire, a la Pyrrhus bien sur, supplémentairement. Actuellement, seul Aoun au pouvoir pourrait lui octroyer une certaine protection jusqu'à ce que le parti réussisse la transition requise au moindre frais. Pourquoi pas Franjieh? Simplement parce qu'il ne représente rien et s'il est élu, il le sera sans la majorité des Chrétiens et donc non consensuel par rapport a la politique prôné par le Hezbollah tout ce temps la. N'ayant pu s'assurer de concession sur son triptyque, il a essayé le package deal. Cette option raté, il a tenté de changer la loi électorale, encore raté. Il propose alors d'offrir en contrepartie le sénat. Plus raté que raté, nous voila arrivés au troc. Décidément, le feu brûle sous son derrière et Hassouna se voit mal passe de héro a derrière les barreaux, car si certains oublient le TSL, lui pas, nous non plus d'ailleurs... Juste a titre de rappel car un homme averti en vaut deux...!
Pierre Hadjigeorgiou
13 h 11, le 16 août 2016