Des négociations censées trouver une solution politique au sanglant conflit yéménite se sont ouvertes jeudi soir à Koweït sous l'égide de l'Onu après l'arrivée d'une délégation rebelle avec trois jours de retard.
Ces pourparlers de paix, qui devaient commencer lundi, avaient dû être reportés en raison du refus des rebelles chiites houthis d'envoyer leurs représentants à temps.
Ces rebelles et leurs alliés -des partisans de l'ex-président Ali Abdallah Saleh- affrontent les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui sont soutenues depuis mars 2015 par une coalition militaire arabo-sunnite menée par l'Arabie saoudite. Les houthis, qui contrôlent la capitale Sanaa depuis septembre 2014, sont accusés par leurs adversaires d'être des "agents de l'Iran" chiite.
Conscient de la difficulté de la tâche après l'échec l'an dernier de deux rounds de négociations en Suisse, le médiateur de l'Onu Ismaïl Ould Cheikh Ahmed s'est adressé aux participants pour les appeler à faire preuve "de bonne intention et de modération".
"Nous n'avons jamais été aussi proches de la paix" et "un échec n'est pas permis", a-t-il prévenu, en soulignant "la nécessité pour toutes les parties de faire des concessions" afin d'engager le Yémen dans "une nouvelle ère de paix, de sécurité et (de respect) des droits de l'Homme".
Alors que les deux parties s'accusent de violer la trêve, décrétée le 11 avril à son initiative, M. Ould Cheikh Ahmed a fait état d'"une amélioration de la situation (...) malgré des violations inquiétantes".
Le ministre koweïtien des Affaires étrangères Sabah al-Khaled al-Sabah, qui a formellement ouvert ce nouveau round, a appelé "une entente pour rétablir la sécurité et la stabilité" au Yémen. "C'est une occasion historique", a-t-il dit.
La séance de jeudi soir a été brève et les négociations reprendront vendredi à 15H00 (12H00 GMT), selon des participants. Elles doivent porter sur cinq sujets: "le retrait des milices et des groupes armés, la restitution des armes lourdes à l'Etat, des arrangements intérimaires de sécurité, le rétablissement des institutions de l'Etat et la reprise d'un dialogue politique inclusif, en plus de la création d'une commission spéciale pour les prisonniers".
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Obama monte au créneau
Au terme d'une visite en Arabie saoudite, le président américain Barack Obama est monté jeudi au créneau en appelant toutes les parties en conflit au Yémen à se conformer à la trêve afin que l'aide humanitaire puisse être distribuée et que de vrais pourparlers s'engagent enfin.
Son proche conseiller, Ben Rhodes, a souligné qu'un règlement du conflit "permettrait aussi de se concentrer sur des menaces comme Aqpa (el-Qaëda dans la péninsule arabique, bien implantée au Yémen) et d'autres groupes extrémistes dans la région", comme l'organisation jihadiste Etat islamique, qui a revendiqué des attentats au Yémen.
L'une des principales divergences entre les belligérants porte sur la mise en oeuvre de la résolution 2216 de l'Onu (avril 2015) qui prévoit le retrait des rebelles des zones qu'ils occupent, y compris Sanaa, la restitution des armes lourdes à l'Etat et la relance du processus politique.
Les rebelles exigent aujourd'hui un arrêt total des opérations de l'aviation de la coalition arabe, la levée du blocus naval imposé par l'Arabie saoudite au Yémen et la levée des sanctions imposées à certains de leurs dirigeants et alliés, dont M. Saleh, selon des diplomates.
En vertu de ces sanctions décidées en novembre 2014 par le Conseil de sécurité, la Turquie, proche allié de l'Arabie saoudite, a gelé les avoirs de M. Saleh.
La tension est également vive sur le terrain où des combats ont eu lieu jeudi sur certaines lignes de front, même s'ils ont baissé d'intensité, selon des sources militaires.
Les forces progouvernementales aidées par la coalition arabe ont reconquis des territoires, principalement dans le sud durant l'été 2015, mais le conflit s'est enlisé et la population civile apparaît comme la principale victime.
Depuis l'intervention de la coalition arabe il y a 13 mois, la guerre au Yémen a fait 6.400 morts, pour moitié des civils, et plus de 30.500 blessés, tandis que 2,8 millions de personnes ont été déplacées et 80% de la population a besoin d'une assistance humanitaire, selon l'Onu.
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