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Liban - La vie, mode d’emploi

1- Le salut par l’événementiel

Depuis le début de son histoire, l'homme connaissait l'événement ; à présent, il lui faut se familiariser avec l'événementiel. De l'événement, les grands esprits nous avaient appris qu'il était imprévisible, qu'il nous tombait dessus, qu'il excédait toutes nos capacités à le cerner, qu'il était le clin d'œil de la passante baudelairienne, la foudre de l'amour et même l'avènement du Christ ; que nous passerions nos années à le découvrir, à l'explorer, à le déchiffrer, à le raconter, bref, à en vivre. Tout cela a été déclaré forfait depuis qu'a surgi de l'esprit mercantile, qui fait de tout son bien, ce qu'il appelle l'événementiel. Rien de plus prévisible, de plus calculé, de plus maîtrisé, de mieux quadrillé (au millimètre près), donc de moins passant et de moins foudroyant ! Vous avez tout juste le droit de protester si on a escamoté telle animation (pour des raisons de sordide avarice, chuchotent les mauvaises langues) prévue dans un programme devenu universel. Plus de palpitations avant, pendant et après vos fêtes et vos banquets. Votre pouls aura la régularité d'un métronome parce qu'on vous le garantit : tout se déroulera comme sur des roulettes. L'un saluera, l'autre discourra ; on recommencera si nécessaire le baiser passionné pour la postérité et pour satisfaire les exigences artistiques du photographe ; untel ouvrira la danse, untel la refermera et tout le monde se déhanchera sous la houlette du maître de cérémonies et de l'homme providentiel : le DJ aux émoluments de PDG. La nappe aura la couleur des lampions et le serveur, sur sa jaquette, le motif dessiné sur le coin de votre serviette. Des vases crouleront sous les fleurs et la boisson coulera à flots. On connaît la chanson ! Il suffit de se laisser porter, glisser sur ses roulettes. Vous arriverez à la fin de la soirée, comme on atterrit en douceur après avoir coché toutes les cases de votre satisfaction : hôtesses impeccables, repas impeccable, acoustique impeccable, etc. Et tant d'impeccabilité vous donnera des ailes dans le dos. Vous voilà bien délivré de la pauvre misère humaine : ses erreurs, ses ratés, ses maladresses, ses bafouillages, ses émois, ses chutes, ses reculades, ses relèvements, ses tons trop hauts, trop bas, trop peu audibles, trop stridents ; la chair et le sang de nos histoires, la grande surprise de l'événement, les rires sans fin dans nos mémoires, toute cette volonté humaine de bien faire et la malignité soudaine des choses et du temps ; tout ce qu'on aime vraiment, humblement ;
tout ce à quoi on aspire obscurément, obstinément, désespérément. Ô qu'on nous sauve de l'événementiel et qu'advienne l'événement !

Depuis le début de son histoire, l'homme connaissait l'événement ; à présent, il lui faut se familiariser avec l'événementiel. De l'événement, les grands esprits nous avaient appris qu'il était imprévisible, qu'il nous tombait dessus, qu'il excédait toutes nos capacités à le cerner, qu'il était le clin d'œil de la passante baudelairienne, la foudre de l'amour et même l'avènement...
commentaires (1)

Excellent article qui en faisant la comparaison entre l'événement et l'événementiel ,remet les choses dans leur cadre d'origine et nous redonne à travers les différences et les définitions, les repères que nous avons hélas perdus. en effet ,notre course frénétique à la sur médiatisation et la sur consommation nous expose et nous empêche d'intérioriser, de réfléchir et d'approfondir .En couvrant(et en envahissant) la surface nous maltraitons le fond. Merci madame Hatem pour votre clairvoyance et la simplicité pertinente et honnête de votre approche.

Bahjat RIZK

13 h 11, le 03 février 2016

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Commentaires (1)

  • Excellent article qui en faisant la comparaison entre l'événement et l'événementiel ,remet les choses dans leur cadre d'origine et nous redonne à travers les différences et les définitions, les repères que nous avons hélas perdus. en effet ,notre course frénétique à la sur médiatisation et la sur consommation nous expose et nous empêche d'intérioriser, de réfléchir et d'approfondir .En couvrant(et en envahissant) la surface nous maltraitons le fond. Merci madame Hatem pour votre clairvoyance et la simplicité pertinente et honnête de votre approche.

    Bahjat RIZK

    13 h 11, le 03 février 2016

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