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Lifestyle - La bonne nouvelle du lundi

L’architecte libanais Karim Basbous, chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres

Crise des déchets, attentats, coupures d'électricité, malaise social, clivages politiques accrus, tensions communautaires... Face à l'ambiance générale quelque peu délétère, « L'Orient-Le Jour » se lance un défi : trouver une bonne nouvelle chaque lundi.

L’architecte libanais Karim Basbous recevant les insignes de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres des mains de l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira, le 24 mai 2016. Photo Tristan Coudert

Le 24 mai dernier, le cercle des récipiendaires de l'ordre des Arts et des Lettres s'élargissait pour accueillir l'architecte libanais Karim Basbous, décoré par la France pour sa «contribution et son engagement au service de la culture» du pays, selon les mots de l'ancienne ministre de la Culture Fleur Pellerin, qui avait procédé à la nomination de M. Basbous dès février 2015.

Pour ce Libanais de 44 ans qui quitte Beyrouth à l'âge de trois ans, en 1975, au moment où le Liban s'engouffrait dans une guerre qui allait durer 15 longues années, être décoré chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres, c'est «l'obligation d'en être digne à jamais!». Karim Basbous a tenu à recevoir ses insignes des mains de l'ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira. «Sa hauteur de vue, son éloquence, sa vitalité, son intelligence et son courage en font incontestablement une personnalité exceptionnelle, une personnalité aujourd'hui indispensable», dit-il, ne cachant pas son admiration pour les positions politiques de l'ex-ministre de la Justice qui a démissionné le 27 janvier dernier, après un désaccord avec la politique sécuritaire du gouvernement du président François Hollande. «Christiane Taubira redonne aux mots leur poids, leur faculté d'étonner et leur pouvoir politique. Notre époque a singulièrement besoin d'enthousiasme, de sincérité et d'ouverture d'esprit», estime-t-il.

« Ce pays meurtri, trop souvent meurtri »
L'architecte se réjouit également du fait que Mme Taubira ait accepté de lui remettre ses insignes, sans qu'une connaissance personnelle ne les lie a priori. L'ancienne ministre a, quant à elle, salué l'œuvre de Karim Basbous, sa production écrite, sa conférence intitulée Le verbe orphelin (qui traite de l'évolution de l'architecture au fil de l'histoire) et, de manière générale, sa «fibre littéraire avérée», qu'elle a louée à deux reprises lors de l'événement.
Car l'architecte libanais est aussi un homme de lettres. Auteur de l'ouvrage Avant l'œuvre, essai sur l'invention architecturale (Paris, Les éditions de l'imprimeur, octobre 2005, 180 p.), il a signé de nombreux articles, notamment Bâtir ou briller?, publié dans Le Monde diplomatique en août 2012, dans lequel il dénonce des œuvres architecturales «conceptuelles et narcissiques».

«Durant la cérémonie, Christiane Taubira a magnifiquement parlé d'architecture (évoquant Le Corbusier, Aalto, Fathy et Niemeyer), de l'enseignement, de l'écriture et aussi... du Liban», raconte l'architecte. «Ce pays meurtri, trop souvent meurtri. Ce pays qui reste intensément créatif. Qui a un sens inouï de l'hospitalité, au point que l'on ne dit pas assez qu'il a accueilli ces derniers mois, ces dernières années, l'équivalent d'un quart de sa population, et qui permet que ces réfugiés, syriens pour la plupart – mais pas seulement –, trouvent une vie alternative sur son territoire. Ce Liban auquel je suis très très attachée moi également, je connais aussi sa vitalité intellectuelle et culturelle», avait alors dit Mme Taubira.

« Résister à plusieurs dangers »
Pour Karim Basbous, l'architecture est une sorte de résistance. «Concevoir l'architecture implique de résister à plusieurs dangers. Le premier est le culte du facile, qui conduit à se contenter d'un coup de crayon alors que la singularité architecturale relève d'une "recherche patiente", pour reprendre une formule de Le Corbusier», explique-t-il. «En second, les "standards" façonnés par l'habitude, la paresse intellectuelle et les modèles génériques promus par les promoteurs. Il s'agit également de se protéger des tics, des mimétismes et de la mode, qui paralysent l'imagination et uniformisent le paysage urbain. C'est à partir de cette "résistance" que l'on peut entreprendre un projet, c'est-à-dire non pas transcrire une forme préconçue, mais se fixer un problème et se laisser conduire, au fil des dessins et des maquettes, vers une solution évidente a posteriori, mais inattendue», ajoute-t-il.

Que pense Karim Basbous de l'architecture au Liban? «À l'exception de quelques exemples, la production contemporaine libanaise est exactement comme ailleurs: bon chic bon genre, plus intéressée par le luxe des matériaux que par l'intelligence d'un plan et d'une coupe», affirme-t-il. «Elle est trop souvent l'expression du goût générique de la mondialisation qui diffuse partout les mêmes poncifs formels, avec des "petites idées" et des confettis de façade pour compenser la faiblesse conceptuelle des projets. L'humus historique et culturel du Liban mérite mieux que d'être un énième dépotoir des lieux communs de l'architecture et de l'urbanisme. Mais la patine des idées n'est-elle pas aussi rare que celle des meubles?» s'interroge-t-il.

Karim Basbous a fait ses études d'architecture à Paris-Belleville, et son doctorat en esthétique à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il enseigne depuis plus de 15 ans et il est actuellement en poste à l'Ensa (École nationale supérieure d'architecture) de Paris-Val de Seine et à l'École polytechnique. Il dirige parallèlement la revue Le Visiteur, et il est chargé des affaires culturelles de la Société française des architectes.
Quant à ses projets pour l'avenir, un seul mot d'ordre : «Continuer à écrire et à transmettre.»

 

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