Après avoir fait la une des journaux pendant plusieurs mois consécutifs, l'échéance présidentielle semble être passée au second plan, voire presque écartée de l'actualité chaude, désormais marquée par la hantise sécuritaire.
Aux discours et débats sur la concurrence acharnée entre les deux principaux candidats à la première magistrature, Michel Aoun et Sleiman Frangié, s'est substitué le slogan d' « un nouveau 7 mai », en référence à la tristement célèbre journée de 2008 lorsque des éléments du Hezbollah avaient investi par la force des armes les quartiers sunnites de Beyrouth suite à un incident à caractère local à l'époque. Aujourd'hui cette tension intercommunautaire se double d'un face-à-face régional autrement plus redoutable.
Depuis la décision prise par l'Arabie saoudite d'arrêter la livraison d'armes à l'armée libanaise et la montée en crescendo de la tension sunnito-chiite répercutant, à la manière d'une caisse à résonance, le conflit entre l'Iran et les pays du Golfe, la peur d'une dégradation de la situation sécuritaire au Liban revient sur toutes les lèvres.
Si l'on en croit les informations publiées hier par l'hebdomadaire al-Anba', le Premier ministre Tammam Salam aurait même été alerté par des pays tiers sur les risques d'une dégradation de l'état de la sécurité que pourraient susciter les tensions communautaires dont témoigne le pays. Des mises en garde qui expliqueraient les appels lancés par les pays du Golfe à leurs ressortissants leur conseillant d'éviter de se rendre au Liban.
La série d'incidents qui ont ponctué ces derniers jours les rues de Beyrouth et ses environs n'ont fait que raviver ces craintes, laissant la voie libre devant toutes sortes de rumeurs folles sur des déploiements miliciens ici ou là.
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Aux incidents qui ont éclaté la semaine dernière entre des partisans du courant du Futur et des éléments des Brigades de la résistance à Saadiyate, à la sortie sud de Beyrouth, ont succédé des mouvements de colère et de protestation « spontanés » dans plusieurs quartiers de la capitale et à Zouk Mosbeh, siège de la chaîne aux capitaux saoudiens MBC. Celle-ci venait de diffuser la vidéo d'un critique saoudien, Khaled Faraj, parodiant le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, figure politique et religieuse emblématique qui reste aux yeux de nombreux chiites intouchable. Cet épisode a relancé de plus belle le débat sur la liberté d'expression, dès lors qu'elle touche un personnage religieux investi d'un rôle éminemment politique comme le numéro un du Hezbollah, une sorte de « Janus » aux deux visages.
Hier soir, les protestataires ont déferlé à nouveau dans les quartiers de Corniche Mazraa, l'intersection Cola et les environs de l'ambassade du Koweït, forçant la troupe à intervenir rapidement pour calmer le jeu et empêcher les débordements.
Sur les médias sociaux, la guerre des propos entre les partisans de l'un et l'autre camps est certes virtuelle, mais elle n'en reflète pas moins la réalité de la tension et la colère qui animent les esprits. Dans les milieux salafistes, on s'échange depuis quelques jours les photos de banderoles affichées dans certains quartiers de la banlieue sud, pointant du doigt les « Saoud » comme étant « sales et malpropres ». Sortant de son mutisme, le fondateur du courant des salafistes, le cheikh Daï el-Islam el-Chahhal, a adressé au chef du courant du Futur Saad Hariri et au ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk un tweet dans lequel il affirme que « ce qui s'est passé samedi à Beyrouth est bien plus dangereux que ce qui s'est produit le 7 mai (2008) ».
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L'ébullition constatée dans la rue chiite a été relayée hier dans la journée par une attaque fulgurante lancée par les figures de proue du Hezbollah à l'encontre de l'Arabie saoudite. Le chef du bloc de la Fidélité à la résistance, Mohammad Raad, a été jusqu'à menacer le royaume wahhabite sans le nommer.
« Gare à toute partie, quelque grande qu'elle soit, qui chercherait à hypothéquer notre droit à la résistance », a-t-il dit. Avant d'ajouter à l'adresse des responsables saoudiens : « Vous devriez avoir honte et vous excuser de la nation arabe pour vos échecs et vos manœuvres décevantes. » S'exprimant « au nom du Liban entier », le chef de l'instance chériée du parti, le cheikh Mohammad Yazbeck, a assuré que le « Liban ne s'excusera devant personne », en allusion à la demande formulée par les milieux du courant du Futur à l'intention des forces du 8 Mars, plus précisément du ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, l'invitant à s'excuser après ses propos considérés « désobligeants » à l'égard de leur allié wahhabite.
À son tour, l'ancien ministre de la Justice, Achraf Rifi, a tiré à boulets rouges sur le Hezbollah, l'accusant de faire la pluie et le beau temps au sein du gouvernement. « Nous en sommes arrivés au point où le Hezbollah a commencé à imposer les décisions au sein du Conseil des ministres et à bloquer pernicieusement des dossiers fondamentaux relatifs à la sécurité et aux relations avec les pays arabes », a-t-il dit, dans un entretien publié par le quotidien saoudien Okaz.
La guerre larvée entre les deux axes sunnite et chiite a ainsi éclaté au grand jour. Appelées à monter en puissance, les mesures de l'Arabie et des pays du Golfe contre le Liban (dont l'expulsion par Riyad, jeudi dernier, de 90 ressortissants Libanais), ne sont pas pour arranger les choses. Longtemps conscients et attentifs à la vulnérabilité d'un Liban pluricommunautaire et à son incapacité à influer un tant soit peu sur une décision du retrait des combattants du Hezbollah, de Syrie notamment, les pays du Golfe semblent aujourd'hui décidés de passer à la vitesse supérieure et à rompre avec la tradition du dialogue, pour lui préférer le langage de la confrontation, au risque d'aggraver la discorde sectaire dans le pays.
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commentaires (11)
Les Libanais(h), toujours prêts à enduire de lubrifiant les roués retors conFessionnels pour conserver entre eux de pseudo bons rapports ; que nullement l’Humanité ne leur dispute ; s’y sont collé : "Merci, yîîîh, notre conFessionnalisme" ont-ils cru bon proférer, après les rétractations dans la balade Sectarisée qui, de tous temps, les a baladé. Et, sans pouffer, d’éructer : "C’est si bon pour ce kottor-conTrée." ! Mais de quoi fallait-il remercier les fanatiques libanais(h) ? D’avoir été de ces peuplades à prose vigoureuse, versatiles de versants crevassés, et à "opinions?" violentes ; girouettes mal graissées qui ne savent qu’agiter les étendards de la Fitnâh ? Ou d’avoir reçu sur un plateau ce Mont-libanais puis l’avoir avec morgue rejeté, après un marchandage dans lequel il ne fut question que de conFessionnalisme affligeant et de bazardage style Soûëélhamîdïyéh ! On se demande, really, wâââïy ? Sans compter un paquet de toumânes Per(s)cés ou de Rialz-arabes pour sous sous-fifres et/ou äattîîîïïh de larbins de tous acabits. Yîîîh ! Mais ce dont on aurait pu les remercier, est d’avoir montré avec impudence au monde entier leur véritable visage. Eux qui sont arabes quand ça les arrange ; quand ils peuvent rejeter sur le sunnite ou le chïïte tout ce qui fait problème en attendant de se réfugier piteusement, dès la première bourrasque, dans les pans du saroual usé de leur infect sectarisme béat à deux balles trouées ! Yâ wâïyléééh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
02 h 19, le 01 mars 2016