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Liban - Religion

Quelques clés pour comprendre le synode sur la famille

Mère et éducatrice, mais d'abord mère, l'Église catholique s'efforce de réconcilier doctrine et pastorale.

La salle où se tiennent en ce moment les assemblées générales du synode des évêques, qui alterne réunions générales et réunions par groupes linguistiques. Photo AFP

Décrite finement par le pape François comme « un hôpital de campagne » qui accompagne l'humanité sur le terrain des combats spirituels qu'elle livre, l'Église est aussi, d'une certaine façon, guide de montagne. Tout ce qu'elle demande n'est pas toujours facile.
L'image de la vie chrétienne comme ascension est familière. Elle est surtout utilisée pour décrire la vie religieuse. Toutefois, il y a de « l'ascension » dans toute vie chrétienne. C'est aussi vrai pour la vie individuelle que pour la vie de famille, pilier de la vie paroissiale.


La famille, la structure familiale, est aujourd'hui en crise presque partout, sous l'effet d'une culture du relativisme et de l'hédonisme, ainsi que d'une mobilité économique qui la fragilisent. C'est la raison pour laquelle le pape a choisi de consacrer deux assemblées spéciales du synode des évêques à la famille, comme cellule fondamentale de la société. Un premier synode s'est tenu l'année dernière (2014). Le second se tient à Rome depuis le 4 octobre et s'achèvera le 25. Les deux assemblées se sont accompagnées d'une réflexion profonde qui dure depuis deux ans déjà, sur base d'un instrument de travail qui propose des pistes de réflexion communes.
Le synode est en harmonie avec l'appel du pape à « aller aux frontières » de la société, là où les structures sociales sont en train de s'effondrer, et d'y lancer le filet du pêcheur. C'est donc une pastorale du mariage et de la famille qui tient compte des bouleversements sociaux qui traversent le monde que l'Église est en train de forger, dans un effort de conciliation difficile et changeant entre sa doctrine et sa pastorale.

 

Sans attendre
Sans attendre les recommandations de l'actuel synode sur la famille, fort des leçons que l'Église a déjà tirées de la première session du synode (octobre 2014), François a signé cet été un motu proprio allégeant la procédure en annulation du mariage, pour la rendre plus rapide, mais non moins circonstanciée. Il y avait, semble-t-il, urgence.
On le sait, François l'a répété encore tout dernièrement à bord de l'avion qui le ramenait des États-Unis, il n'y a pas de divorce dans l'Église catholique. Pour elle, le mariage est un sacrement, un signe de la présence de Dieu dans l'union entre un homme et une femme. Cette union est une image de l'union du Christ avec son église. Elle est intangible. Quand un mariage est annulé, cette union n'est pas rompue, elle est déclarée comme ayant été nulle au départ. L'Église constate que, dès le début, les conditions d'un mariage valide à ses yeux n'existaient pas, et que l'assentiment, le « oui » de l'un ou des deux mariés, a été prononcé, consciemment ou pas, en méconnaissance de cause.
Cette nullité éventuelle tient à plusieurs raisons, et notamment aux réserves que les conjoints ont pu faire à l'égard des conditions que l'Église exige pour qu'un mariage soit valide (réserves sur la pérennité du mariage, ou sur la procréation, ou la foi dans le sacrement, ou ignorance d'une incapacité psychique à contracter une union chez le conjoint, etc.).
Mais pour l'annulation d'un mariage, il ne suffit pas que ces réserves soient affichées au tribunal, même d'un commun accord, par le couple. Il faut qu'elles aient été explicites et prononcées devant les témoins. La difficulté à laquelle se heurtent beaucoup de couples ou de conjoints tient beaucoup à l'impossibilité de prouver leurs réserves, gardées secrètes au moment de l'union, par l'un ou l'autre conjoint, par convenance, par peur, etc.

 

Les pressions sociales
L'invalidité d'un mariage peut aussi tenir aux pressions sociales. Ainsi, au Liban, comme dans tous les milieux et sociétés traditionnelles, les chrétiens ne peuvent se marier que religieusement, quelle que soit leur conviction intime. Chez nous, cette obligation est renforcée par le fait qu'il n'existe pas de mariage civil.
Par ailleurs, dans le monde, que de mariages religieux contractés sous la pression sociale ! On dit que, comme archevêque de Buenos Aires, le pape interdisait à ses prêtres de bénir les mariages de couples qui voulaient « se mettre en règle », parce que la femme était désormais enceinte. À cette époque, François n'était pas loin de penser que la moitié des mariages contractés en Argentine étaient entachés de nullité.
Pour accélérer la procédure en annulation de mariage, le pape a aboli le double jugement en annulation et accordé aux évêques un plus grand pouvoir pour trancher les cas les plus clairs. La règle du double jugement commandait qu'une déclaration de nullité aille automatiquement en appel, de sorte qu'un second jugement confirme (ou infirme) le premier. Avec le motu proprio du pape, l'appel n'est plus automatique, mais se fait uniquement si l'un des conjoints le demande.
Dans le même esprit, les nouvelles dispositions du pape accordent aux conférences épiscopales, au nom de la décentralisation, qui est une forme de collégialité ou de « synodalité », un plus grand pouvoir de juger des cas particuliers, en fonction de ce qu'ils savent de leurs sociétés respectives. Toutes ces nouvelles règles, saluées par la hiérarchie, sont appelées à entrer en application au Liban.

