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Amis-amis

Bonne pour la détente internationale, et encore meilleure pour les affaires était la tournée européenne du président iranien Hassan Rohani. Pour ménager la pudibonderie de l'hôte iranien porteur d'un chéquier bien garni, les Italiens auront péché par excès de zèle en envoyant se rhabiller la statue de Vénus; de manière plus élégante, les Français s'en sont tirés, pour leur part, en offrant à l'illustre visiteur des collations qui ne souffraient d'autre boisson en accompagnement que du thé et du jus de fruits.

Oui, les chefs d'entreprise qui ont engrangé pour des dizaines de milliards des commandes ne doivent pas être les seuls à se féliciter de ce périple qui a permis à une République islamique enfin exemptée des sanctions qui la frappaient de vaquer à son shopping. Car un Iran aspirant à redevenir fréquentable après avoir traîné, des décennies durant, une bien mauvaise réputation, doit absolument être encouragé dans cette voie. Mais cet Iran-là, celui d'une population jeune avide d'ouverture sur le monde, n'est pas hélas le seul Iran. Pour réformateur – et même un tantinet libéral – que puisse être le président de la République islamique, il a affaire à dure partie avec la hiérarchie religieuse dure, les gardiens de la révolution et les tontons-macoutes du régime acharnés à réprimer durement toute velléité de contestation.

Pour cette raison, l'optimisme des Occidentaux quant à un Iran new-look ne doit pas tourner à l'angélisme. En profond désaccord sur le dossier syrien, la France et l'Iran coopéreront néanmoins face au terrorisme de Daech. Ils échangeront des informations ; et ils œuvreront en commun (ne souriez pas) à sauver les patrimoines culturels et autres trésors archéologiques menacés par les vandales. On aura souri en revanche en voyant le président Rohani fulminer contre le fanatisme religieux, alors que sa théocratie de République, championne en matière de torture et d'exécutions capitales, n'a pas fini d'exporter sa révolution – et ses pasdaran avec – aux quatre coins du Proche et du Moyen-Orient : entre autres dans ce pays cher au cœur de la France qu'est le Liban.

Le président François Hollande ne s'y est pas trompé d'ailleurs, clamant devant son hôte son attachement aux droits de l'homme. Mais surtout, on saura gré au maître de l'Élysée d'avoir insisté sur la nécessité d'épargner au Liban les retombées de la guerre de Syrie et de mettre fin à la vacance présidentielle dont il pâtit depuis de longs mois : occasion idéale, n'est-ce pas, pour l'Iran de Rohani, qui se dit lui aussi ami du Liban, de nous en asséner, une bonne fois, la preuve concrète.

En fait de commencement de preuve, on était en droit d'attendre mieux, tout de même, que le vibrant plaidoyer pour l'Iran auquel s'est livré hier soir, en préambule de sa déclaration télévisée, Hassan Nasrallah. Ce pays est un modèle de démocratie, du moment que les élections y sont bien plus fréquentes qu'ailleurs, a-t-il affirmé, oubliant apparemment avec quelle férocité sont rejetés les actes de candidature des réformistes. Quant au reste, c'est-à-dire l'élection présidentielle, il n'aura fait que noyer sous un flot de rhétorique l'évidente, la persistante volonté de la milice de prolonger l'attente. Bon prince, Nasrallah renonce au panier de revendications qu'il brandissait comme condition nécessaire à tout scrutin, mais c'est tout comme. Car s'il soutient avec plus de clarté et de vigueur que jamais la candidature du général Michel Aoun, il n'envisage de scrutin à l'Assemblée que si ce dernier est assuré d'être élu. Les démocrates d'Iran n'auraient pas fait mieux...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Bonne pour la détente internationale, et encore meilleure pour les affaires était la tournée européenne du président iranien Hassan Rohani. Pour ménager la pudibonderie de l'hôte iranien porteur d'un chéquier bien garni, les Italiens auront péché par excès de zèle en envoyant se rhabiller la statue de Vénus; de manière plus élégante, les Français s'en sont tirés, pour...