Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Témoignage

« Tu es un chrétien de Lattaquié et tu critiques la Russie ? »

Un jeune homme raconte à « L'Orient-Le Jour » les méthodes musclées du régime syrien pour terroriser les opposants dans le fief alaouite d'Assad.

Les portraits du président syrien, Bachar el-Assad, et de son homologue russe, Vladimir Poutine, collés sur les vitres d’une voiture à Lattaquié. Khaled al-Hariri/Files/Reuters

À Lattaquié, les gens changent souvent de trottoir à la seule vue d'un 4x4 aux vitres teintées. Ces voitures symbolisent à elles seules les exactions d'un régime aux abois.
Ce fut le cas du jeune Bachar* qui a été « invité » à monter dans l'un de ces fameux tout-terrain, début février. À l'intérieur de la voiture, on lui notifie une injonction pour un interrogatoire dans les locaux d'un des multiples services de renseignements dans le pays. En guise d'au revoir, on le roue de coups avant de le jeter sur le trottoir, en pleine ville. Le lendemain, Bachar se dirige au poste en question où il passe la journée.
« Les enquêteurs n'avaient aucune accusation claire contre moi pour me punir ou me jeter en prison », explique-t-il à L'Orient-Le Jour, lors d'un entretien sur Skype.

Un crime sur Facebook
Son crime ? Avoir des amis sur les réseaux sociaux vivant dans la région du Jabal Turkmène et avoir « partagé » ou « aimé » des statuts sur Facebook de plusieurs journalistes opposants notoires du régime. Ainsi, à Lattaquié, un fief du régime syrien, un simple J'aime sur Facebook peut devenir un crime.
Lors de son interrogatoire, il a été brutalement questionné sur sa relation avec « ses amis » sur Facebook. « Ils étaient cinq. Ils faisaient monter la pression. » « Ils criaient, m'insultaient, me traitaient d'animal. Ils ont même menacé de me violer », se rappelle-t-il. Mais en fin de compte, le jeune homme s'entend dire : « Tu as de la chance d'être chrétien. » « Je n'ai eu droit qu'à des gifles et des coups sur mes pieds et jambes. Ils m'ont également frappé avec une chaise en bois sur mon corps », raconte-t-il.

« Ce traitement de faveur », selon Bachar, est dû au fait qu'il est chrétien. « Tu es chrétien et tu fais ça ? Nous sommes là pour te protéger. Comment tu peux écrire des choses pareilles ? » lui demandaient ses bourreaux, en allusion à ses prises de position favorables à des opinions contre la Russie. « Tu es chrétien et tu critiques la Russie ? Ils sont là pour te défendre, pour défendre l'honneur de ta sœur », hurlaient-ils, en référence à l'intervention militaire russe en faveur du régime syrien.
Selon Bachar, ces formes « d'interrogatoire » visent à semer « la terreur », à dissuader les jeunes de critiquer le régime. « C'est un message pour les autres opposants », estime-t-il.

 

(Lire aussi : « Maintenant, la vie ici est sûre. La Russie, Poutine... mouah ! »)

 

Isoler Lattaquié
Selon lui, les autorités syriennes veulent isoler la région de Lattaquié de sorte qu'il y ait le moins possible de contact avec les régions avoisinantes sous le contrôle des rebelles. Ils visent par ailleurs à éradiquer toute sorte d'opposition au régime dans cette région où la communauté alaouite est majoritaire. Lattaquié doit être une zone avec zéro opposant.
En sortant du poste, Bachar réalise que ses jambes ont doublé de volume. Il portait deux pantalons pour se protéger du froid. À cause des blessures et des coups, il ne parvenait pas à enlever le pantalon intérieur qui lui a collé à la peau.
Le jeune homme explique que critiquer la communauté alaouite (dont est issu le président Bachar el-Assad) est une ligne rouge à ne pas dépasser pour le régime.

Avant le début de la révolte, alors qu'il était à l'université, ses opinions politiques lui avaient déjà valu d'être tabassé par les hommes du régime. Il a même été interdit d'entrée, un jour, dans le campus universitaire.
Et ce n'est pas la première fois que Bachar est interrogé. Il l'a été en 2011 par la sûreté de l'État et la sécurité politique. À cette époque, il doit payer un pot-de-vin pour ne pas être arrêté. En 2014, un article critique écrit dans un journal libanais lui vaut une interdiction de quitter le pays. D'ailleurs, les enquêteurs s'en sont même rappelés cette fois aussi.

(Lire aussi : Sur la côte syrienne, vodka et "spasiba" pour accueillir les soldats russes)

 

« C'est le régime qui l'a confessionnalisé... »
Dans tous ces cas, Bachar estime que le fait d'être chrétien lui a épargné des poursuites plus sévères. Toutefois, selon lui, le problème en Syrie n'a jamais été confessionnel. « C'est le régime qui l'a confessionnalisé pour se maintenir au pouvoir. »
Il raconte ainsi des interrogatoires subis par des amis musulmans : « Les enquêteurs leur criaient dessus en leur demandant de dire des injures contre le Coran et contre (le premier calife de l'islam) Abou Bakr. »
« Bien sûr que j'ai peur, lance Bachar. Mais je ne suis pas mieux que mes amis morts pour la Syrie. » Il évoque la mort récente de l'un d'entre eux : « Sa mère, tout en pleurant, m'avait demandé pourquoi c'est son fils qui est mort et pas moi... »
Bachar admet qu'il n'a plus d'espoir en l'avenir. « Notre monde est noir. La Syrie a été complètement détruite. Qu'est-ce qu'il reste de beau à voir ? »

*Le prénom a été changé pour des raisons de sécurité.



