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Liban - Tribune

Droit et politique : l’intervention russe en Syrie

Avec une Russie bien équipée au double niveau dogmatique et militaire, la carte de Yalta risque impérativement de subir une certaine révision aussi fondamentale que formelle. L'on se trouve ainsi sous l'égide d'une nouvelle ère qui se concrétise par une réaction russe « naturelle » envers sa marginalisation en Libye, d'une part, et ses ambitions « naturelles » de s'octroyer une « fenêtre » sur la Méditerranée, d'autre part, d'autant que les opposants syriens étaient arrivés à des dizaines de kilomètres de Lattaquié.
Cependant, il faut bien observer à ce stade que l'intervention russe s'accorde bien avec les raids américains (sans résultats quelconques sur la géophysique de Daech depuis des mois) et avec la politique américaine bien connue de ne pas évincer Assad tant que tout le programme établi n'est pas complètement achevé, étape par étape, suite aux développements en Irak où une certaine fédération de fait et de droit a vu le jour.
En fait, le droit international n'a pu dire son mot jusqu'à ce jour que sur le plan humanitaire et envers les refugiés en particulier. Depuis le début du conflit syrien en 2011, le Conseil de sécurité s'avérait incapable de prendre la moindre décision sur ce sujet, à l'exception de la résolution 2118 qui constitue une résolution-cadre dans cette crise. En effet, cette résolution, portant sur le démantèlement de l'armement chimique du régime syrien, constitue une première à ce niveau depuis le déclenchement de la crise sanglante en 2011.
Cette « nouveauté » reste timide, profondément et pratiquement incomplète. Si l'utilisation des armes chimiques ayant coûté la vie à des centaines de milliers de personnes est condamnée par le droit international et ses instances, cela n'explique pas l'inertie du Conseil de sécurité envers des centaines de milliers de victimes ciblées par des armes conventionnelles, traditionnelles ou diverses. On peut constater d'emblée que cette résolution vient concrétiser l'accord conclu entre la Russie et les États-Unis à Genève.
Et le plus choquant reste l'absence d'un plan d'assistance aux réfugiés syriens à l'intérieur même de la Syrie ainsi que dans les pays limitrophes, notamment au Liban, confronté à un afflux qui dépasse ses capacités, ses ressources et son infrastructure. S'ajoute à cela l'absence d'un plan d'aide humanitaire effective.
Un État aussi puissant soit-il a-t-il le droit d'intervenir militairement à la demande d'un régime en conflit avec ses opposants ?
La réponse est affirmative vu que ce régime est toujours reconnu comme représentant de l'État syrien. Cependant la Charte des Nations unies, dans son article 2 par. 4, stipule que les membres de l'organisation doivent s'abstenir « dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations unies ».
Et l'article 42 de la même Charte vient indiquer que si les mesures ou décisions non coercitives n'ont pas pu résoudre le problème, le Conseil de sécurité « peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ». Cette possibilité, qui faisait toujours défaut à cause du veto russe, s'est trouvée substituée par un « forcing » russe de premier ordre, et avec un accord « tacite » des États-Unis qui avaient les possibilités juridiques et matérielles de dépasser le veto russe par une résolution de l'Assemblée générale, à l'instar de la résolution 377, employée suite à la crise en Corée, la crise de Suez, la guerre des Six-Jours, et dans l'invasion de l'Afghanistan. Cela avait alors révélé la volonté de l'Assemblée générale de réaliser le but premier des Nations unies : « Écarter les menaces à la paix et [...] réprimer tout acte d'agression ou autres ruptures de la paix. » « La résolution 377 apparaît donc comme un outil juridique pertinent pour le conflit syrien. »(1)
Le cas coréen n'est pas identique au cas syrien. Le conflit en Syrie n'est pas revêtu d'un caractère international, telle une guerre entre deux États, mais il s'y rapproche du fait que la paix internationale est en danger, aggravé par une présence considérable des organisations terroristes.
Quant au Liban, la décision internationale et régionale de l'épargner de « la guerre des nations » en Syrie reste toujours en vigueur sauf que ces dilemmes constitutionnels et nationaux restent pesants.

1 – « Julien Théron, Conflit syrien (V) : les possibilités méconnues de la résolution 377 », publié le 19/09/2013.
http ://geopolitiqueconflits.blog.lemonde.fr/tag/resolution-377/

Antoine Z. SFEIR
Docteur en droit international, avocat aux barreaux de Beyrouth et de Paris

Avec une Russie bien équipée au double niveau dogmatique et militaire, la carte de Yalta risque impérativement de subir une certaine révision aussi fondamentale que formelle. L'on se trouve ainsi sous l'égide d'une nouvelle ère qui se concrétise par une réaction russe « naturelle » envers sa marginalisation en Libye, d'une part, et ses ambitions « naturelles » de s'octroyer une...

commentaires (1)

"Le cas coréen n'est pas identique au cas syrien. Le conflit en Syrie n'est pas revêtu d'un caractère international, telle une guerre entre deux États, mais il s'y rapproche du fait que la paix internationale est en danger, aggravé par une présence considérable des organisations terroristes." ! Des "organisations terroristes" uniquement ?! Quid aussi que cette "paix internationale" est aggravée tout autant, si pas plus, par la brutalité aSSassine du régime aSSadique contre la population syrienne civile ! "Les États-Unis qui avaient les possibilités juridiques et matérielles de dépasser le veto russe par 1 résolution de l'Assemblée générale, à l'instar de la résolution 377, employée suite à la crise en Corée ! Cela avait alors révélé la volonté de l'Assemblée générale de réaliser le but premier des Nations unies : Écarter les menaces à la paix ! La résolution 377 apparaît donc comme un outil juridique pertinent pour le conflit syrien." ! Dont acte !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

20 h 19, le 10 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • "Le cas coréen n'est pas identique au cas syrien. Le conflit en Syrie n'est pas revêtu d'un caractère international, telle une guerre entre deux États, mais il s'y rapproche du fait que la paix internationale est en danger, aggravé par une présence considérable des organisations terroristes." ! Des "organisations terroristes" uniquement ?! Quid aussi que cette "paix internationale" est aggravée tout autant, si pas plus, par la brutalité aSSassine du régime aSSadique contre la population syrienne civile ! "Les États-Unis qui avaient les possibilités juridiques et matérielles de dépasser le veto russe par 1 résolution de l'Assemblée générale, à l'instar de la résolution 377, employée suite à la crise en Corée ! Cela avait alors révélé la volonté de l'Assemblée générale de réaliser le but premier des Nations unies : Écarter les menaces à la paix ! La résolution 377 apparaît donc comme un outil juridique pertinent pour le conflit syrien." ! Dont acte !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    20 h 19, le 10 novembre 2015

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