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À La Une - Reportage

En Syrie, des déplacés relancent les récoltes

"De coiffeuse je suis passée à agricultrice, et j'en suis très heureuse parce que j'ai trouvé un endroit sûr pour mes enfants, un endroit où ils peuvent boire et manger".

Lorsque les cultivateurs de tomates dans la province syrienne de Tartous sont partis en guerre, leurs champs ont été laissés à l'abandon. Mais cet été, la récolte est de nouveau assurée grâce au coup de main des déplacés. AFP / LOUAI BESHARA

Lorsque les cultivateurs de tomates dans la province syrienne de Tartous sont partis en guerre, leurs champs ont été laissés à l'abandon. Mais cet été, la récolte est de nouveau assurée grâce au coup de main des déplacés.

Dans un champ de la région côtière de l'ouest de la Syrie, hommes, femmes et enfants déambulent entre les pieds plantés sous des bâches en plastique à la recherche des fruits mûrs, prêts à être cueillis.
Nombre d'ouvriers agricoles viennent de la province d'Alep (nord), l'un des principaux fronts du conflit syrien qui en cinq ans a fait plus de 280.000 morts et jeté hors de chez elles des millions de personnes.

"Après l'intensification des combats à Alep, nous avons pensé que la meilleure solution était de fuir vers Tartous", affirme à l'AFP Ahmad Farhat Ismaïl, qui travaille dans les champs avec sa famille. "C'est une région agricole et cultiver la terre est la seule chose que nous savions faire", raconte à l'AFP cet homme de 48 ans. "Je veux travailler pour ne pas devenir un réfugié".

Ahmad et les siens remplacent les milliers d'habitants de Tartous, un bastion du président Bachar el-Assad, qui ont pris les armes aux côtés du régime depuis le début de la guerre civile.
Près de 30.000 soldats de cette région sont morts au combat, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, une ONG basée au Royaume-Uni qui documente la guerre depuis 2011. Nombreux sont les habitants de la région à avoir perdu un ou plusieurs membres de leur famille et à avoir été forcés d'abandonner leurs terres.

"Quand des membres de ma famille ont été enrôlés dans l'armée, nous n'avions plus assez de bras", explique Abdel Karim Kanij, 55 ans, tenant délicatement une tomate fripée. "La récolte des tomates a souffert jusqu'à ce que les nouveaux arrivent cette saison pour nous prêter main forte et combler le vide".
Les deux frères d'Abdel Karim servent dans l'armée à Homs et Damas (centre) tandis que son jeune neveu combat pour le régime à Alep, où la guerre fait rage entre régime et rebelles.
"Nous donnons nos hommes et notre sang à Alep, et Alep, elle, nous envoie ses hommes et ses femmes", lance-t-il.

 

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'Un havre de paix'
En plus de son lot de morts, de déplacés et de réfugiés, le conflit a ravagé l'économie.
Les agriculteurs de Tartous produisaient un million de tonnes de tomates par an avant la guerre, la province étant l'un des plus gros producteurs au monde, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). Mais l'an dernier, ce chiffre est tombé à 300.000 tonnes, selon le ministère de l'Agriculture.

En collaboration avec le gouvernement, le PAM et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ont donné formations techniques, matériel d'irrigation et aides à quelque 2.000 agriculteurs, afin de fournir du travail à près de 6.000 ouvriers, dont les déplacés.
"Nous essayons de donner aux gens la possibilité de changer de vie, d'assurer leurs moyens de subsistance. En produisant leur propre nourriture et en la vendant via des distributeurs locaux, ils deviennent autosuffisants", précise Ivo Junior Santi, chargé de la logistique pour le PAM.

Près de 700.000 Syriens auraient trouvé refuge à Tartous, 60% d'entre eux étant originaires de la province d'Alep, selon une source du gouvernorat. Beaucoup vivent dans des conditions difficiles et dorment à l'étroit dans des hangars qui jouxtent les champs où ils travaillent.
"J'ai perdu mon mari l'année dernière quand il a quitté notre domicile à Alep pour ne jamais revenir", raconte Nour al-Abdallah, une ouvrière affairée à ranger les tomates dans des cartons blancs.
Elle montre à sa fille Tima, 6 ans, comment empiler les caisses les unes sur les autres pour qu'elles puissent être manipulées au centre de distribution situé en ville.
"De coiffeuse je suis passée à agricultrice, et j'en suis très heureuse parce que j'ai trouvé un endroit sûr pour mes enfants, un endroit où ils peuvent boire et manger. Même si la guerre se termine, je veux rester ici".

Mohammad Chehadé, lui, a quitté Sfiré dans la province d'Alep en 2013.
"A Tartous, j'ai appris une nouvelle façon de travailler la terre grâce au savoir-faire des gens d'ici et eux ont aussi bénéficié de mon savoir-faire", ajoute cet homme de 40 ans.
Bien que sa localité a été reprise par le régime, il souhaite rester à Tartous. Car "ici, j'ai trouvé un havre de paix et un salaire décent pour vivre".

 

 

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