C'est une séance de plus de trois heures présidée par le Premier ministre Tammam Salam qui s'est déroulée hier au Sérail en présence de tous les ministres, à l'exception de Nouhad Machnouk (Intérieur) pour cause de déplacement à l'étranger. Le Premier ministre a d'emblée fait montre de fermeté : la crise des déchets sera réglée ou il jettera l'éponge.
Au centre des débats, le dossier des déchets donc, mais également la récente prise de position du Conseil de coopération du Golfe à propos du Hezbollah, considéré désormais par cette organisation régionale comme un parti « terroriste » en raison de « la poursuite des actions hostiles des milices », notamment en Syrie.
Crispations
C'est lors des discussions autour de cette prise de position régionale par rapport au Hezbollah que le climat général s'est tendu, chaque ministre donnant tour à tour son point de vue sur la question. De source ministérielle, c'est l'intervention de Hussein Hajj Hassan (Industrie) qui a été la plus virulente, puisque ce dernier est allé jusqu'à mettre sur un même pied d'égalité les pays du Golfe et Israël, à tel point que sa déclaration a dû être retirée du compte rendu de la séance, à la demande notamment de Michel Pharaon (Tourisme) et de Nabil de Freige (Réforme administrative) ; une requête immédiatement approuvée et validée par le Premier ministre. Mohammad Fneich (Affaires parlementaires) a d'ailleurs vite fait d'intervenir pour tenter de modérer les propos de son collègue du Hezbollah et de désamorcer la tension qui allait crescendo.
Le débat a ensuite été axé sur « la différence entre la prise de position du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil et celle, plus récente, affichée par Nouhad Machnouk dans le cadre de la réunion des ministres de l'Intérieur de la Ligue arabe ». Pour certains, M. Machnouk a « adhéré à l'unanimité arabe » mais s'est contenté d'apposer des réserves quant à la qualification de « terroriste » du Hezbollah par le CCG. Ce qui, pour d'autres « revient au même » puisque Gebran Bassil a également opposé une réserve fondée sur la position de principe du Liban qui consiste à « demeurer neutre », lors du dernière Conseil de la Ligue arabe qui s'est tenu à la suite des agressions en Iran contre les représentations diplomatique et consulaires saoudiennes.
Ce débat, loin d'être définitivement tranché, a toutefois été minimisé pour que le dossier des déchets puisse être traité. Le Conseil des ministres s'est finalement contenté d'exprimer son attachement au contenu de la déclaration ministérielle telle que rédigée lors de la dernière séance en date. Certains en ont profité pour souligner la stérilité de ce débat de politique régionale, alors que le Conseil des ministres se doit d'abord et avant tout de régler les affaires du pays, surtout que celui-ci croule sous les crises. « Ce n'est pas possible de se retrouver en train de débattre de politique régionale alors que nous sommes là pour discuter de l'ordre du jour et aussi, prioritairement, de la crise des déchets », note à cet égard Nabil de Freige. Sejaan Azzi, également contacté par L'Orient-Le Jour, souligne que ce sont « 160 articles à l'ordre du jour qui sont restés intacts. Or le peuple ne peut plus attendre, surtout en ce qui concerne les déchets. Les autres articles à l'ordre du jour sont également importants, il s'agissait de nominations concernant les contrôleurs des impôts, des nominations diplomatiques, la validation des résultats des concours diplomatiques, des nominations au sein du ministère des Finances et plusieurs autres projets, notamment le transfert de la direction d'un hôpital à Batroun de la Sécurité sociale au ministère de la Santé. »
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Priorité au dossier des déchets
Dès l'amorce de la réunion, le Premier ministre Tammam Salam a voulu faire montre de fermeté. Il a ainsi affirmé qu'il ne fixera pas de date pour la prochaine séance tant que le dossier des déchets ne sera pas réglé. « Le gouvernement n'a pas lieu d'être s'il n'est pas capable de trouver une issue à ce dossier », a tout simplement dit le Premier ministre. Il a également saisi l'occasion pour appeler une nouvelle fois les députés à élire un président de la République lors de la prochaine séance électorale.
Mais la priorité de M. Salam est désormais affichée : apporter une solution à la crise des déchets ou jeter l'éponge. Une source parlementaire interrogée par L'Orient-Le Jour a noté dans ce contexte que « les responsables semblent avoir compris que la solution de facilité ne fonctionnera pas ». « Les Libanais aiment les solutions de facilité, quitte à payer plus d'argent pour y parvenir. Mais les responsables se sont rendu compte que dans le cas des déchets, cela ne fonctionnera pas. Ils sont désormais confrontés à la grogne populaire et à la réalité. » Une source ministérielle ajoute dans ce contexte que Tammam Salam a failli ajourner la réunion d'hier en attendant que des résultats concrets émanent de la commission ministérielle qui planche sur la crise des déchets, « mais il n'a pas voulu donner une impression de blocage et a donc décidé de maintenir la séance ». M. Salam a ainsi exposé durant la séance d'hier « les progrès enregistrés par la commission (...) qui a fait les trois quarts du chemin concernant les décharges. Nous espérons trouver une issue favorable à ce dossier dans les prochains jours ». Toutefois, la plupart des responsables interrogés par téléphone disent ignorer si « les quelques points » qui restent à régler dans le dossier des déchets « sont bel et bien techniques ou bien s'il s'agit de questions politiques ».
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Dans la dernière hypothèse, « cela signifie que les obstacles ne sont pas réellement levés » et que l'issue de la crise n'est pas proche, comme le fait remarquer Sejaan Azzi. Tous disent cependant comprendre la position de M. Salam qui, depuis quelques jours, semble avoir atteint ses limites. Il serait donc déterminé à aller jusqu'au bout de sa menace en mettant la clé sous la porte dans le cas où aucune solution ne serait apportée dans les prochains jours. Élias Bou Saab (Éducation) a affirmé dans ce contexte : « Nous partageons le sentiment de M. Salam et nous le soutenons dans toute décision qu'il prendra. » Plusieurs ministres, dont Ramzi Jreige (Information), ont indiqué « avoir honte » d'eux-mêmes au vu de leur « incapacité à traiter ce dossier ». Akram Chehayeb (Agriculture) a quant à lui mis en garde : « La santé des citoyens est en danger, et traiter ce dossier est bien plus important qu'élire un président ou redynamiser le travail gouvernemental. Que la commission prenne une décision ou que chacun de ses membres rentre chez lui. »
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Il vaut mieux démissionner la tête haute hors de la puanteur ..c'est moins asphyxiant que de vouloir traiter un problème vieux de 9 mois....!
15 h 38, le 04 mars 2016