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La Turquie et l'EI: vers une guerre totale?

Quelle était la politique d'Ankara à l'égard de l'EI?  Pourquoi a-t-elle changé? Pourquoi Ankara accuse l'EI? Pourquoi l'EI ne revendique pas? Vers une guerre totale?

Les autorités turques ont pointé du doigt le groupe jihadiste sunnite État islamique (EI) après l'attentat à l'aéroport international d'Istanbul qui a tué 41 personnes mardi. AFP / OZAN KOSE

Les autorités turques ont pointé du doigt le groupe jihadiste sunnite État islamique (EI) après l'attentat à l'aéroport international d'Istanbul qui a tué 41 personnes mardi.

Longtemps accusée de complaisance envers l'EI, la Turquie a changé de tactique et porté des coups à ce groupe extrémiste en se joignant notamment en août 2015 à la coalition internationale antijihadistes dirigée par les États-Unis.

 

Quelle était la politique d'Ankara à l'égard de l'EI?

L'EI a longtemps acheminé via la Turquie, accusée alors de fermer les yeux, hommes et matériel en Syrie afin de combattre la régime de Bachar el-Assad ainsi que les rebelles et ses frères ennemis du Front al-Nosra, la branche syrienne d'el-Qaëda.

Le président Recep Tayyip Erdogan, un musulman sunnite de la mouvance des Frères musulmans, a ouvertement prôné la chute de son ancien ami, Bachar el-Assad, issu de la communauté alaouite, une secte hétérodoxe.

Il a soutenu toutes les composantes de la rébellion depuis le début de la guerre civile en Syrie qui a fait plus de 280.000 morts et des millions de déplacés ou de réfugiés.

Le régime syrien et son allié russe ont accusé la Turquie d'avoir, ces dernières années, permis le trafic d'armes et de pétrole volé mené par l'EI à travers ses frontières avec la Syrie et l'Irak. Fin 2015, l'Onu a demandé à la Turquie de lutter "totalement et concrètement contre les trafics" de l'EI.

Les Occidentaux avaient eux aussi dénoncé la mansuétude du régime Erdogan dans la lutte contre les filières qui alimentent l'EI en combattants étrangers. La Turquie s'en était offusquée.

En juin 2014, un député de l'opposition turque, Ali Edibogluan, a affirmé que les jihadistes avaient vendu pour 800 millions de dollars de brut en Turquie.

 

(Pour mémoire : En Turquie, les attentats nourrissent les craintes pour l'économie)

 

Pourquoi a-t-elle changé?

En août 2015, la Turquie a rejoint la coalition internationale dont les bombardements avec ceux de la Russie ont réduit les revenus pétroliers de l'EI qui occupe en Syrie une vaste bande territoriale dont d'importants champs pétroliers.

Auparavant, elle avait resserré ses contrôles dans les aéroports et à sa frontière. Sa police avait aussi démantelé les cellules jihadistes après trois attentats meurtriers attribués à l'EI sur le sol turc dont celui qui a visé la gare centrale d'Ankara le 10 octobre (103 morts).

Les échanges d'informations de sécurité entre la Turquie et l'étranger se sont en outre améliorés.

Ankara, qui combat les indépendantistes kurdes sur son territoire, n'avait pas réagi lors des batailles menées par les Kurdes syriens contre l'EI qui a perdu du terrain depuis 2014.

Pour Aron Stein, chercheur à l'Atlantic council, "l'EI accuse la Turquie d'aider la milice kurde (syrienne) des YPG et a blâmé ce pays de la perte de ses territoires le long de la frontière depuis la bataille de Kobané", localité frontalière perdue en janvier 2015 par les jihadistes.

 

Pourquoi Ankara accuse l'EI?

Bien qu'aucun groupe n'ait revendiqué l'attentat d'Istanbul, le Premier ministre turc Binali Yildrim a estimé que "les indices pointent sur Daech", un acronyme en arabe de l'EI.

