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Économie - