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Culture - Musique

Quand Dionysos s’arrête de boire pour écouter les Wanton Bishops

Au festival Nancy Jazz Pulsations, le Liban était représenté par Ibrahim Maalouf, mais aussi par Nader Mansour et Salim Naffah. L'occasion d'aller à la rencontre de ce groupe original qui, même en Lorraine, a déjà sa communauté de fidèles.

Les Wanton Bishops sur la scène du festival Nancy Jazz Pulsations. photo Francis Leclerc

Sleep with the Lights On, le morceau titre du premier album des Wanton Bishops, était à entendre dans Horns, un film diabolique qui nous fait partager le désespoir et la déchéance d'Ig, jeune homme de bonne famille, auparavant sage et croyant, interprété par Daniel Radcliffe. De fait, au XVIe siècle, le bleu aurait été la couleur du diable et une légende tenace veut que le bluesman Robert Johnson, né dans le delta du Mississippi et classé cinquième meilleur guitariste de tous les temps par le magazine Rolling Stone en 2003, a vendu son âme au diable, par une nuit sans lune, à un carrefour, pour obtenir sa virtuosité à la guitare.
Les Wanton Bishops ont récemment été dans le sud des USA, généralement considéré comme le berceau du blues. Nader Mansour tempère d'ailleurs ce jugement : « Historiquement et chronologiquement ça a commencé en Afrique ; après, ça s'est transformé et ça a commencé à se faire en anglais. »


Pauvre, méprisée, illettrée, exploitée, rejetée par un système ségrégationniste très dur, la communauté noire du sud des États-Unis a vécu le blues, c'est pourquoi cette forme musicale traduit toute la gamme des émotions humaines du désespoir à l'orgasme dans leur expression la plus immédiate. Pour Nader Mansour, premier pilier du groupe, quand on fait du blues, « on jouit ». Salim Naffah confesse : « On est pour la jouissance collective. » Ce propos et le credo de Nader Mansour : « J'ai un problème avec toute religion qui donne un sens maléfique au sexe. On n'est jamais plus proche de notre Créateur que quand on jouit », précise-t-il. Ce qui pourrait expliquer pourquoi leur groupe s'appelle, en anglais, Les évêques paillards.

 

« L'urgence de nos paroles »
Avec le blues des Wanton Bishops, on est bien plus proche de Dionysos que du diable. Dionysos est le dieu de la marge et de la transgression, le dieu d'un ancien et lointain rapport immédiat et parfois violent à la nature, mais en même temps, il est le dieu central et indispensable du renouveau, de la joie et de la vie, de l'ouverture à l'autre, qui va contre la tendance de l'homme et de la cité à se replier sur eux-mêmes. C'est certainement à cela que tient le succès du groupe auprès des jeunes Libanais. Ces mêmes jeunes qui aspirent au changement et sont présents tout aussi massivement dans les manifs du mouvement « Vous puez ! ».


Nader Mansour explique que la guerre civile et l'instabilité qui a suivi se ressentent encore dans la musique des Wanton Bishops « sans que forcément la thématique devienne uniquement cela. Cela se ressent dans l'urgence de nos paroles, de notre musique aussi. C'est viscéral, c'est vital, soit on fait çà, soit on crève. C'est pour cela, aussi, qu'on fait la fête à Beyrouth. Comme s'il n'y avait pas de lendemains. (...) Tout le monde vit ainsi. Du coup, on perd le sens de la nation. Chacun veut faire en sorte que lui-même soit bien, sans avoir besoin d'une certaine nation qui n'a jamais existé. C'est dommage. » Les Wanton Bishops essayent d'aller contre cette tendance, « mais sans vraiment prendre le devant du truc. » Et Nader Mansour de préciser : « On essaye déjà de donner une bonne image de notre pays. Oublier un peu la guerre et tout le reste. Surtout maintenant, avec le mouvement "Vous puez !", qui est pour la première fois un mouvement apolitique, qui ne fait pas partie des deux grands clans. (...) Là, pour la première fois, nous prenons position. (...) L'objectif, c'est de se débarrasser de la classe politique complètement corrompue, c'est la même depuis la guerre civile. »
Que Dionysos continue d'inspirer les Wanton Bishops dans leur parcours musical et dans leur lutte citoyenne.

 

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