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Culture - Spectacle

Chanter la rue avec Hicham Jaber

Pour son dernier spectacle au Métro al-Madina (demain soir encore), Hicham Jaber, alias Roberto Kobrossli, refait le parcours de la ville en taxi-service et en chansons pour « L'Orient-Le Jour ».

Héler un taxi, s’y engouffrer et se faire bercer par la gouaille du chauffeur... Photos Anne Ilcinkas

Le taxi-service est connu au Liban pour être ce transport qu'on prend à tarif plus réduit que le taxi. Et pour cause. On est à quatre engouffrés dans le même habitacle, sans clim en été et sans tous ces autres atouts désormais très indispensables pour une auto. Le luxe se réduirait dans cet espace confiné à quelques babioles et ornements qui se balancent tout au long du parcours, et à cette convivialité, cette familiarité qui font le label de ce moyen de transport.

Durant le trajet, les passagers sont bercés soit par les jérémiades du chauffeur qui raconte sa vie privée (bobonne possessive, jalouse ou capricieuse) ou sa vie professionnelle (prix de l'essence en hausse ou en baisse, trafic...), soit encore par les insultes qu'il assène, tout en roulant, au conducteur qui arrive à sa hauteur, soit encore par des chansons qu'il fredonne lui-même ou qu'il choisit à sa guise sur son antenne préférée. Il lui arrive parfois, mais rarement, de demander à l'un des passagers s'il a envie d'écouter un titre de son choix mais, généralement, il est le seul maître à bord. Une sorte de dictateur gouailleur. L'atmosphère qui règne à bord de cette automobile souvent joyeuse, qui détonne avec la carcasse cabossée, est haute en couleur. Tout passe sans aucune ligne de démarcation. Un fatras de politique, de social et de culturel jeté en vrac à tout venant.

Dans la rue rouge
Nous nous sommes donc installés avec Hicham Jaber sur le siège arrière du taxi-service pour faire le tour de Hamra, la «rue rouge». Ni les klaxons qui provenaient de l'extérieur ni le chauffeur qui vociférait ne nous ont empêchés de faire un bout de route avec le talentueux metteur en scène, sorte de Groucho Marx contemporain, pour découvrir son univers décalé. Cette rue qu'il squatte depuis longtemps. Puisqu'il ne sait pas et ne veut pas conduire, dit-il, il se l'est appropriée pour la reproduire sur les planches. Ce n'est plus Hicham Jaber le metteur en scène qui officie en coulisses, mais bien son alter ego, du nom de Roberto Kobrossli, un caractère qu'il a façonné à son image, et qui officiera sur les planches. Un personnage qui ne mâche pas ses mots et qui balance tout sans aucune crainte. Maître de cérémonie hilarant, déjanté, se tortillant, chantant et insultant, il détonne avec l'artiste assis à nos côtés et qui raconte des histoires avec une placidité sans pareille.

 

Un pays de cartoons
Parlant de son spectacle, le metteur en scène ne cille pas et ne fait pas dans la démesure. Il a rangé Roberto Kobrossli au placard, dont il ne sortira qu'à la tombée de la nuit. On percevrait même une légère timidité logée dans la tête de ce looney tune qui avoue pourtant en nous prenant pour témoin: «Nous sommes un pays de cartoons. Tantôt on rit, tantôt on pleure.»
Nostalgie d'une certaine époque? «Point du tout, s'insurge Hicham Jaber. Ce n'est pas le but de mes spectacles et si Bar Farouk ou Hishik Bishik reprennent des atmosphères d'antan, le service est parfaitement vivant et se porte bien. Mais ce que je veux, c'est affirmer et clamer haut et fort nos vrais repères et racines. » Il aime la rue, Hicham Jaber, cette rue où il puise toute son énergie et son inspiration. «Ce sont ces rencontres de rue qui alimentent mes spectacles», confie-t-il.

Roberto Kobrossli, lui, ne fait pas dans la dentelle. Il porte pourtant jabots et autres fanfreluches. Il a plus de flèches à son arc. Et chacun en prend pour son grade. Le service n'est plus un moyen de transport, mais un vecteur qui véhicule des messages à caractère social. Les musiciens et les interprètes féminines (Sandy Chamoun, Yasmina Fayad et Eva Khalil, tout droit venue de Homs) deviennent tour à tour comédiens dans une ambiance de cabaret loufoque et folle, folle à lier. Racontant à la fois les violences faites aux femmes, mais qui admirent en même temps les motards et les chauffards, tout se mêle et prend des chemins de traverse, dans un décor de Wissam Dalati (son compagnon de fac et de toujours), lequel veille aussi à offrir les costumes les plus kitsch qu'ils soient.

Le taxi-service roule, ramenant avec lui des effluves de bitume et de vie pédestre, ainsi qu'un souffle de langage familier souvent grivois qui témoigne de la survie d'un certain Beyrouth qu'on affectionne profondément.

 

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