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Histoires d’eau

Difficile, au Liban, de démêler la haute politique de la politique politicienne, et l'affaire Ban Ki-moon en est l'illustration la plus récente.

Absolument normal certes est l'émoi suscité à Beyrouth par le rapport du secrétaire général de l'Onu daté du 21 avril dernier et destiné au sommet humanitaire sur les réfugiés et migrants prévu pour la semaine prochaine à Istanbul. Chat échaudé craint en effet l'eau froide. Et la présence sur notre sol de plus d'un million de réfugiés syriens venus s'ajouter à un demi-million de leurs compagnons d'infortune palestiniens n'a vraiment rien de rafraîchissant.

Si le document du patron de l'Onu inquiète, c'est qu'il recommande, de fait, aux pays d'accueil d'offrir à leurs hôtes forcés un statut leur permettant de reconstruire leur vie, au cas où leur retour dans leurs foyers s'avérerait impossible. Mieux (ou pire) encore, le texte, qui se veut d'une portée aussi bien morale que globale, cite la faculté, pour ces pays, d'offrir aux réfugiés la possibilité d'une naturalisation. Il est clairement précisé, en revanche, qu'une telle option est strictement du ressort des gouvernements concernés. S'agissant plus particulièrement du Liban, le porte-parole de l'Onu a fort opportunément rappelé qu'à défaut de cette solution idéale que serait le retour, c'est la réinstallation des réfugiés dans des pays tiers qui serait retenue : option aussitôt partagée par le chargé d'affaires américain Richard Jones.

L'actuelle levée de boucliers libanaise ne serait-t-elle rien d'autre donc qu'une tempête dans un verre d'Onu ? Mieux vaut sans doute prévenir que guérir ; et d'avoir poussé les hauts cris a pu hâter ces réconfortantes précisions et mises au point multipliées par le Palais de Verre. Ce qui dérange, en revanche, c'est l'exploitation politique, démagogique, qui est faite de ce non à l'implantation des réfugiés. Car en pratiquant une surenchère effrénée, le ministre des AE a fait son dada à lui d'une revendication qui figure dans le préambule de la Constitution, qui est proprement nationale, comme le montre la rare unanimité apparue en Conseil des ministres pour rejeter toute forme d'intégration.

On l'avait vu, le ministre, snober Ban Ki-moon lors de sa dernière visite à Beyrouth. Et on l'a vu, hier encore, enfourcher une fois de plus son dada pour se vanter d'avoir vaillamment convoqué la représentante au Liban de l'organisation internationale, alors que c'est elle qui avait demandé à être reçue. On l'a même vu changer en eau bénite le contenu du verre à tempête, agiter son goupillon et battre le rappel de la maronité comme si seuls les chrétiens étaient hantés par le spectre de l'implantation : toutes gesticulations qui ne s'accompagnent d'aucune initiative sérieuse, diplomatique ou autre, d'aucun plan étatique visant à gérer de manière satisfaisante ce brûlant dossier.

Où donc est allé se réfugier, à son tour, le sens des responsabilités ?


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Difficile, au Liban, de démêler la haute politique de la politique politicienne, et l'affaire Ban Ki-moon en est l'illustration la plus récente.
Absolument normal certes est l'émoi suscité à Beyrouth par le rapport du secrétaire général de l'Onu daté du 21 avril dernier et destiné au sommet humanitaire sur les réfugiés et migrants prévu pour la semaine prochaine à Istanbul. Chat...