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Moyen Orient et Monde - Décryptage

À Alep, les limites d’une offensive urbaine de longue durée

La consolidation des avancées du régime dans cette province lui offrirait une double victoire symbolique et stratégique.

Des combattants prorégime prenant position dans le village de Multafata le 15 janvier au nord d’Alep. George Ourfalian/AFP

L'armée syrienne et ses alliés, qui poursuivaient leur lente progression à l'ouest d'Alep, ont été hier freinés dans la région de Rachidin par les mauvaises conditions météorologiques. La veille, les forces prorégime auraient repris, avec l'appui des frappes aériennes russes, le contrôle de la ville d'al-Bab, à 30 km au sud de la frontière turque, tenue par le groupe État islamique (EI) depuis 2013.

Les offensives militaires d'ampleur avaient débuté le 3 décembre 2015 dans les provinces de Damas, Quneitra, Alep, Homs et Lattaquié. Mais sur le terrain, dans la province d'Alep, les évolutions sont intervenues par touches successives ; la prise de contrôle de la base aérienne de Kweires, assiégée depuis deux ans et demi par l'EI, avait été le point de départ des opérations militaires d'envergure dirigées contre l'EI à l'est d'Alep. Après avoir conquis Najara, Abou Jebara et Aïn Baidha, les forces loyalistes ont avancé vers al-Bab, à l'entrée d'Alep. Si cette série de victoires, inscrite dans une logique graduelle d'affaiblissement de l'EI et des groupes jihadistes, témoigne du renforcement des capacités offensives des forces du régime depuis l'intervention russe, elle n'a pas pour autant encore transformé substantiellement le rapport de forces sur le terrain.


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Les forces du régime ont pu surmonter en grande partie le manque de moyens techniques et accentuer la pression dans l'est d'Alep, mais la configuration de cette bataille d'Alep reste celle d'une offensive urbaine de longue durée. Le rythme de progression des forces du régime et de leurs alliés est régulier mais lent, tributaire des conditions météorologiques, des capacités défensives des combattants de l'EI à l'Est, et des groupes armés d'obédience saoudienne et directement affiliés à el-Qaëda à l'Ouest, sans oublier les différentes milices locales parties de l'ASL, et ce tant qu'une zone élargie de sécurité impliquant de couper les voies de ravitaillement n'est pas consolidée.

Or seule une reprise totale de la province d'Alep permettrait aux forces du régime de fermer l'ensemble des lignes de ravitaillement reliant la ville à la frontière turque. Ce scénario se heurte à une double difficulté : d'une part, l'aide aux différents groupes armés à l'Ouest pourrait se renforcer à mesure que le régime engrange des succès dans cette province. Il faudrait peut-être alors miser sur un engagement russe supplémentaire par l'envoi de divisions au sol, ou opter pour le ralliement des forces kurdes, en échange d'une reconnaissance de leur projet autonomiste dans le nord de la Syrie, concession que le régime syrien ne semble pas prêt à envisager. Par ailleurs, pour parvenir à prendre le contrôle définitif de la province d'Alep, les forces progouvernementales devraient contrôler l'ensemble des zones rurales où le rapport démographique ne joue pas en leur faveur. D'un autre côté, les forces qui combattent le régime restent divisées, et à défaut d'une coordination tactique, cette situation pourrait conforter leur fragilité.


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Ainsi, si les évolutions de la bataille d'Alep restent difficilement saisissables, il n'en demeure pas moins que la consolidation des avancées du régime dans la province lui offrirait une double victoire symbolique et stratégique. Sur le plan symbolique, Alep a toujours revêtu une profondeur stratégique pour les Turcs et incarné une pièce maîtresse de leur dispositif stratégique dans la perspective d'une partition territoriale de la Syrie. Par ailleurs, en reprenant du terrain face au groupe EI, les forces du régime et leurs alliés vont renforcer leur crédibilité en montrant qu'ils sont la seule force, avec les Kurdes, capable de combattre efficacement ce groupe. En outre, Alep et la capitale syrienne rassemblant la moitié de la population syrienne, la bataille d'Alep a dès le départ fait partie des priorités stratégiques du régime, et pourrait constituer le front décisif qui lui garantira sa position de force sur le plan politique. Tout changement de rapport de forces sur le terrain, à Alep, renforcerait inéluctablement la position du régime et de ses alliés au moment des discussions, fragilisant davantage la position de la Turquie et de l'Arabie saoudite, soucieuses d'empêcher un deal entre Russes et Américains.

 

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