Et on dit encore que c'est un pays... Maudit par la géographie, raillé et humilié par l'histoire, désintégré par ses propre fils et dynamité par les axes, tous les axes, et leurs politiques mortifères, le Liban paie aujourd'hui plus que jamais le prix, exorbitant, de sa schizophrénie. Et continue de ne pas balayer devant ses portes avant que d'accuser les autres, tous les autres, et de leur imputer l'origine de ses malheurs. Quels qu'ils soient.
Sans aucunement enlever à ceux qui l'ont forgée et à ses martyrs le moindre de leurs mérites, l'indépendance du Liban n'est plus aujourd'hui qu'une monumentale, une obscène plaisanterie. Encore une fois, comme presque toujours, la faute est nôtre, uniquement nôtre : politiquement, culturellement, socialement, économiquement, moralement, nous avons dilapidé un héritage exceptionnel. Nous voilà désormais au cœur d'une tragédie familiale globale, mi-Hamlet mi-Les Feux De L'Amour. Il faut dire que cette famille, sacrément recomposée, est en pleine décomposition, entre deux papas obsédés par le besoin de s'annihiler l'un l'autre, avec l'un des deux en plein démons de midi et crise psychopathe de la cinquantaine-soixantaine (l'Arabie saoudite), et l'autre ivre de vengeances et d'anschluss (l'Iran), et une douce mère un peu lost in translation, engoncée dans sa ménopause (la France). Et au milieu, l'enfant terrible qui ni ne veut ni ne peut couper le cordon : tuer le(s) père(s) et cesser d'aller pleurnicher dans les jupons de maman. Et qui continue de mendier ses argents de poche, hier touchant, aujourd'hui pathétique.
Peu importe si les Saoudiens (un peuple même pas entré encore en adolescence : l'Arabie saoudite, dans sa forme moderne, a 84 ans) en sont encore au degré 1 de l'évolution, face à des Iraniens qui en ont accompli cent et une, de (r)évolutions (c'est normal : leur civilisation est ancestrale). Peu importe si les uns crachent sur Téhéran et les autres sur Riyad en oubliant l'agonie de Beyrouth, pendant que les autres rampent aux pieds de Riyad ou de Téhéran en oubliant la dignité de Beyrouth. Peu importe si Hassan Rohani est le grand vainqueur des législatives iraniennes ou pas, s'il aura les coudées franches ou pas. Peu importe si les deux Mohammad, ben Nayef et ben Salmane, se livrent entre eux à une guerre nucléaire, carrément la guerre du feu, et que le Liban, entre autres, en soit une des premières victimes collatérales. Peu importe si Saad Hariri a géré l'hyperlegs paternel avec un amateurisme qui confine à l'indécence. Peu importe si le palais Bustros loge l'un des ministres des Affaires étrangères les plus incompétents au niveau planétaire. Peu importe si le 14 Mars n'est plus qu'une vague, une floue, une désespérée et désespérante vue de l'esprit.
C'est nous le problème. Notre incapacité génétique à former un peuple, notre incapacité atroce au métissage, à l'harmonie, à l'unité, notre hermétisme à toute forme d'évolution, justement, fût-elle à rebours : nous ne reculons même plus, c'est tellement pire : nous stagnons. Incapables de prévenir cette crise diplomatique avec le royaume wahhabite, incapables d'avoir su, pu ou voulu l'éviter, nous n'avons même pas essayé de la guérir : quand les uns s'aplatissent, la fierté en serpillère, quand les autres se murent dans un silence assourdissant, voilà les troisièmes qui se vantent, qui se pavanent et pérorent, férocement irresponsables et inconscients, balayant d'un revers de turban ou de main baguée l'avenir de centaines de milliers de familles libanaises dont les fils, les mères ou les pères travaillent dans les pays du Golfe. Les discours enflammés des cadres hezbollahis de ce week-end sont à la limite du criminel, et c'est à peine s'ils ne leur demandent pas de démissionner et d'aller combattre en Syrie pour Bachar el-Assad.
Il reste cette constante que nous maîtrisons, nous Libanais, mieux que quiconque : exceller dans la médiocrité. Si des identités meurtrières (chrétiennes, musulmanes, maronites ou maronites, sunnites, chiites, phéniciennes, perses, wahhabites, arabes, pas arabes, occidentales, libanaises à visage arabe, etc.) peuvent être soignées, rééduquées, revitalisées, il n'y a strictement plus rien à faire quand ces identités-là deviennent furieusement et royalement crétines.
Reservoir Dogs
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 29 février 2016 à 00h00
commentaires (9)
si on comprend bien l'article Mr Makhoul la charite bien odronner commence par soi meme !! le seul pb est que le monde est porter tjrs a englober simplement pour paraître politiquement correct ...
Bery tus
19 h 22, le 29 février 2016