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Liban - Recherche scientifique

Le bateau Cana prend le large pour une nouvelle traversée

Les recherches se poursuivent sur le bateau scientifique du CNRS, avec un nouveau financement italien. Le projet « Cana + » sera axé sur la surveillance de la pollution côtière, les sources d'eau douce en mer et les transformations des écosystèmes côtiers.

MM. Marotti, Hamzé, Sursock et Khalaf posent, avec d’autres, sur le pont du bateau.

D'un bateau de pêche à un laboratoire scientifique flottant, relevant du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), l'histoire du Cana n'est pas banale. Ce bateau sonde depuis plusieurs années déjà le sous-sol marin afin de mieux comprendre le phénomène des tremblements de terre. Il apporte de nouvelles informations sur la pollution côtière et les courants marins, construit la première base de données scientifiques sur le stock de poissons dans la mer libanaise, etc. Il y a eu aussi l'installation d'un marégraphe sur la côte de Beyrouth, un appareil qui permet de détecter les risques de tsunami. Un autre sera installé bientôt à Batroun, dont la particularité sera d'être en pleine mer et de servir de détecteur pour l'ensemble de la Méditerranée. Sans compter des études scientifiques sur un sujet très populaire et très controversé, celui des sources d'eau fraîche en mer.
Ce projet, qui s'appelle désormais « Cana + », bénéficie désormais d'un nouveau financement italien de 700 000 euros pour une année de plus.

L'inauguration de la seconde étape du projet a eu lieu hier sur le bateau Cana, à la base navale de l'armée à Beyrouth, en présence notamment de l'ambassadeur d'Italie Massimo Marotti et du secrétaire général du CNRS Mouïn Hamzé, qui a lancé l'inauguration de la nouvelle étape, évoquant les nouvelles installations qui permettront d'avancer dans les projets entrepris, comme la carte du sous-sol marin ou les études sur les populations de poissons.
Interrogé par L'Orient-Le Jour sur ses impressions concernant le projet, M. Marotti a estimé que « la possibilité d'étudier mieux, et en profondeur, des données qui n'existaient pas auparavant va bénéficier aux chercheurs dans les universités, aux municipalités, à l'État ». Il met en avant la nécessité d'une connaissance scientifique de la mer, notamment pour la pêche. « Les instruments performants qui seront disponibles au cours de la seconde phase permettront de compléter la connaissance de la mer au Liban en vue d'une meilleure utilisation des ressources par la population », a-t-il ajouté.
Est-ce qu'un tel projet peut intéresser plus directement l'Italie, avec, par exemple, les marégraphes installés au Liban ? « Toute recherche en Méditerranée implique tous les pays riverains », souligne M. Marotti. Il rappelle que le financement pour la phase « Cana + » est de 700 000 euros, sachant que le budget pour la première phase était de 2,3 millions, d'où un budget total de trois millions d'euros.

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Une mer « pauvre » et un poisson ravageur
Gaby Khalaf, directeur du Centre national pour les sciences marines du CNRS, s'est étendu sur les recherches effectuées au cours de la première phase, et qui ont montré, selon lui, que « la mer au Liban est en général pauvre en nutriments », avec des différences suivant les régions. « Nous avons préparé une carte des points chauds de biodiversité, ce qui nous a poussés à concevoir, avec le ministère de l'Environnement, la création d'aires marines protégées », a-t-il expliqué.
L'un des projets les plus importants reste l'analyse des populations de poissons dans la mer du Liban. « Nous avons désormais une meilleure idée de la localisation des espèces de poissons et de la richesse du stock suivant les zones, explique Gaby Khalaf. Nous avons pu étudier le phénomène de la prolifération du poisson globe, un poisson néfaste qui a une incidence négative sur la biodiversité, présent en force dans nos eaux depuis une dizaine d'années. » À la question de savoir quelles sont les raisons de cette prolifération récente, le scientifique invoque l'augmentation de la température de l'eau et une modification de son taux de salinité, ajoutant qu'il faut s'attendre à l'arrivée en Méditerranée d'autres espèces potentiellement invasives de la mer Rouge avec l'ouverture du nouveau canal de Suez.
Gaby Khalaf a longuement évoqué la pollution côtière dans son intervention : la plus grande partie étant une pollution bactériologique résultant du déversement d'égouts non traités dans la mer, et une plus petite partie chimique, plus dangereuse bien que moins répandue. « Quand on m'interroge à propos du degré de pollution de la côte libanaise, je leur réponds que 40 % en moyenne souffre d'une pollution conséquente », a-t-il dit.

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Des sources d'eau fraîche pas si prometteuses
Une des missions menées sur le bateau Cana a été celle d'étudier les sources d'eau fraîches en mer, dont on a beaucoup parlé pour l'approvisionnement en cas de pénurie. Cette perspective ne semble pas prometteuse, à en croire les interventions d'hier, même si les recherches se poursuivent dans le cadre de « Cana + ». Alexandre Sursock, président du Centre de géophysique du CNRS, a précisé que les sources au large de Chekka, réputées très importantes, distribuent à des moments de l'eau salée plutôt que de l'eau douce suivant les observations.
Selon Mouïn Hamzé, les sources d'eau fraîche sous-marines ne paraissent pas fiables, leur débit est irrégulier et peu connu, et elles restent une perspective sur laquelle il ne faut pas se faire d'illusions, surtout au regard du coût de transport de cette eau vers la terre. Il souligne que les sources en mer, qui proviennent généralement d'un excédent sur terre, souffrent du même problème que les sources terrestres, c'est-à-dire le chaos des puits creusés dans les zones du littoral, la présence d'usines, et autres.
Par ailleurs, M. Sursock a longuement évoqué la nouvelle connaissance du sous-sol marin qui permet une meilleure connaissance des régions en surface, notamment en ce qui concerne les failles géologiques. Il a cité l'un des principaux apports du programme : l'installation d'un marégraphe qui permet de lancer des alertes en cas de tsunamis. Le premier fonctionne à Beyrouth depuis un an, le second, qui sera installé à Batroun, sera relié à un réseau méditerranéen.

 

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