 

« Un adultère continu »
Mais alors que chez nous, c'est l'absence du mariage civil qui fait problème et que ce sont les recours en annulation qui sont de règle, en Occident, c'est le contraire qui se passe. On touche là à l'un des aspects les plus douloureux de la crise que traverse la vie de famille dans ces sociétés : celui que vivent les personnes dont le premier mariage est canoniquement valide selon toute apparence, mais qui divorcent et se remarient civilement, faute de pouvoir annuler leur union ou pour aller au plus court et ne pas avoir à attendre des années pour annuler leur mariage. On manque de statistiques à ce sujet, mais on sait que ce phénomène frappe d'abord les jeunes couples. De ce fait, les « divorcés remariés civilement » sont exclus, tant que dure leur seconde union, des deux sacrements de la confession et de la communion, puisque l'Église considère leur premier mariage toujours valide et leur union dans un
second mariage civil comme « un adultère continu ». Souvent, cette situation les conduit à prendre leur distance à l'égard de l'Église, et parfois à l'abandon de la foi chrétienne.
L'urgence est là. L'Église peut-elle continuer à juger les divorcés remariés aussi strictement, indépendamment de l'évaluation de leur situation spécifique ? C'est l'une des problématiques les plus délicates examinées par le synode sur la famille. À cette question difficile posée par l'instrument de travail du synode, des réponses diverses ont été apportées, selon les conférences épiscopales sondées. Les évêques allemands, en majorité, ont choisi de répondre à cette question par la nuance, se déclarant favorables à l'accès aux sacrements – « sous conditions » – des divorcés remariés.

 

Sur la base du cas par cas
Cette pastorale d'ouverture prudente est conduite par le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich, président de la Conférence des évêques allemands (DBK) et membre du G9 du pape François, un conseil consultatif de cardinaux chargés d'assister le pape dans le gouvernement de l'Église.
Ainsi, le cardinal Marx propose que ces situations soient jugées « sur la base du cas par cas et non de manière généralisée, pour permettre aux divorcés remariés l'accès aux sacrements de la confession et de l'Eucharistie quand la vie commune a définitivement échoué, mais que le mariage est canoniquement valide (...) et qu'une volonté droite existe de vivre ce second mariage civil dans la foi et dans le désir d'éduquer les enfants dans la foi ».
Du reste, en sa qualité de « délégué fraternel », le primat de l'Église orthodoxe d'Estonie, le métropolite Stephanos de Tallinn, dans ce que l'on peut considérer comme un cas de « pastorale comparée », est revenu sur la manière dont les orthodoxes vivent un second mariage après un « chemin de pénitence » adéquat.

 

Le sacrement comme remède
L'accession aux sacrements est en outre justifiée, aux yeux du cardinal Marx, du point de vue de la théologie des sacrements. Le président de la Conférence épiscopale allemande a cité en effet l'exhortation apostolique Evangelii Gaudium du pape François affirmant : « L'Eucharistie n'est pas, même si elle représente la plénitude de la vie sacramentelle, une récompense pour la perfection, mais un remède généreux et un aliment pour les faibles. » Empêchés de communier, ce geste si simple qui leur permet de se retrouver en Dieu, beaucoup de fidèles abandonnent tout le reste.
Avant d'être « hôpital de campagne », l'Église est surtout mère et éducatrice, « mater et magistra », dit la doctrine. Et, s'il y a conflit de devoirs, d'abord mère, disent les saints. En tout état de cause, ce sera au pape de faire la synthèse des travaux du synode, qui prend fin cette semaine, et de réconcilier les différentes propositions qui seront faites, de manière à ce que la pastorale n'entre pas en collision avec la doctrine et que la doctrine n'étouffe pas la pastorale.

 

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commentaires (2)

Oui, bon, mais où en est-on actuellement dans la problématique du "Sexe des Anges" ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

07 h 32, le 21 octobre 2015

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Commentaires (2)

  • Oui, bon, mais où en est-on actuellement dans la problématique du "Sexe des Anges" ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 32, le 21 octobre 2015

  • Que de complications ! N'est-il pas nécessaire d'en sortir une fois pour toutes ?

    Halim Abou Chacra

    04 h 50, le 21 octobre 2015

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