Mardi 12 avril 2016, troisième jour de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu au Yémen : les combats se poursuivent à Sarwah, dans la province de Ma'rib, et aussi à Nahm et autour de Beyhan tandis qu'à Aden, un attentat-suicide fait cinq tués parmi les nouvelles recrues de l'armée gouvernementale. Mais chut ! Il ne faut pas en parler devant les porte-parole des deux camps, optimistes de profession pour qui « la trêve semble bonne », « cela ira mieux dans les prochaines heures » et si violations il y a, « elles sont mineures ».
Le mois dernier, l'entrée en lice de la coalition chapeautée par l'Arabie saoudite a soufflé sa première bougie. Treize mois durant, les avions ont lâché leurs bombes sur leurs cibles, avec une préférence marquée pour les écoles, les hôpitaux, les centrales électriques et autres réservoirs d'eau. Pas plus tard que fin mars dernier, on a dénombré 106 victimes dans le bombardement d'un marché à Hajja (au nord de la capitale). Une commission des Nations unies estime à 119 le nombre de raids aériens effectués en violation des lois internationales et réclame une enquête. La petite histoire retiendra ceci : entre le 26 mars et le 21 avril 2015, l'intervention des alliés portait le nom de « Decisive Storm », remplacé à partir du 22 avril de la même année par « Restoring Hope ». Inutile de préciser que la « tempête » ne fut en rien décisive ; quant à l'« espoir », il tarde à se concrétiser.
Le bilan établi par l'OMS est effrayant s'agissant d'un des pays les plus pauvres de la planète : 6 300 tués, plus de 30 000 blessés, près de 80 pour cent de la population (24 millions d'habitants) qui ont urgemment besoin de nourriture et de produits de première nécessité, 2,4 millions de personnes déplacées et destruction des maigres infrastructures dont le pays était doté. À quoi s'ajoute la perspective d'une syrianisation du conflit entre houthis et forces progouvernementales et, au vu des résultats obtenus sur le terrain par les huit pays ayant emboîté le pas à l'Arabie saoudite (Égypte, Maroc, Jordanie, Soudan, Émirats arabes unis, Koweït, Qatar, Bahreïn), celle d'une guerre ingagnable.
Si le reste du monde n'éprouve à l'égard de la conjoncture qu'un intérêt mitigé, l'Amérique, elle, se dit « concerned », ce qui pourrait se traduire par « inquiète ». Il y a de quoi. À peine venait-on de désamorcer la bombe nucléaire iranienne que surgissent la menace d'une conflagration régionale autrement plus dangereuse ainsi qu'un bien inquiétant rappel : aucune force au monde n'est parvenue par le passé à occuper tout le Yémen. Les vieux briscards du journalisme se souviennent encore des années soixante, quand le maréchal autoproclamé Abdallah Sallal, très vite soutenu par l'Égypte nassérienne, avait renversé l'imam Badr, forcé à s'exiler en Arabie saoudite, et proclamé la République. Le coup de force avait donné lieu à un long, coûteux et sanglant affrontement entre les deux protecteurs, qui s'était soldé par un match certes nul mais dans lequel chacun avait laissé pas mal de plumes.
C'est la lassitude des belligérants tout autant que le coût exorbitant de l'actuelle guerre à l'aveuglette – plus de quarante ans après – venue se greffer sur une guerre civile qui permettent aujourd'hui d'entrevoir une lueur au bout du tunnel. C'est aussi, c'est surtout, l'irruption fracassante d'el-Qaëda dans la péninsule Arabique qui a accéléré un mouvement devant déboucher sur de nouveaux pourparlers de paix le 18 courant au Koweït. L'Aqpa, c'est la concrétisation d'un cauchemar dont l'une des premières manifestations importantes avait été, le 12 octobre 2 000, l'attaque contre le destroyer USS Cole, dans le port d'Aden, qui avait coûté la vie à 17 marins américains. Deux ans plus tard, presque jour pour jour, un bateau-suicide prenait pour cible dans le golfe d'Aden le supertanker français Limburg.
Depuis, l'organisation semble avoir fait du chemin puisqu'elle contrôle maintenant, avec le soutien tacite des tribus locales qui se sentent négligées par l'élite du Nord, la ville portuaire de Moukalla, une cité de 500 000 habitants qui est de plus la capitale de la province de Hadramout. Elle a également la haute main sur 600 kilomètres de côte et dispose d'un trésor de guerre de 100 millions de dollars provenant d'un raid sur la branche locale de la banque centrale et de taxes portuaires diverses. Au total, ses revenus quotidiens sont estimés à quelque 2 millions de dollars, ce qui en fait la machine à tuer la plus redoutable de la région.
Exsangue, le Yémen n'a plus rien de l'Arabia Felix décrite jadis par Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle, un pays où habite le phénix et dont « les terres regorgent de parfums et de richesses ». L'autre Arabie pour sa part constate chaque jour qu'en un an, aucun de ses objectifs n'a été atteint. Pauvreté extrême, déception cruelle : le pari consiste à croire que, de cette rencontre, la paix peut naître. Puisse le réveil ne pas être terrible.
Blog : Merville Post
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LES INTERVENTIONS IRANIENNES QUI NE VEULENT PAS QUE LES CHIITES ARABES S,ENTENDENT AVEC LEUR COCITOYENS DANS LEURS PAYS RESPECTIFS SONT VOUEES A L,ECHEC... PARTOUT LES CHIITES ARABES FINIRONT PAR LE REALISER ET LES PEUPLES ARABES PAR VIVRE ENSEMBLE EN PLEINE HARMONIE !
19 h 43, le 13 avril 2016