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Liban - Reportage

La « marche du dégoût » pour un dernier avertissement

La dernière mise en garde contre l'incurie gouvernementale, thème de la marche de protestation organisée par le collectif « Vous puez ! », a retenti avec force sans pour autant déraper.

Rassemblés autour de la statue de Riad el-Solh.

Ils étaient quelques milliers samedi à s'insurger d'une seule voix contre la classe politique qu'ils ont accusée encore une fois de corruption dans la gestion de la crise interminable des déchets. « Ils », ce sont des Libanais de toutes confessions et de tous bords qui ont répondu à l'appel du collectif « Vous puez ! » pour participer à la marche de protestation qui devait les conduire à 16h de la place Sassine à Achrafieh à la place Riad el-Solh au centre-ville. La réunion marathonienne du Conseil des ministres qui, ce jour-là, se tenait en même temps et depuis 11h30, pour plancher sur un énième plan préparé la veille par la commission ministérielle chargée du dossier, les a motivés davantage pour descendre dans la rue afin d'exprimer leur colère.

Des activistes de mouvements civils, mais aussi beaucoup de citoyens non engagés, sinon dans la volonté de réclamer pour eux et pour leurs enfants une vie digne, affirmaient n'attendre aucune solution crédible de ladite réunion. « Tout à l'heure, ils proposeront tout au plus des remèdes provisoires, sans livrer un plan durable et clair », estime, désabusé, un activiste du collectif « Nous réclamons des comptes », Waël Abdallah, pour qui « la bataille est encore longue ».

« Nos enfants meurent »
Corinne Chedrawi, fondatrice du collectif Women Uprising, juge, quant à elle, que les solutions des dépotoirs de Costa Brava et de Bourj Hammoud, préconisées vendredi par la commission ministérielle, « ne sont pas conformes à la convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée contre la pollution, à laquelle le Liban a adhéré ». Avec d'autres membres de son association, elle brandit un poster représentant un enfant mis sous masque à oxygène avec, en légende, une petite phrase percutante : « Nos enfants meurent. »
On notait d'ailleurs la participation de beaucoup de jeunes mamans qui réclamaient de « l'oxygène pour nos enfants ». Carine Zaatar, la trentaine, veut que ses petits grandissent « dans un pays propre au vrai sens du terme, un pays où les dirigeants sont choisis selon leurs seules compétences ». Carla Sawan, 38 ans, a peur pour elle et pour ses enfants : « Je suis ici parce que je ne veux pas que des êtres qui me sont chers et moi-même soyons atteints de maladies incurables, à cause de gouvernants qui s'enrichissent au détriment de notre santé. » Inquiète elle aussi au sujet de l'impact de la pollution des déchets sur la santé des enfants, le Dr Rania Bassil Eter, pédiatre, lance un cri d'alarme, déplorant par ailleurs une participation insuffisante du corps médical au mouvement de protestation. « Tous les médecins, pharmaciens et infirmiers auraient dû être ici en blouse blanche et masque », regrette la jeune spécialiste. Lolita Comaty, mère de famille, a par contre prévu un masque pour tenter de se protéger « des toxines dégagées par les kilomètres de poubelles et l'inconscience des responsables ».

« Conseil de la destruction »
Vers 16h30, la place Sassine, noire de monde, commence à se vider. La foule s'ébranle vers Sodeco, sur fond de slogans lancés contre toutes les forces politiques confondues. Les coalitions du 8 et du 14 Mars sont accusées, via une prose rythmée, d'avoir fait du pays une « boutique dans laquelle ils ont vendu la moitié du pays à l'Iran et l'autre à l'Arabie saoudite ». Aux incontournables « Que le pouvoir voyou tombe » et « Le Liban n'est pas une poubelle, arrêtons la farce », se sont ajoutées d'autres attaques en rimes de langue arabe, reprises par les protestataires écœurés : « O gouvernement ordurier, enlève les ordures des rues » ou encore, toujours à l'adresse des membres du Conseil des ministres : « Déblayez les déchets et mettez-les dans les ministères. » Faisant également partie des cibles, les députés « sans légitimité » ont eux aussi eu droit à : « Enlevez la poubelle du Liban et mettez-la au Parlement. »
Pour la circonstance, le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) a sonné comme « le Conseil de la destruction ». Dans le même temps, des chants, diffusés par des amplificateurs, appellent les gens à se mobiliser contre « des dirigeants corrompus qui ont volé pour construire des palais plus grands que leur pays ». En parallèle, un groupe scande sur un ton cadencé : « La révolution devient inévitable contre ces leaders de la guerre civile. »

