Le Liban a fêté, il y a deux jours, le 41e anniversaire du déclenchement de la guerre civile, sur fond de tensions et de conflits régionaux. Luttant quotidiennement pour maintenir sa cohésion face à la montée des extrémismes, il a plus que jamais besoin de renforcer son identité unique et plurielle. Mais comment travailler notre identité nationale?
De passage au Liban en mars dernier et puisant dans le modèle helvétique, l'historienne et journaliste suisse Joëlle Kuntz a bien voulu donner la « recette » à L'Orient-Le Jour... qui n'est autre que celle du fameux « mythe fondateur ». « Le Liban est une tentative difficile, certes, mais c'est un modèle de coexistence multiculturelle formidable auquel il faudrait s'accrocher », a-t-elle ainsi affirmé. « Ce pays est un modèle à l'intérieur du Proche-Orient. Il est problématique et compliqué à l'intérieur, mais il n'en demeure pas moins un modèle de coexistence multiculturelle formidable face à des gens qui, dans la région, ne conçoivent le pouvoir que par la force et la violence », ajoute-t-elle. « D'une certaine manière, tous les Libanais devraient être incroyablement fiers de vivre dans quelque chose qui est institutionnellement le contraire de tout ce que fait leur environnement. C'est un peu comme la Suisse. Nous sommes fiers d'avoir une démocratie directe même si elle est très problématique », explique Joëlle Kuntz.
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« Ensemble si on collabore... »
L'historienne suisse insiste sur l'importance, au Liban, de la « reconnaissance de la diversité religieuse et politique : les racines de la liberté sont là », fait-elle remarquer. « Vous portez dans cette région quelque chose qui est d'une valeur inouïe, à la limite vous avez déjà le récit de la coexistence comme fondateur de votre société », indique-t-elle, faisant ressortir l'importance, dans l'imaginaire collectif, du Liban terre d'accueil des différentes communautés qui s'y sont installées au fil des siècles. « Le récit historique fondateur est primordial pour travailler une identité », précise-t-elle.
Pour Mme Kuntz, « se définir d'abord par son appartenance religieuse dans un pays qui compte dix-neuf communautés religieuses n'est pas un problème, mais il faut réfléchir au geste que l'on fait pour être libanais, au sacrifice de notre identité religieuse que l'on concède à l'État libanais. Comme libanais, il va falloir que j'accepte qu'il y ait d'autres communautés qui ne pensent pas comme moi ».
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« Je crois qu'il y a une volonté d'être libanais et pas simplement membre de la communauté arabe, mais c'est l'intensité de cette volonté qui n'est pas claire, ou fluctuante », prévient l'historienne. « Le modèle suisse nous apprend qu'on ne peut être ensemble que si on collabore. Toute nation doit être fondée sur la volonté de négocier et de coopérer », indique-t-elle. Quelque deux cents ans après l'établissement de la Fédération suisse, Mme Kuntz estime en outre que la « construction de l'identité nationale est toujours en train de se faire en Suisse ». Le Liban, dont la création est beaucoup plus récente, devra, selon elle, faire preuve de patience et de détermination. « Si j'avais un conseil à donner aux Libanais, je dirais : ensemble, allez-y fortement, mais patience, ce sont des choses qui tiennent sur des décennies et des siècles. Si vous voulez être libanais, il faut le vouloir très fort, et le travailler avec détermination et patience », conclut-elle.
Pour mémoire
Pascal Couchepin à « L’OLJ » : On ne peut faire de fédéralisme sur une base confessionnelle
Existe-t-il au Liban un esprit national qui dépasse les communautés ?
De passage au Liban en mars dernier...
etre libanais ce n'est certainement pas ...el sleh zinet el rjel .. mais plutôt l'ame, la vie le sens d'adaptation, le sens des affaires... le sens de l'art !!
14 h 27, le 15 avril 2016