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Moyen Orient et Monde - Migrants

Pour des chrétiens d’Iran, c’est la côte belge plutôt que la jungle de Calais...

« Le message de la Belgique c'est : Chez nous, on ne se laisse pas faire », martèle le bourgmestre (maire) de Bruges, interrogé par « L'Orient-Le Jour ».

Des Iraniens s’initiant à la pétanque avec leurs nouveaux voisins. Photos W. F.

« Vous voyez le plastique bleu là-bas ? » demande Khair en pointant du doigt une bâche posée sur le mur de l'église. « C'est là que je vis », dit-il.
Avec une vingtaine d'hommes âgés entre 13 et 32 ans, qui se présentent comme des chrétiens iraniens, le jeune homme de 21 ans a élu domicile depuis plusieurs semaines au pied d'une petite église blanche de la ville portuaire de Zeebruges, en Belgique. Des dizaines d'autres ont trouvé refuge dans les dunes environnantes. Tout comme ses compagnons, Khair, originaire de Chiraz, au sud-ouest de l'Iran, n'a qu'un objectif : rejoindre la Grande-Bretagne illégalement. « Mon cousin et moi sommes arrivés en même temps, il y a deux mois. On a tenté la traversée vers le Royaume-Uni ensemble. Moi j'ai été attrapé par la police, lui a réussi du premier coup », explique-t-il. Arrivé en camion à Bruxelles après un voyage de 20 jours, il dit avoir tenté la traversée de la Manche « plus de quinze fois ».

« À Calais et Dunkerque, il faut payer la mafia pour pouvoir traverser. Ici, on peut passer gratuitement », affirme pour sa part Bahnam, 27 ans, le visage emmitouflé dans une écharpe grise pour se protéger de la pluie. La traversée, il dit l'avoir tentée plus de dix fois. « C'est très dangereux », prévient-il, prenant en exemple le cas de son ami Mohammad, le bras en écharpe depuis qu'il est tombé en escaladant une clôture. Un autre de ses compagnons tend alors les mains, mettant en évidence les cicatrices qu'il a accumulées à cause des barbelés qui barrent la route.
« C'est très difficile pour les réfugiés d'accéder aux bateaux ou même aux voitures et aux camions. Toute la zone est sécurisée. La police et la douane se sont préparées à leur arrivée », affirme Sabir, un employé du port de Zeebruges, l'un des plus importants d'Europe.

 

(Lire aussi : Les enfants, victimes souvent oubliées de la crise des migrants)

 

« Ne nourrissez pas les réfugiés »
Début février, le gouverneur de Flandre occidentale, Carl Decaluwé, avait choqué citoyens et politiques en déconseillant à la population d'aider ces migrants. « Ne nourrissez pas les réfugiés, sinon d'autres viendront », avait-il déclaré sur les ondes d'une radio locale, alors que la région est confrontée à une présence de plus en plus importante de migrants.
« Je pense qu'il a mal choisi ses mots, ces gens restent des humains », estime le bourgmestre (maire) de Bruges, Renaat Landuyt, interrogé par L'Orient-Le Jour. « Mais il faut savoir que ces jeunes ont de l'argent avec eux. Ils ne sont pas dans la misère. Nous faisons tout pour éviter de devenir un Calais bis », assène-t-il, alors qu'outre-Quiévrain des bulldozers ont récemment rasé une partie de la jungle calaisienne. « Le message de la Belgique c'est : Chez nous, on ne se laisse pas faire », conclut le bourgmestre, qui dit encourager les illégaux à régulariser leur situation en faisant une demande d'asile et ainsi être accueillis dans un centre.
La plupart ont un chiffre inscrit au feutre noir sur le dos de la main, preuve qu'ils ont déjà été contrôlés par la police. Certains ont même reçu un « ordre de quitter le territoire » rédigé en néerlandais.
Dans le voisinage, la présence du groupe d'Iraniens suscite parfois des craintes. « Il y a beaucoup de femmes seules ici, donc ça fait un tout petit peu peur », avoue Regina Casteleyn, qui habite la région depuis 12 ans. « Maintenant on se promène sans sac à main. Je ne dis pas qu'ils volent, mais on est prudent », rajoute-t-elle, relevant que « ce ne sont pas des Syriens, mais des migrants économiques », et que cela ne peut pas durer...

(Lire aussi : « Il ne faut pas nourrir les réfugiés »)

 

« Les ayatollahs voulaient me... »
Téléphone portable à la main, Gheytas appuie sur la sonnette de l'une des petites maisons mitoyennes qui font face à l'église. Derrière la porte, Myriam, une infirmière de 52 ans, qui, avec son mari Ronny, a pris la décision d'aider ces migrants, malgré les réticences des autorités. Gheytas, venu ce jour-là pour recharger son smartphone, repartira avec une nouvelle veste et une paire de gants.
- « I love you Madam! » s'exclame le jeune homme en enfilant l'épaisse veste rouge que Myriam vient de lui offrir.
- « Mon mari ne sera pas content d'entendre ça », sourit-elle.
Avec le soutien d'une poignée de bénévoles, Myriam et Ronny leur servent à manger deux fois par jour depuis près d'un mois. Tartines, fruits et thé le matin ; un plat chaud le soir. De quoi les armer contre les journées grises et les nuits hivernales.
« Je dois les aider, c'est mon cœur qui me l'ordonne », affirme celle que les migrants appellent « madame » ou « maman ».
Pour justifier leur venue, certains évoquent la peur d'être persécutés en Iran à cause de leur religion. Nés musulmans, la plupart ont choisi de se convertir au christianisme il y a deux ou trois ans. « Les ayatollahs voulaient me... » explique Bahnam en passant un doigt sous sa gorge d'un geste sans équivoque.

92 personnes en prison en Iran
Selon un rapport du rapporteur spécial de l'Onu Ahmad Chaheed sur la situation des droits de l'homme en Iran, publié en mars 2015, au moins 92 chrétiens seraient toujours en détention en raison de leur foi. La bibliothèque du Congrès américain précise que si la loi iranienne ne prévoit pas la peine de mort pour apostasie (l'abandon volontaire et public d'une religion), les tribunaux peuvent appliquer cette punition – et l'ont déjà fait – en fonction de leur interprétation de la charia et des fatwas.
En ce qui concerne les quelques dizaines d'Iraniens qui ont trouvé refuge sur la côte belge, impossible de savoir si les craintes qu'ils évoquent sont fondées ou s'il s'agit d'une excuse pour immigrer. En guise de bonne foi, l'un d'eux sort de sa veste la Bible en farsi qu'il a emmenée avec lui.
« J'ai entendu dire que c'était des chrétiens. Mais ce n'est pas la question », affirme Raoul Delaere, un voisin qui vient régulièrement jouer avec eux sur le terrain de pétanque qui fait face à l'église. « S'ils étaient musulmans, ce serait la même chose, on doit les aider », insiste l'homme de 81 ans.

 

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