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Économie - Égypte

L’ ex-responsable de la lutte contre la corruption en Egypte jugé pour avoir chiffré son étendue ?

L’ancien président de l’Autorité de contrôle des comptes publics égyptienne, Hicham Geneina. Khaled Desouki/AFP

En trois mois, le président de l'Autorité de contrôle des comptes publics en Égypte – l'agence anticorruption du pays – Hicham Geneina, a été démis de ses fonctions, inculpé et a comparu hier devant un tribunal. Son tort, selon lui : avoir chiffré l'étendue de la corruption de l'État.

« C'est comme si dévoiler la corruption était devenu un crime », a t-il déclaré dans un entretien avec l'AFP. Cet ancien juge de 62 ans, retraité de la magistrature, a été démis fin mars de ses fonctions par le chef de l'État, Abdel Fattah al-Sissi. M. Geneina avait été nommé à la tête de l'Autorité en 2012 par le président d'alors, Mohammad Morsi, destitué le 3 juillet 2013 par l'armée.
Une intense campagne est menée depuis sa démission par les médias égyptiens, qui soutiennent dans leur quasi-totalité le gouvernement, accusant la famille Geneina d'appartenir à l'opposition islamiste et de vouloir discréditer le pouvoir.

Pourquoi ? Pour avoir, selon M. Geneina, chiffré à 600 milliards de livres égyptiennes (près de 67 milliards de dollars) le coût de la corruption publique au terme d'une compilation de rapports établis entre 2012 et 2015 par l'Autorité qu'il présidait. Ces rapports pointent notamment du doigt l'acquisition illégale de terrains de l'État par des hauts responsables ou des hommes d'affaires du temps de l'ancien président Hosni Moubarak, renversé en 2011 par une révolte populaire.

Chiffres mal rapportés
Le hic, c'est qu'un quotidien égyptien avait mal cité M. Geneina, selon ce dernier, expliquant que les 600 milliards concernaient la seule année 2015. C'est l'angle d'attaque du parquet qui l'a inculpé pour « diffusion de fausses informations dans le but de nuire à l'intérêt public » et l'a renvoyé devant un tribunal du Caire pour un procès entamé le 7 juin. Une nouvelle audience était prévue hier. Le parquet invoque « des méthodes de calcul sans fondement, ayant conduit à l'exagération des montants avancés ». « Serait-ce parce que l'étude pointe du doigt ces appareils, qui n'étaient jamais nommés jusqu'à présent ? » interroge M. Geneina.

Cette affaire intervient au moment où le régime du président Sissi mène une intense répression contre l'opposition, islamiste ou libérale, tout en proclamant son engagement résolu dans la lutte contre la corruption qui gangrène l'Égypte depuis des décennies. Il a d'ailleurs démis son ministre de l'Agriculture en septembre 2015, lequel a écopé ensuite de 10 ans de prison pour des pots-de-vin. « On ne donne pas l'exemple avec des discours, il faut des actes », commente sèchement M. Geneina.
L'ONG Transparency International classe cette année l'Égypte au 88e rang des pays les plus corrompus de la planète.

Même si Amr Adly, économiste du centre Carnegie pour le Moyen-Orient, critique la méthodologie de l'étude de l'Autorité, jugeant que certains cas évoqués relèvent davantage de l'incompétence des pouvoirs publics que de corruption, il estime que la réaction des autorités « conforte l'idée que le pouvoir exécutif se venge de celui qui parle de la corruption ».

 

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