Selon Soufian Group, "la Turquie est devenue un objectif prioritaire de l'EI. Ce pays est mentionné maintes fois dans Dabiq, le magazine en anglais de l'EI, et le président Erdogan figure en couverture du numéro 11 de la revue".

La Turquie estime que l'EI frappe où cela fait mal, surtout le tourisme, qui rapportait près de 30 milliards de dollars par an. "L'attaque est vraisemblablement l'oeuvre de l'EI qui veut ruiner l'économie turque en attaquant l'aéroport durant l'été, quand le tourisme est à son apogée", estime Ege Seckin, analyste au IHS Country Risk.

"Il s'agit de faire pression sur Ankara pour qu'elle empêche les Kurdes syriens de fermer le dernier accès à la Turquie", ajoute-t-il.

 

Pourquoi l'EI ne revendique pas?

L'EI, qui a l'habitude de revendiquer avec fierté et détails à l'appui ses attentats, est particulièrement discret lorsqu'il s'agit de la Turquie.

Contrairement aux indépendantistes kurdes, il n'a jamais endossé une attaque dans ce pays sauf contre des journalistes citoyens syriens.

"Il n'a jamais revendiqué explicitement d'attentats sur le sol turc pour ne pas entrer dans une guerre totale, espérant pouvoir encore tirer quelque chose du pouvoir turc", assure Romain Caillet, un expert français du jihadisme.

 

 

Vers une guerre totale?

L'attentat d'Istanbul pourrait marquer un tournant. "Cela pourrait marquer une escalade significative entre l'EI et la Turquie. Pendant longtemps leurs relations pouvaient s'apparenter à une Guerre froide", note Soner Cagaptay, directeur du programme de recherches turc au Washington Institute.

"Si l'EI est vraiment derrière, ce serait une déclaration de guerre et la vengeance de la Turquie s'abattra sur l'EI. Peut-être que la bataille de la Turquie contre l'EI va devenir inévitable", note-t-il.

Romain Caillet partage cette analyse. "Jusqu'à présent les attentats que l'on peut raisonnablement attribuer à l'EI visaient des manifestations prokurdes ou des touristes occidentaux et avaient pour but de maintenir la pression sur Erdogan, afin qu'il participe le moins possible à la guerre contre l'EI. Si l'EI est derrière l'attentat (d'Istanbul) un cap aura été franchi", dit-il.

 

 

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commentaires (2)

DES FRERES... ENNEMIS ???

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 25, le 30 juin 2016

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Commentaires (2)

  • DES FRERES... ENNEMIS ???

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 25, le 30 juin 2016

  • Enfin un article où on dit ce qu'on dénonce depuis 5 ans et demi. Avec une limite toutefois, celle d'occulter que certains dirigeants ocidentaux et je nomme expressément et explicitement hollandouille qui a déclaré en 2011 que les "jihadistes" wahabites qui quittaient la France pour combattre en syrie étaient des combattants delà liberté . Quel aveu de plus faut il pour comprendre la connivence de ces idiots en Occident qui croyaient à l'époque en finir avec le héros Bashar pour je ne sais quel régime venant de "revolutions" d'un printemps à jamais foireux. Erdo qui a voulu jouer au porteur d'eau de ces occidentaux s'est vu bafoué, trahi par ses "alliés de l'otan" qui lui ont collé le titre de dictateur en herbe , avec une reconnaissance du génocide turc sur des arméniens. Cela n'a pas tardé pour un homme comme erdo qui est sanguin dans des réactions, il a appelé Poutine pour donner aux occidentaux une leçon de fidélité pour des infidélités dans l'amitié. Poutine saura saisir cette opportunité pour le retourner comme une crêpe. Je pense que l'Europe est dans une situation très difficile , d'autant plus que la GB vient de leur claquer la porte au nez avec des exigences qu'ils seront obligés d'accepter pour ne pas sombrer encore plus dans la désillusion. Comment l'Europe a-t-elle pu croire se construire avec des hommes du gabarit de hollandouille et autres merkel ......

    FRIK-A-FRAK

    00 h 19, le 30 juin 2016

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