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Liban - Déchets

En perspective, un plan aux nombreuses zones d’ombre

Après la fermeture de la décharge de Naamé, les yeux sont rivés sur les appels d'offres pour les deux autres décharges, comme pour la solution à plus long terme.

À Bourj Hammoud, la montagne de déchets qui devrait être démantelée dans le cadre de la construction de la décharge. Photo Hassan Assal

Les derniers camions ont fait le trajet vers la décharge de Naamé dans la nuit de mercredi à jeudi, pour y transporter les déchets amoncelés depuis huit mois dans les rues de Beyrouth et du Mont-Liban. Or les décharges de Costa Brava (Choueifate) et de Bourj Hammoud sont tout sauf prêtes : les appels d'offres pour la construction de ces décharges côtières, qui comprennent un brise-lames et l'aménagement de cellules en mer (puisque les déchets vont servir au remblayage, d'où la colère de nombreuses ONG), ont été lancés. À signaler que des aires de stockage ont été aménagées près de chacun des sites afin de recevoir les ordures ménagères produites au fur et à mesure par les régions desservies.

L'ouverture des plis a eu lieu pour Costa Brava, mais l'appel d'offres a été reporté de trois semaines pour Bourj Hammoud. Six compagnies avaient présenté des dossiers dans le cadre de l'appel d'offres. À « Businessnews », Jihad el-Arab a déclaré que sa société, al-Jihad for Commerce and Contracting (JCC), avait remporté l'appel d'offres. « La commission ministérielle chargée d'examiner les appels d'offres concernant les déchets avec le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) devraient étudier notre offre une dernière fois et annoncer les résultats la semaine prochaine », a-t-il précisé.


(Lire aussi : Naamé fermée, les aires de stockage accueilleront les déchets)

Selon Bassam al-Kantar, directeur de la rédaction du site Greenarea.me, il semble que JCC ait présenté une offre de 6,5 millions de dollars contre 6,8 pour la compagnie Houria et 7,2 millions pour Khoury Contracting. Plus encore, dit-il à L'OLJ, JCC aurait promis aux autorités concernées de terminer les travaux du brise-lames en un mois maximum, afin que les cellules d'enfouissement puissent être construites sur le site, étant donné que les aires de stockage ne peuvent servir indéfiniment. « Or des sources environnementales mettent en doute la capacité de la compagnie à terminer les travaux dans ce délai, surtout que la méthode de travail suivie par elle lors de la réhabilitation du dépotoir de Saïda, qui était entachée de nombreuses entorses aux articles du contrat et du cahier des charges, a soulevé des points d'interrogation », ajoute le journaliste.

Dans tous les cas, Bassam al-Kantar estime que ce plan de gestion des déchets est « un plan de rabibochage, beaucoup plus qu'une perspective de réelles solutions ». Pour preuve, il rappelle que le CDR a lancé des appels d'offres pour l'aménagement de décharges et pour la collecte et le transport, mais pas pour l'agrandissement des usines de tri et de traitement, comme promis. « Actuellement, l'État ne dispose toujours que de deux usines de tri à Amroussié et à la Quarantaine, ainsi que d'une petite usine de compostage à Coral, Bourj Hammoud. Est-ce que le cahier des charges de l'appel d'offres pour le tri et le traitement précisera qu'il faut traiter 60 % des déchets et n'en enfouir que 40 %, conformément à la décision du Conseil des ministres de janvier 2015 ?
Dans cette perspective, il sera inévitable de construire de nouvelles usines de compostage ou de RDF (déchets utilisés comme combustible), ce qui n'a toujours pas été annoncé par le CDR », ajoute-t-il.

Il estime que ce sont des raisons politiques qui pourraient empêcher d'adopter des solutions qui permettraient, in fine, de réduire le volume des déchets : en effet, de nombreuses forces politiques comptent sur l'achat d'incinérateurs d'ici à la fin de la période de quatre années prévue pour ce plan, et elles craignent par conséquent que de telles mesures montrent l'inutilité de l'achat d'installations aussi coûteuses pour le volume modeste des déchets qui resteront à traiter. « Jusqu'à ce que la question des cahiers des charges pour le traitement s'éclaircisse, il semble que la tendance est de revenir aux bonnes vieilles méthodes consistant à enfouir 85 % des déchets et à ne traiter que 15 % dans l'usine de compostage médiocre de Coral, autrement dit les mêmes méthodes qui ont mené à la catastrophe de la décharge de Naamé », déplore-t-il.

