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Moyen Orient et Monde - Éclairage

De la difficulté d’unifier les oppositions syriennes

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir. L’Arabie saoudite organise à partir d’aujourd’hui une conférence qui tente de réunir le plus grand nombre d’opposants syriens au régime de Bachar el-Assad. Faisal al-Nasser/Reuters

Quelle opposition syrienne? Ou plutôt quelles oppositions syriennes ? Alors que certains pays mettent en doute l'existence même d'une opposition, d'autres critiquent sa légitimité, son manque de programme ou tout simplement sa désunion.

 

Après plusieurs tentatives visant à réunir les différents pôles de l'opposition syrienne, notamment par la Turquie et l'Égypte, l'Arabie saoudite reprend le pari en organisant aujourd'hui une large rencontre à Riyad qui rassemble plusieurs mouvements, mais pas les Kurdes et les groupes qualifiés de « terroristes », comme le Front al-Nosra et l'organisation État islamique.


« Contrairement aux États-Unis, et même à la France, qui commencent à se résigner à l'acceptation d'un statu quo, les Saoudiens sont demeurés sur une ligne assez intransigeante et restent déterminés à vaincre Assad en Syrie. Après que la Turquie et le Qatar eurent été en pointe durant les deux premières années de la guerre en Syrie, les Saoudiens ont repris la main depuis la création du Front islamique (alliance de groupes rebelles formée fin 2013), et se posent aujourd'hui en parrains de l'opposition armée au régime syrien », souligne Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l'Iris, spécialiste du Moyen-Orient.
Selon lui, si les Saoudiens « ne sont pas forcément hostiles à une solution négociée, ils souhaitent pouvoir aborder la transition en position de force, après avoir mis un peu d'ordre en tentant d'unifier les différentes mouvances auxquelles ils ont apporté un soutien politique, financier et logistique ces dernières années ». L'idée de la conférence serait « de parvenir à une délégation unifiée pour être en ordre de marche lors des négociations prévues début 2016 », ajoute M. Bitar.
En effet, depuis le début de la révolte syrienne en 2011 et sa transformation en une guerre civile, l'émergence d'une opposition syrienne apte à remplacer le régime de Bachar peine à prendre forme.

 

(Lire aussi : Les Kurdes syriens organisent une réunion d’opposants parallèle à celle de Riyad)

 

Quatre problèmes
Pour Ziad Majed, politologue spécialiste de la Syrie, « il y a essentiellement quatre problèmes majeurs concernant l'opposition syrienne ». D'abord, explique-t-il, le lourd problème du passé pèse énormément sur l'opposition. « Le champ politique syrien est en ruine depuis des années. Il n'y a jamais eu une véritable opposition face au régime des Assad. » Et l'émergence d'une opposition avec le début de la révolte en Syrie « n'a pas permis à une nouvelle élite politique de s'imposer et d'avoir une légitimité nationale ».
Le deuxième problème est le fait que « l'opposition syrienne a été rattrapée par des enjeux régionaux, notamment ceux des trois pôles (Turquie, Qatar, Arabie saoudite) qui ont essayé d'influer sur la scène syrienne ». Quand les parrains étaient sur la même longueur d'onde, l'opposition en a bénéficié, quand les intérêts des trois ont divergé, l'opposition en a pâti.
Un troisième problème est né « après la militarisation du conflit, rendant difficile toute coordination entre ceux qui négociaient à l'extérieur et les forces combattantes sur le terrain qui recevaient ou acquéraient parfois des armes sans passer par les instances politiques », ajoute Ziad Majed.


Le quatrième problème qui désavantage « les oppositions syriennes » est « leur background idéologique entre les libéraux, la gauche, les islamistes (Frères musulmans) et les salafistes (Ahrar al-Cham) ». On ne peut pas toutefois parler « d'absence de projet, puisqu'il y a tout de même des idées en commun, comme la fin de la dictature, d'une transition démocratique, de réconciliation, de reconstruction... », précise-t-il.
À cela, il faut ajouter, rappelle le politologue, le travail fait par plusieurs acteurs pour diviser l'opposition. En outre, les alliés du régime tentent de décrédibiliser les rebelles, en les taxant de « terroristes », effaçant complètement le poids d'une opposition « modérée », qu'il reste à définir.

 

(Pour mémoire : L’opposition syrienne sert-elle encore à quelque chose ?)

