Après quatre ans de guerre et plus de 250 000 morts, le président syrien Bachar el-Assad est encore en place. Son départ, réclamé d'abord à cor et à cri par la quasi-totalité de la communauté internationale, est de moins en moins une condition sine qua non préalable à toute discussion. Seule l'opposition syrienne en exil continue de l'exiger. Hier encore, les détracteurs les plus virulents du président syrien, à savoir l'Arabie saoudite, la Turquie, la Grande-Bretagne, ont tous trois affirmé accepter le maintien du dirigeant alaouite à son poste, en attendant la mise en place d'un gouvernement de transition, évoqué lors des pourparlers de Genève en 2012 et 2014.
Il est évident que les évolutions sur le terrain syrien sont plus ou moins directement responsables de ce changement d'attitude. Plus précisément, l'entrée en scène de Moscou fin septembre. En trois semaines, l'aviation russe aura effectué des centaines de frappes, faisant près de 400 victimes, dont des civils. La coalition internationale contre l'État islamique (EI), menée par des États-Unis frileux, fait, en comparaison, pâle figure en termes de moyens mis en œuvre pour contrer le terrorisme. Dès les premiers raids, la Russie a été accusée par les Occidentaux de surtout viser le Front al-Nosra et l'Armée syrienne libre (ASL), ainsi que des rebelles « modérés » soutenus – sinon directement équipés – par les États-Unis et leurs alliés, qui se battent à la fois contre le régime syrien et l'EI. Ce dernier aurait pourtant dû, aux yeux des Occidentaux, représenter une cible privilégiée pour Moscou.
Il est nécessaire de rappeler également les raisons (officielles) qui ont poussé Moscou à intervenir dans le ciel syrien, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme, la protection des intérêts syriens et iraniens, mais surtout ceux de la Russie, qui court selon le président russe Vladimir Poutine le risque d'être la cible d'attentats perpétrés par des groupes terroristes. De même, l'impasse ukrainienne a certainement joué un rôle dans la décision de Vladimir Poutine, isolé sur le plan diplomatique depuis le début de la crise dans ce pays voisin.
(Décryptage : Syrie : Les conséquences de l'implication militaire russe en 5 questions)
Participation israélienne ponctuelle
C'est dans ce contexte de changements majeurs que l'Institut des études sur la sécurité nationale (Institute for National Security Studies), un think tank israélien spécialisé dans le terrorisme, a publié hier une étude centrée sur les objectifs de l'intervention russe en Syrie et ses retombées éventuelles sur Israël. Dès le départ, rappellent les auteurs Amos Yadlin, directeur de l'institut et ancien chef des Renseignements militaires israéliens, et Carmit Valensi, chercheure, l'État hébreu n'a pas fait mine de participer au conflit syrien, excepté de manière ponctuelle, en bombardant des convois d'armes destinés au Hezbollah ou en ripostant à des tirs sur le plateau du Golan. Mais aujourd'hui, il ne peut plus se permettre de maintenir sa position actuelle, selon les deux auteurs, pour lesquels l'implication russe a changé la donne. Et de mettre en relief la manière dont les forces du régime et ses alliés – les Iraniens et les combattants du Hezbollah – ont pu engranger des succès sur le terrain grâce à l'appui de l'aviation russe. « La survie du régime (syrien) a permis et ancré la présence du Hezbollah et de l'Iran (qui aurait dépêché quelque 3 000 combattants supplémentaires au cours des derniers jours) en Syrie en général et sur le plateau du Golan en particulier », affirme le texte, alors que contrairement au parti de Dieu, l'EI ne représente (pour l'instant) qu'une menace militaire limitée pour Israël. Il est donc nécessaire, relèvent les auteurs, qu'Israël multiplie les efforts pour contribuer activement à la chute du président Assad, qui mènerait à une immense perte stratégique pour la République islamique et, par extension, pour le Hezbollah. Pour rappel, ce dernier avait promis, après un raid israélien en Syrie en 2013 qui a tué des responsables du Hezbollah et des gardiens de la révolution iraniens, de maintenir un « front ouvert » sur le plateau du Golan pour faire face à l'État hébreu.
Pour le cas où Bachar el-Assad resterait en place, il y a de fortes chances qu'Israël se retrouve donc en position d'infériorité significative, faisant front à ce que les auteurs de l'étude ont appelé l'« axe radical » formé par l'Iran, le Hezbollah et la Syrie. Israël se retrouverait alors confronté à deux choix : une alliance sous l'égide des États-Unis avec les puissances sunnites régionales, l'Arabie saoudite et la Turquie en tête, dans le but d'affaiblir cet axe, ce qui semble hautement improbable. La seconde option consisterait à s'allier avec Moscou pour obtenir le départ d'Assad, en cas d'échec de l'Occident à aboutir à ce résultat, option bien plus réaliste dans le contexte actuel. Ce qui est certain, néanmoins, c'est qu'Israël se trouvera tôt ou tard devant l'obligation de faire un choix.
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LA LIBRE EXPRESSION
17 h 45, le 21 octobre 2015