En rouge, vert et blanc
Au milieu d'un déploiement de la brigade anti-émeute des Forces de sécurité intérieure (FSI) qui, à aucun moment, n'a eu à intervenir, les manifestants ont fait preuve d'une homogénéité remarquable, exprimée par les seules couleurs rouge, vert et blanc du drapeau libanais. C'est comme si, se sentant abandonnés par des leaders auxquels ils s'identifiaient auparavant, ils étaient là pour exprimer leur appartenance à des principes à leurs yeux galvaudés. « Je suis là tant pour retrouver l'esprit citoyen perdu par le 14 Mars que pour dénoncer le clientélisme du 8 Mars », indique Abdallah Haddad, 58 ans. Georges, 42 ans, cadre d'entreprise, déplore quant à lui l'audace de « cette classe corrompue qui commet ses exactions en » live « devant tous les Libanais sans pour autant avoir froid aux yeux ». Le Dr Georges Karam, psychiatre, ne se contente pas de tacler la caste politique, il blâme tous les Libanais qui ne participent pas aux mouvements populaires de revendication. « Il faudrait que chacun, sans exception, agisse », insiste-t-il, suggérant « l'organisation d'une grève générale » qui ne se limiterait pas à « un samedi après-midi », mais se prolongerait « toute une semaine ».
Wajiha Saleh, la soixantaine, habitante de Ras el-Nabeh, en veut aussi aux gouvernants en place qu'elle accuse d' « avoir contribué en grande partie » à l'émigration de ses fils qui « ont dû aller chercher ailleurs la sécurité, l'emploi, l'eau, l'électricité et surtout la dignité ».
Pour résumer la situation nauséabonde, Jules Bakhos, métamorphosé en Jules César, affiche un panneau sur lequel on peut lire « Veni, vidi, vomi ». Miguel, Kim et Audrey ne s'en étonnent pas, trouvant « dégoûtant que parmi 17 solutions proposées aux décideurs par des ONG et des experts, aucune n'ait été retenue ». Pourtant, affirment leur mère, Claude, ainsi que Paula Abdel Hak, fondatrice de l'ONG Act (Active Committing for Tomorrow) « certaines municipalités effectuent avec succès le tri de proximité, le compostage et le recyclage ». Claude et Paula réclament le déblocage des fonds pour que celles-ci continuent à œuvrer.
Arrivés à destination vers 17h30, des jeunes se hissent sur le mémorial de Riad el-Solh pour avoir une meilleure vue de la foule dense et mieux écouter le discours mobilisateur d'Assaad Zebiane, membre du collectif « Vous puez ! ». Ce dernier appelle à « ne jamais essayer de » leur « ressembler », pointant son index vers le Grand Sérail où se trouvaient toujours réunis les membres du gouvernement.
Ce « dernier avertissement » parviendra-t-il à secouer la classe politique ? Ces responsables se résoudront-ils à se départir – au moins dans ce dossier – de leurs intérêts mercantiles et abandonner leurs marchés juteux pour ne jamais avoir sur la conscience les risques pandémiques qui menacent les Libanais ? Le mouvement civil n'en est pas si sûr, au vu de l'escalade qu'il a décrétée hier, suite à l'adoption par le gouvernement de solutions transitoires nullement conformes à ses exigences.

Ils étaient quelques milliers samedi à s'insurger d'une seule voix contre la classe politique qu'ils ont accusée encore une fois de corruption dans la gestion de la crise interminable des déchets. « Ils », ce sont des Libanais de toutes confessions et de tous bords qui ont répondu à l'appel du collectif « Vous puez ! » pour participer à la marche de protestation qui devait les...
commentaires (2)

Honte a nos leaders de faire cela... Honte a nous d'accepter cela!!!

Hanna Philipe

11 h 55, le 14 mars 2016

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Commentaires (2)

  • Honte a nos leaders de faire cela... Honte a nous d'accepter cela!!!

    Hanna Philipe

    11 h 55, le 14 mars 2016

  • NON JAMAIS POUR MA PART J'APPROUVERAI CES MOUVEMENTS TANT QU'ILS FONT RÉFÉRENCE À LA GUERRE DE UN ET SE MELE DE POLITIQUE CELS VEUT TOUT SIMPEMENT DIRE QU'ILS NE SONT PAS MATURE ENCORE !!!

    Bery tus

    08 h 00, le 14 mars 2016

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