 

Question de légitimité
Mais « toutes ces raisons ne déresponsabilisent pas les oppositions syriennes », précise M. Majed qui estime que les Occidentaux d'une part et les pays qui ne veulent pas un changement du régime utilisent cette défaillance pour se demander qui va prendre la relève si Bachar s'en va. « C'est une fausse question. Parce que ceux qui la posent n'ont jamais voulu croire qu'il y a une opposition et n'ont rien fait pour que cette opposition soit capable d'être une alternative au régime syrien », affirme-t-il. « Le fait de demander une vraie alternative avec une opposition légitime dès le début ne veut rien dire. Dans le cas syrien, il s'agit d'abord d'organiser une période de transition », explique-t-il.
Face à l'opposition de l'extérieur, des milliers de rebelles mènent le combat contre le régime de Bachar el-Assad à l'intérieur. Leur rôle est le plus souvent minimisé, voire complètement occulté.
« Avec les dernières frappes russes, il s'est révélé que l'ASL (Armée syrienne libre) est présente d'une manière impressionnante sur le terrain : le front du Sud, le rif de Homs avec Kataëb el-Eezzeh affiliée à l'ASL (qui ont été les premiers à être bombardés par les Russes), Foursan al-Haq, Oussoud al-Ghab, Liwa' 111, Firqa 13... Les membres de ces groupes sont les habitants des villes et des villages où ils combattent. Ils coopèrent parfois avec le Front al-Nosra et Ahrar al-Cham dans les grandes offensives, mais ils sont toujours sous la bannière de l'ASL. Et maintenant qu'ils ont reçu des missiles antichars Tow, on voit leur efficacité sur le terrain », explique M. Majed. Selon lui, les Russes les bombardent en espérant les détruire pour dire qu'il n'y a que Daech et Assad.

 

(Pour mémoire : L'opposition syrienne dit "ne plus rien comprendre" à la politique russe en Syrie)

 

Difficultés difficiles à surmonter
En tout état de cause, il ne faut en aucun cas sous-estimer le poids des combattants armés sur le terrain. Car tout éventuel accord sur un gouvernement de transition doit prendre en compte la réalité sur le terrain et doit nécessairement inclure les factions combattantes. « D'où la difficulté de la transition » dans toute discussion sur l'avenir de la Syrie, précise Ziad Majed.
Un sentiment partagé par Karim Bitar concernant les discussions qui auront lieu dans les deux prochains jours en Arabie saoudite. Selon lui, « l'absence des Kurdes pourrait être problématique, ainsi que la persistance de querelles politiques et idéologiques profondes au sein de l'opposition syrienne, querelles qui pourront difficilement être surmontées même si les Saoudiens mettent, comme ils savent le faire, beaucoup de moyens et beaucoup d'huile dans les rouages ».
Faute de pouvoir unifier les rangs de l'opposition, « les Saoudiens essaieront au moins de polir l'image des mouvances les plus radicales et de les présenter au monde comme étant relativement sous contrôle et partie prenante d'un mouvement plus large », conclut-il.

 

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Radioscopie

Syrie : qui combat qui, et où

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commentaires (5)

dommage Mr hariri que votre jeu politique n'est pas marcher !! Car ils ont flairer le piège ...

Bery tus

13 h 46, le 09 décembre 2015

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Commentaires (5)

  • dommage Mr hariri que votre jeu politique n'est pas marcher !! Car ils ont flairer le piège ...

    Bery tus

    13 h 46, le 09 décembre 2015

  • Si les bensaouds n'ont pas hésité à vendre leur candidat chrétien au Liban, comment se peut il que des abrutis se mettent à rire à l'avance de ce qui va arriver à ces opposants syriens qui ne sont déjà pas au complet. Les kurdes ont été exclus.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 49, le 09 décembre 2015

  • C'est autour de la maintenance de l'Etat que devrait se construire les accords entre les katibas et les groupes et non autour du plus grand commun diviseur....puisse Ziad Majed y réfléchir.

    Beauchard Jacques

    11 h 04, le 09 décembre 2015

  • On va assister en direct au lâchage bensaoud des opposant qu'il a fabriqué. A en pleurer de rage de trahison.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 52, le 09 décembre 2015

  • LE RÉGIME A TRAVAILLÉ DEPUIS LE PREMIER MOMENT DE LA REBELLION PACIFIQUE DU PEUPLE SYRIEN À LE DIVISER ET À LE FANATISER... PAR LES MASSACRES CONSÉCUTIFS... POUR L'OBLIGER À PRENDRE LES ARMES ET SE DÉFENDRE ET POUR LUI COLLER LE LABEL NOIR DU TERRORISME... AVEC UN PEU DE PATIENCE ON ARRIVERAIT À UNIR TOUTES LES FACTIONS DE CE PEUPLE QUI VEUT SE DÉBARRASSER DE LA DICTATURE QUI PÈSE SUR SES ÉPAULES DEPUIS PLUS DE SEPT DÉCENNIES... KURDES ET "NOSRA REPENTIE" INCLUS... LA VICTOIRE DU PEUPLE SYRIEN EST INDISCUTABLE PAR LE CHANGEMENT QUI SERA FAIT ET QU'IL RÉCLAMAIT PACIFIQUEMENT ET RÉCLAME TOUJOURS... ET RIRONT TOUJOURS BIEN ET FORT QUI RIRONT LES DERNIERS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 07, le 09 décembre 2015

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