Le drame de la famille Safwan, victime comme tant d’autres de la crise socio-économique libanaise...

Les autorités turques ont retrouvé jeudi soir les corps des quatre membres de la famille Safwan portés disparus. Deux nouveaux corps avaient été également repêchés, jeudi dans la journée. Selon des proches de la famille, Moussa Safwan, un des trois survivants, a essayé de tenir sa femme enceinte, Horya el-Khatib, pendant plusieurs heures avant que son corps ne se raidisse et qu'il décide de lâcher prise pour pouvoir rejoindre la côte à la nage.
Les parents et les proches sont tous rassemblés dans la maison familiale à Ouzaï, dans la banlieue sud de Beyrouth, où ils pleurent les victimes depuis le début de la semaine.

Kelly Safwan, 22 ans, qui n'a pas pris part à cette aventure qui a tourné au drame afin de poursuivre ses études universitaires au Liban, a perdu d'un seul coup 9 membres de sa famille. Trois autres qui ont survécu en rejoignant la côte à la nage sont actuellement en Turquie.
La jeune fille a indiqué à la presse que sa famille a été à la recherche d'une vie meilleure en Europe, en essayant de rejoindre des cousins en Allemagne. Par ailleurs, Malek (9 ans), l'enfant de sa sœur Mélanie morte noyée et dont le corps a été retrouvé jeudi, souffrait de diabète, et son grand-père Mayez (60 ans), également mort noyé, a voulu partir en Europe pour lui prodiguer de meilleurs soins. Seul son frère Moussa, son neveu Maher et son oncle, Ayad, sont restés en vie. Les deux premiers sont toujours en garde à vue pour les besoins de l'enquête en Turquie, tandis que l'oncle est toujours hospitalisé à Izmir.

Rapatriement
Le périple de la famille Safwan a commencé dimanche. À l'initiative de Mayez, le chef de la famille, ils ont pris l'avion pour Istanbul, puis le bus jusqu'à Izmir. À l'aide d'un intermédiaire (passeur), la famille a pu obtenir, moyennant 1 500 dollars par personne, une place sur un bateau pneumatique en direction de l'île grecque de Lesbos, d'où elle comptait se rendre en Allemagne. Mais la mer démontée a fait chavirer le bateau qui a été englouti dans les flots. Trois membres de la famille ont pu survivre à la catastrophe et ont réussi à rejoindre le littoral en nageant.

Le Premier ministre, Tammam Salam, a demandé hier au secrétaire général du Haut Comité de secours, le général Mohammad Kheir, de prendre les mesures nécessaires afin de rapatrier les corps des Libanais noyés au large de la Turquie, et le retour des survivants. Une délégation de la famille Safwan a été reçue jeudi par le vice-président du Conseil supérieur chiite, Abdel-Amir Kabalan. De son côté, le ministère des Affaires étrangères suit le dossier de près avec l'ambassade du Liban à Ankara et le consulat du Liban à Istanbul.

La tragédie de la famille met en exergue le désespoir des familles libanaises qui souffrent d'une situation économico-sociale de plus en plus difficile, notamment celles qui vivaient dans la Békaa-Est ou dans des villages à la frontière libano-syrienne tout comme la famille Safwan. Des centaines de réfugiés risquent leur vie au quotidien afin de rejoindre l'Europe.

Cibles de tirs ?
Plus de 600 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe en passant par la Méditerranée en 2015, et plus de 3 100 sont décédés ou portés disparus, a annoncé vendredi l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Beaucoup de Libanais ont également profité de cet exode massif et ont quitté leur pays, fuyant les difficultés économiques et le poids de la guerre en Syrie avec plus de 1,2 million de réfugiés syriens au Liban.

L'arrivée de milliers de réfugiés et de migrants sur l'île de Lesbos n'est pas sans créer de tension. « Le personnel du HCR a dû être évacué brièvement d'un centre d'enregistrement lorsque des violences ont éclaté dans un site bondé sur l'île », a relevé un porte-parole du Haut-Commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR).
Des informations ont circulé hier dans la presse, selon lesquelles des réfugiés, dont des Libanais originaires de Tripoli, qui avaient essayé de rejoindre les côtes européennes en partant de la Turquie par la mer, ont été la cible de tirs juste avant leur arrivée sur les îles grecques de la part des membres de la mafia regroupés sur le littoral. Cet incident a forcé les immigrés clandestins à rester couchés dans les bateaux durant de longues heures malgré la présence des forces de l'ordre grecques qui ne sont pas intervenues pour leur porter secours.

Lire aussi
Naufrages, l’éditorial de Issa Goraieb

La prochaine vague de migrants pourrait venir du Liban

Arrestation de 40 Palestiniens qui partaient de Tripoli, au Liban-Nord, pour l'Europe

Prendre la mer, risquer la noyade, qu'importe ! L'important est de partir...

Les réfugiés palestiniens au Liban et en Syrie rêvent aussi d’Europe