Témoignages
« Je ne supportais plus d'entendre mon bourreau dire "Allah Akbar"... Je haïssais ces mots ! »

« J'en étais arrivé au point de vouloir que l'EI me tue »

Comment témoigner de la (sur)vie à Raqqa sans se faire tuer par Daech

Pour mémoire
« Les forces russes sont intervenues pour nous aider à accélérer la victoire militaire »

La présence des "visiteurs" russes ravit les Syriens de Lattaquié

À Lattaquié, les gens changent souvent de trottoir à la seule vue d'un 4x4 aux vitres teintées. Ces voitures symbolisent à elles seules les exactions d'un régime aux abois.Ce fut le cas du jeune Bachar* qui a été « invité » à monter dans l'un de ces fameux tout-terrain, début février. À l'intérieur de la voiture, on lui notifie une injonction pour un interrogatoire dans les...

commentaires (8)

On ne sacrifie pas la liberté pour la sécurité c'est qu'il faut reconnaître on remplace pas un mal par un moindre mal sinon nous n'aurons ni la sécurité ni la liberté !! Assad DOIT DÉGAGER !!

Bery tus

21 h 59, le 19 février 2016

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • On ne sacrifie pas la liberté pour la sécurité c'est qu'il faut reconnaître on remplace pas un mal par un moindre mal sinon nous n'aurons ni la sécurité ni la liberté !! Assad DOIT DÉGAGER !!

    Bery tus

    21 h 59, le 19 février 2016

  • Il fallait regarder hier soir sur France 2 l'émission qui traitait la crise syrienne: LE GRAND AVEUGLEMENT; les médias européens commencent à avouer qu'ils se sont trompés ou se sont laissé manipuler ..N'est il pas temps que l'Orient-le jour le reconnaisse aussi ? Le régime syrien est criminel! soit!nous le savons et l'expérimentons depuis des lustres. Mais qui donc a provoqué cette sale guerre et surtout sans savoir quelle en serait l'issue ? Les vrais criminels ne sont ils pas les wahhabites, les ottomans, et les occidentaux lèches-c..

    Chelhot Michel

    15 h 46, le 19 février 2016

  • Merci de nous donner les réalités des choses j'espère ke les grands décideurs y prêterons attention !!

    Bery tus

    14 h 26, le 19 février 2016

  • Un jeune homme raconte à « L'Orient-Le Jour » ... ET CA SUFFIT A L'ORIENT LE JOUR POUR NOUS FAIRE TOUT UN ARTICLE DE NON SENSE SUR UNE SITUATION AUSSI SERIEUSE QUE CELLE DE LA SYRIE A FEU ET A SANG ????????????????? MAIS DIS DONC LAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!

    FRIK-A-FRAK

    12 h 07, le 19 février 2016

  • Ce n'est rien ça Attendez que la Russie applique les méthodes de l'ex KGB héritier du sinistre Beria, et représentée aujourd'hui par un président, ex-agent du KGB

    FAKHOURI

    12 h 06, le 19 février 2016

  • Comme par hasard, ils n'ont commencé à penser à se révolter, que depuis que les retombées "bénéfiques" de la poule aux œufs d'or et la vache libanaises se sont taries ! Avant cette cata pour eux, là, ils nous regardaient durant quinze longues années ; et à l'aise à la Télé ; entre nous, nous massacrer ! Bon retour de bâton éhhh, éhhh libanais, car à présent, nous on fait la même chose qu'eux : Nous les regardons faire.... à la Télé. Khâââï ! A part, bien entendu, quelque illuminés Niais Per(s)cés qu'y vont encore pour s'y faire ; yâ harâââm ; massacrer ! Yâ wâïyléééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 21, le 19 février 2016

  • Une preuve de plus que les Syriens, même sous contrôle du régime dictatorial, n'appuie pas Bachar El Assad. Toute personne avec un peu de bon sens, quelque soit la raison, ne peut accepter de soutenir un régime Nazi contre une probable démocratie. Il vaut mieux continuer a se battre que d'accepter de mauvaises solutions. A la fin elles se retournes contre vous. Je souhaite bonne chance a tous les opposant modérés de Syrie et leur dire que nous sommes passés par la aussi mais avons fini par en finir avec Assad. A présent nous nous devons de nous débarrasser des détritus laissés derrière lui pour avoir enfin la paix. On continue!

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 03, le 19 février 2016

  • RIEN N,A CHANGE. CES PRATIQUES ETAIENT DE TOUJOURS ET SONT LES MEMES. TERRORISER LES GENS JUSQU,A CE QUE LE FRERE A PEUR DE S,EXPRIMER DEVANT SON FRERE ET LE PERE DEVANT SON FILS... LES MURS DANS LES MAISONS MEMES AYANT DES OREILLES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 43, le 19 février 2016

Retour en haut