Rechercher
Rechercher

Liban - Télévision

« Dunyana », l’actualité vue par les femmes sur la BBC arabe

Nada Abdelsamad, journaliste à la chaîne britannique, prépare et anime un programme qui connaît un grand succès dans la région.

Nada Abdelsamad a à son actif plus de trente ans de métier.

Depuis juin 2014, un talk-show animé par la journaliste Nada Abdelsamad sur la BBC arabe fait un tabac dans la région. Dunyana (Notre monde) est un programme sur l'actualité et des dossiers qui touchent au cœur du monde arabe. Rien de particulier, dira-t-on, sauf que ce sont des femmes arabes qui les commentent.
« Ce n'est pas un programme de femmes pour les femmes, mais un talk-show qui s'adresse à tout le monde. D'ailleurs, les commentaires reçus sur nos réseaux sociaux sont majoritairement écrits par des hommes », souligne, dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, Nada Abdelsamad.
Le programme, préparé et filmé à Beyrouth, est diffusé une première fois les vendredis à 19 heures GMT (21h heure de Beyrouth), avant d'être rediffusé cinq fois tout au long de la semaine sur la BBC arabe. Il est disponible ensuite sur YouTube. Dunyana connaît un vrai succès dans les pays du Golfe et dans le Maghreb arabe.


« Au début, l'idée d'un programme de femmes fait peur », note Mme Abdelsamad qui a à son actif plus de trente ans de métier de journalisme politique et de terrain. « De nombreuses personnes m'ont conseillé de ne pas me lancer dans ce domaine. Mais c'est un format différent. Ce n'est pas une émission en plus sur le Botox, la mode ou les femmes battues. Toutes les semaines sur le plateau, trois femmes arabes parlent de sujets qui touchent au cœur du monde arabe », ajoute-t-elle. Ces femmes viennent des milieux politiques, académiques, associatifs... Des femmes qui, même si elles ne sont pas connues, jouent un rôle important dans leur pays et, surtout, ont des choses à dire.
« Au cours de ces quatre-vingt-dix émissions, aucune femme, à part deux invitées, n'a été reçue à deux reprises sur le plateau. 270 personnes différentes ont participé au programme », indique-t-elle.
Durant 52 minutes, les invitées parlent de deux thèmes, souvent liés. Le format n'est pas rigide, parfois deux femmes au lieu de trois ont été reçues sur le plateau et quelquefois – mais rarement – des hommes ont été sollicités.


L'équipe du programme est composée de Nada Abdelsamad elle-même et deux autres personnes pour la recherche et les réseaux sociaux. La recherche est méticuleuse pour le choix des invités. « C'est difficile de recevoir des personnes qu'on ne connaît pas ou des personnes qui ne sont pas connues. On ignore comment elles réagiront devant la caméra. Quand on interviewe un homme politique, c'est facile, on connaît ses réactions d'avance. Quand on travaille des nouvelles pures, c'est l'actualité qui alimente automatiquement le programme et l'affaire est plus simple », explique-t-elle.
Nada Abdelsamad avoue avoir été agréablement surprise par les femmes qu'elle a reçues. « Les pays arabes sont très différents les uns des autres et il y a une tonne de sujets à discuter », dit-elle.
La journaliste a certes préparé des émissions sur le printemps arabe et la guerre en Syrie et tous les sujets qui en découlent. Mais elle a aussi abordé d'autres dossiers. Ceux qui l'ont le plus marquée sont notamment l'esclavage en Mauritanie où jusqu'à présent on peut naître esclave sans jamais être affranchi ; la torture, avec des femmes miliciennes, notamment du Liban et de Libye, qui ont parlé de leur rôle de bourreau et du plaisir qu'elles prenaient à torturer leurs victimes ; la culpabilité de ceux qui survivent à la guerre, comme cette femme yazidie qui a témoigné de sa fuite d'Irak avec ses deux enfants, voyant ses proches pris en otages et cachant une bouteille d'eau dans ses vêtements sans venir en aide à ceux qui mouraient presque de soif...

 

(Pour mémoire : Les juifs du Liban dans un documentaire sur la BBC : Des souvenirs mêlés d'une grande nostalgie)

 

La permission pour prendre la parole
Nada Abdelsamad a aussi remarqué une caractéristique commune à de nombreuses femmes arabes. « Elles occupent des postes importants dans leur pays, font un travail intéressant, suivent de hautes études mais elles sont trop discrètes. Certaines femmes lèvent la main avant de prendre la parole, comme si elles demandent l'autorisation de parler. D'autres ne parlent pas, même si elles ont des choses à dire, à moins qu'on ne leur pose des questions », raconte-t-elle.
Elle cite également une autre difficulté du programme. « Le monde arabe est statique. Les choses ne changent pas rapidement, voire restent immuables, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression et les libertés individuelles. Il faut donc toujours trouver un nouvel angle et un nouveau cadre au sujet », ajoute-t-elle.
Nada Abdelsamad, qui a notamment à son actif un livret et un documentaire sur les juifs du Liban, qui a travaillé à la radio et à la télévision, occupant durant de longues années la direction du bureau de la BBC arabe à Beyrouth, a décidé avec le programme Dunyana de travailler l'actualité différemment.
La journaliste, qui a couvert des guerres au Liban et ailleurs, avoue que le terrain ne lui a pas manqué au cours de ces deux dernières années. « Peut-être parce que je suis une journaliste libanaise et que j'ai couvert la guerre dans mon propre pays. La guerre a pris beaucoup de notre énergie et pas seulement de notre temps passé au travail. Et puis peut-être aussi parce que les choses sont différentes actuellement, parce que le terrain est différent. Il y a quelques jours, je regardais un collègue à la télévision. Il portait casque et gilet pare-balles. Il se cachait des tirs derrière un rocher et il passait en direct à la télévision. J'ai eu envie de lui dire "rentre chez toi". Ça ne vaut pas le coup de risquer sa vie pour ça, pour être au milieu d'un champ de bataille dans une guerre interminable au Yémen. Tu n'es pas en train de couvrir un événement qui changera le cours de l'histoire, tu es en train de risquer ta peau pour rien. Il n'y a même pas une histoire à raconter. Tu es sur un front pris entre les belligérants », dit-elle.
Mais Nada Abdelsamad, journaliste chevronnée, avoue aussi qu'elle n'a jamais arrêté d'aimer le métier qu'elle fait.

 

 

Depuis juin 2014, un talk-show animé par la journaliste Nada Abdelsamad sur la BBC arabe fait un tabac dans la région. Dunyana (Notre monde) est un programme sur l'actualité et des dossiers qui touchent au cœur du monde arabe. Rien de particulier, dira-t-on, sauf que ce sont des femmes arabes qui les commentent.« Ce n'est pas un programme de femmes pour les femmes, mais un talk-show qui...

commentaires (1)

Chapeau !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

10 h 53, le 12 février 2016

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Chapeau !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 53, le 12 février 2016

Retour en haut