Autre anomalie relevée par Bassam al-Kantar dans son analyse : le cahier des charges pour l'établissement des deux décharges ne précise pas que les compagnies doivent être expertes en traitement des déchets, mais seulement en construction en mer, d'où le fait que des sociétés dotées d'une telle expertise se sont abstenues de participer aux appels d'offres. Quelles en seront les conséquences sur le terrain ? Par ailleurs, le journaliste pense que les appels d'offres pour la solution à plus long terme, celle qui consistera à acheter des incinérateurs avec un système de production d'énergie, souffrent eux aussi des retards. En outre, les cazas de Aley et du Chouf, qui ne sont pas inclus dans ce plan, se trouvent toujours sans perspective pour les mois qui viennent.


(Lire aussi : Des médias russes évoquent un nouveau projet d'exportation des déchets à partir du Liban)

 

Rappelons que ces décharges côtières consistant à remblayer la mer par les déchets ont déjà fait l'objet d'un refus total de la part de nombreux environnementalistes, qui estiment que des solutions plus écologiques auraient pu être adoptées. Le Mouvement écologique libanais (LEM) a précisé, dans un communiqué publié la semaine dernière, que les brise-lames en mer n'isolent pas vraiment la partie qui sera remblayée par les déchets, n'empêchant pas par conséquent la pollution marine. Le LEM a fait circuler une pétition contre le plan du gouvernement qui, selon le rassemblement d'ONG, n'est pas conforme aux dispositions de la convention de Barcelone sur la protection de la Méditerranée, signée et ratifiée par le Liban.

Ces zones d'ombre dans le plan de gestion des déchets n'inquiètent pas que les écologistes. Le ministre de l'Économie Alain Hakim, membre du parti Kataëb, a envoyé un message au ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk pour s'enquérir « des raisons du retard dans la formation d'une commission technique centrale ». Cette commission devrait être présidée par le ministre de l'Intérieur « et accompagner les municipalités et les fédérations de municipalités dans leur gestion des déchets ménagers », poursuit la lettre. Le ministre insiste sur « la nécessité d'accélérer la formation de cette commission afin d'empêcher que la crise des déchets ne se renouvelle ».

 

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LES OMBRAGEUX... DES OMBRES...

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 31, le 20 mai 2016

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Commentaires (2)

  • LES OMBRAGEUX... DES OMBRES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 31, le 20 mai 2016

  • Messieurs de l'Union Européenne, merci pour avoir visité hier l'usine en cours de construction a Bar Elias. Ce que nous aimerions savoir, pourtant, c'est POURQUOI vous n'avez pas visite celle de Hbalin? Pourquoi ne visitez-vous pas celles de Swaylani, Ansar, El Khiyam, Michmich, El Minieh, Tyre et Baalbeck, Nabatiyeh et Kabrikha? Pourquoi nos édiles ne nous autorisent-ils pas à les visiter aussi? Est-ce parce que toutes ces usines n'ont jamais réellement fonctionne, ce qui nous laisse à présent un million de tonnes de déchets sur les bras accumules depuis Juillet 2015? Je ne sais si l'on vous a prévenus Messieurs, mais ce million de tonnes, tôt ou tard, va se déverser dans le bleu de cette Méditerranée qui nous est si chère à tous. Déciderez-vous alors de la visiter, à son tour? Ou déciderez-vous plutôt de convaincre, dès aujourd'hui, nos édiles de nous autoriser à PARTICIPER avec eux à mettre un peu d'ordre dans notre pays? N'est-il pas plus sage, et certainement moins onéreux d'empêcher ainsi nos déchets d'atteindre vos cotes, s'ils ne l'ont pas déjà fait?

    George Sabat

    15 h 32, le 20 mai 2016

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