Trois mois après, l’accord sur le nucléaire entre dans le concret

Les États-Unis ont formellement commencé, hier, à préparer la suspension des sanctions contre l'Iran, première concrétisation de l'accord nucléaire historique signé le 14 juillet par Téhéran et les grandes puissances. La journée d'hier, qualifiée de « journée de l'adoption », marque la fin de la période de 90 jours suivant le vote par le Conseil de sécurité de l'Onu de la résolution approuvant le pacte diplomatique. L'Iran va devoir commencer à démanteler une grande partie de son infrastructure nucléaire, un processus de plusieurs mois au terme duquel les sanctions occidentales pourront être effectivement suspendues. Mais le président Barack Obama a ordonné dès hier à son gouvernement de se préparer, notamment en publiant les textes de suspension des diverses sanctions adoptées contre l'Iran pour empêcher les entreprises étrangères d'acheter du pétrole iranien ou interdire les transactions avec des banques iraniennes. Le secrétaire d'État John Kerry a qualifié ce jour de « première étape cruciale dans le processus engagé pour que le programme nucléaire iranien soit exclusivement pacifique ». « Maintenant, la question est : est-ce que l'Iran va montrer qu'il met en œuvre ses obligations ? » a déclaré le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, en déplacement à Téhéran. Les directives annoncées, hier, par Barack Obama visent à démontrer la détermination de Washington à remplir tous ses engagements. Elles sont publiées « pour que les gens sachent ce qui sera suspendu », a précisé à des journalistes un haut responsable américain samedi. Mais un autre responsable a mis en garde les entreprises qui seraient tentées de commencer à commercer dès maintenant : « Aucune sanction n'est levée aujourd'hui. » La date de suspension effective des sanctions dépendra de la vitesse avec laquelle les Iraniens rempliront leur partie du contrat ; au moins deux mois, estime-t-on à Washington. « Pour nous, il est important qu'ils le fassent bien plutôt que rapidement », a souligné un troisième responsable.

(Lire aussi : L'accord avec l'Iran aurait dû être signé il y a 10 ans; le commentaire de Gareth Evans)

De son coté, l'Union européenne (UE) a adopté hier le cadre législatif pour la levée de toutes ses sanctions contre l'Iran, mais cette mesure ne sera effective, aussi, qu'à la condition que Téhéran remplisse ses obligations, a annoncé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Il s'agit d'une « étape importante » dans la mise en œuvre de l'accord de juillet, souligne le communiqué de l'UE.
Pour sa part, Téhéran a notifié hier à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qu'il appliquerait le protocole additionnel au Traité de non-prolifération nucléaire, comme prévu.

Des mois de travail
Depuis la signature en juillet à Vienne, toutes les parties ont rempli leurs obligations. Barack Obama a réussi à empêcher que le Congrès américain, dominé par ses adversaires républicains, ne torpille l'accord. Le Parlement iranien puis un conseil de juristes et religieux l'ont approuvé mardi et mercredi derniers, malgré l'opposition des conservateurs. Et l'AIEA a dit avoir obtenu sans retard les informations dont elle a besoin pour rédiger son rapport sur la possible dimension militaire passée du programme nucléaire iranien.
Si le test d'un missile iranien, le 11 octobre, a provoqué la colère des Américains, les États-Unis estiment toutefois qu'il ne s'agit pas d'une violation de l'accord nucléaire, seulement d'une autre résolution de l'Onu. Reste que les Iraniens ont beaucoup à faire. Les deux tiers des centrifugeuses iraniennes devront être débranchées. Le réacteur à eau lourde d'Arak devra être reconstruit pour qu'il ne puisse pas produire de plutonium de qualité militaire. Un chantier où la Chine jouera un rôle de premier plan, selon une « déclaration d'intention » qui devait être publiée par Washington, Téhéran et Pékin hier. L'Iran doit aussi réduire à 300 kg, pour une durée de 15 ans, son stock d'uranium faiblement enrichi (LEU), actuellement de 10 tonnes, notamment grâce à la vente d'une partie de ces combustibles à la Russie.

Une étape importante sera la publication par l'AIEA, le 15 décembre, du rapport sur la possible dimension militaire passée des activités nucléaires iraniennes ; mais la levée ultime des sanctions ne dépend pas de ses conclusions, prévient-on de source américaine. Pour coordonner ce long processus, une commission conjointe avec des représentants des pays signataires – l'Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) et l'Allemagne – se réunira aujourd'hui à Vienne, selon une source américaine.

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