Leur dernière rencontre remonte à 2006. Jusqu'à mardi, ils ne s'étaient réunis qu'à deux reprises depuis leur accession au pouvoir. Autant dire que les deux hommes ne se connaissent pas très bien. Ils sont pourtant aujourd'hui plus liés que jamais. Ou plutôt l'un, Vladimir Poutine, tient entre ses mains une grande partie du destin de l'autre, Bachar el-Assad.
Pour la première fois depuis 2011, le président syrien s'est déplacé à l'étranger. À la demande du Kremlin, M. Assad s'est rendu à Moscou dans le plus grand secret, en survolant probablement l'Irak, l'Iran et la mer Caspienne, afin d'éviter la Turquie. Si les deux dirigeants ont affiché une parfaite unité dans leurs discours, encourageant la lutte contre le terrorisme, mais aussi la relance du « processus politique », c'est surtout le timing et les motivations de cette rencontre qui interpellent. Autrement dit, pourquoi maintenant, trois semaines après le déclenchement des frappes russes en Syrie, et quel est le message ?
Au-delà de la symbolique, la visite expresse du président syrien, suivie le lendemain de celle du président du Parlement iranien, Ali Larijani, confirme que l'intervention russe a effectivement changé la donne diplomatique : autoproclamé maître du jeu, Moscou a décidé de passer à la manœuvre. Quelques heures après la visite de M. Assad, M. Poutine a contacté les principaux dirigeants de la région, dont le roi Salmane d'Arabie Saoudite et le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui parrainent l'opposition au régime syrien. Parallèlement, l'un de ses conseilleurs spéciaux, Mikhaïl Bogdanov, a reçu à Moscou des représentants des Kurdes syriens.
Une réunion quadripartite entre les ministres des Affaires étrangères de la Russie, des États-Unis, de l'Arabie Saoudite et de la Turquie a, en outre, était annoncée pour demain. Ni les Européens, notamment les Français, ni les Iraniens ne semblent avoir été conviés à ces discussions qui doivent permettre de dégager une feuille de route pour une éventuelle transition politique.
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Trois interprétations
Les quatre protagonistes peuvent-ils s'entendre sur l'avenir du président syrien ? C'est là toute la question. Les Turcs et les Saoudiens ont adouci leur position en affirmant que M. Assad pouvait faire partie, pour une courte durée, d'une période de transition. Ils attendent, en retour, une assurance de la part des Russes que le président syrien soit effectivement écarté au bout d'un certain temps. Les Saoudiens demanderont probablement aussi à ce que les Iraniens ne jouent pas un rôle de premier plan dans l'avenir de la Syrie. Les Russes sont-ils prêts, et surtout capables, de leur offrir ces garanties ?
La visite de M. Assad à Moscou peut être interprétée de trois façons différentes. Soit la Russie a voulu rappeler à tout le monde que le président syrien est son homme et qu'elle ne le lâchera pas ; soit elle a voulu montrer que le destin du président syrien dépend désormais de sa bonne volonté et qu'elle est prête à le monnayer. Une marionnette, en somme. Dernière éventualité : Bachar el-Assad n'a pas été convoqué au Kremlin, mais il a demandé à y être reçu. Pourquoi ? Pas pour remercier son parrain russe : il aurait pu le faire par téléphone. Et si Bachar el-Assad était venu réclamer quelque chose ?
Toutes les options sont aujourd'hui sur la table. Le scénario le plus souhaitable suppose que les puissances parties au conflit parviennent à se mettre d'accord sur un gouvernement de transition, incluant une partie de l'opposition et prévoyant à terme le départ de M. Assad. Mais ce scénario ressemble, pour l'heure, davantage à une chimère qu'à autre chose.
Exacerbation croissante
Si elle n'a pas permis, pour l'instant, au régime syrien et à ses alliés de réaliser de réelles avancées sur le terrain, l'intervention russe a exacerbé les tensions entre les acteurs, qu'ils soient directement présents sur le théâtre des combats ou non. Les rebelles ont reçu de nouvelles livraisons d'armes antichars, probablement de la part de l'Arabie saoudite, et pourraient, si l'offensive russe se poursuivait, obtenir des missiles sol-air. Chaque partie veut optimiser ses positions avant d'entamer les négociations sérieuses, mais cette escalade remet tout simplement en question le principe même de ces négociations.
Les contacts entre Moscou et Riyad, malgré le fait que les raids russes frappent essentiellement les positions de groupes parrainés par l'Arabie saoudite, laissent présager un maigre espoir de sortie de crise. Mais l'exacerbation croissante des relations entre le royaume saoudien et son rival iranien, illustrée par les derniers propos du ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, qui affirme que Riyad utilisera « toute sa puissance » pour contrer l'action de Téhéran au Moyen-Orient, réduisent presque à néant ces espoirs. Et augurent du pire...
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commentaires (8)
Un jeu de comédiens insatisfaits des résultats actuels de l'intervention russe en Syrie qui cherche désespérément une alliance avec les USA L'avenir de la Syrie avec ou sans le petit Hitler importe peu : il a commis tellement de crimes utilisant des armes prohibés (gaz, tonneaux d'explosifs, tortures, assassinats, etc.) qu'il ne pourra pas s'échapper à la justice et du CPI en particulier, avec ou sans la protection de Poutine La famille Assad a commis trop de crimes pour que ça passe inaperçu, rien que le martyr des libanais durant 15 ans à cause d'eux Poutine cherche seulement à se faire un nom. Il montre ses muscles comme la Russie l'a souvent fait par le passé : Tchétchène , Afghanistan, Corée, Vietnam, Cuba, et certains pays africains qui l'ont rejeté Oui, c'est fini pour Bachar el Assad Il a beau fanfaronner devant les médias, il est reconnu dans le monde entier comme un dictateur et un criminel Laissons faire le temps La Syrie va devenir un paysage lunaire d'ici quelque peu
FAKHOURI
14 h 14, le 22 octobre 2015