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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

La phase phallique chez la fille, la sexualité féminine et la Jouissance Autre

La dernière fois, nous avons vu comment la petite fille s'en sortait de l'angoisse de castration. Contrairement au garçon qui refoule totalement ses désirs œdipiens pour échapper à la castration, la fille, « châtrée » au départ, rêve d'avoir un enfant de son père pour réparer l'absence de pénis, qu'elle considère comme infirmité. Jusqu'à la puberté puis l'adolescence, la fille nourrit cet espoir. De ce fait, une part du désir incestueux pour son père ne sera pas refoulée. Ce qui fera dire à Lacan : « La femme n'est pas toute soumise à la fonction phallique .» Dans la terminologie lacanienne, la fonction phallique est ce qui opère le refoulement des désirs œdipiens. Cette particularité féminine d'avoir une partie de son désir incestueux qui échappe au refoulement, partie qui reste donc consciente, donne à la sexualité de la femme une spécificité qui la distingue nettement de la sexualité de l'homme.
En nommant Encore (1972-1973) son séminaire sur la Jouissance féminine, Lacan montrait bien qu'elle était sans limites, incommensurable, innommable.
Devant cette Jouissance Autre dont il perçoit le potentiel chez sa partenaire, l'homme a peur et se précipite dans une éjaculation précoce, « un bref éternuement de rein ». Là où la femme dit « encore », l'homme dit « ça suffit ». D'où les grandes difficultés sexuelles du couple, celles qui l'amènent à consulter : éjaculation précoce et impuissance chez l'homme, mais aussi vaginisme, douleur à la pénétration et frigidité chez la femme. Oui, car la femme aussi a peur de cette Jouissance Autre qui lui donne accès aux extrêmes, au divin mais aussi à la folie, à la mort où elle peut se perdre.
En publiant son séminaire Encore en 1975, Lacan choisit pour la première de couverture la sculpture de Bernini où l'on voit sainte Thérèse en extase mystique. « Elle jouit sainte Thérèse... et comme tous les mystiques, ils l'éprouvent cette jouissance mais n'en savent rien. » Lacan ajoute alors une idée radicalement subversive : « Pourquoi ne pas interpréter une face de l'Autre, la face Dieu, comme supportée par la Jouissance féminine ? »
Refusant de ramener la jouissance mystique à une question de « foutre » comme cela a pu être suggéré avec les hystériques hypnotisées et cambrées sur les bras de Charcot, Lacan va plus loin que Freud. L'expression du visage des hystériques de Charcot rappelle le visage de sainte Thérèse dans la sculpture de Bernini, un visage en extase. Mais cette jouissance féminine fait peur. Elle met en danger la fonction phallique, tant au niveau du couple que sur le plan social.
D'une époque à l'autre, cet ordre social se ligue contre la sexualité féminine et la persécute. Les hystériques, qui ont toujours incarné cette féminité débridée, subiront la chasse aux sorcières pendant le Moyen Âge. L'Église et son Inquisition feront brûler sur le bûcher environ 50 000 soi-disant sorcières. Aujourd'hui, c'est la médecine qui, sans le savoir, stigmatise ces mêmes hystériques.
Ainsi, à force de lui dire qu'elle n'a rien parce que les examens complémentaires ne montraient rien, aucune lésion, l'hystérique ira de médecin en médecin, allant de plus en plus mal, jusqu'à en arriver aux chirurgiens dont certains finiront par l'opérer. « Les balafrées de l'abdomen », surnom clinique donné aux hystériques qui portent les cicatrices de ces interventions, témoignent du malentendu total entre l'Ordre médical et l'hystérie.
L'hystérique ne connaît pas cette Jouissance Autre mais elle la devine et la cherche de toutes ses forces. Ainsi, aux bras de Charcot, son corps se cambre pour mimer la Jouissance Autre. Et parce que l'Ordre social privilégie le masculin, elle veut être à la fois homme et femme. Quant à sa maternité, en attendant de trouver l'homme qui lui fera oublier son père, l'enfant qu'elle désire reste frappé du sceau de l'inceste. Et donc objet d'une forte ambivalence. Ce que l'Ordre social ne tolère pas. Comme le dit si joliment François Perrier, l'un des trois principaux élèves de Lacan, l'hystérie est combattue parce qu'elle « incarne une impudique image de la mauvaise mère et, tout autant, un ambigu désordre d'une chair androgyne ». Soit sa façon d'appeler à la jouissance féminine.
Ses fantasmes infanticides et le fait que ses symptômes disparaissent dès qu'elle accouche de son premier enfant, réalité clinique observée depuis au moins 200 ans, donnent raison à Lacan : « Les enfants sont le bouchon de la jouissance féminine. » Ce qui veut dire que la femme peut méconnaître cette Jouissance Autre, grâce à ses enfants. Grâce à la maternité, elle peut dire non à cette jouissance féminine dans laquelle elle peut se perdre. Choisir sa maternité contre sa féminité permet à la femme d'être en harmonie avec l'Ordre social. De même, être mère écarte le spectre d'une bisexualité qui lui permettait d'être à la fois homme et femme, image particulièrement difficile à supporter pour l'Ordre social.

La dernière fois, nous avons vu comment la petite fille s'en sortait de l'angoisse de castration. Contrairement au garçon qui refoule totalement ses désirs œdipiens pour échapper à la castration, la fille, « châtrée » au départ, rêve d'avoir un enfant de son père pour réparer l'absence de pénis, qu'elle considère comme infirmité. Jusqu'à la puberté puis l'adolescence, la...
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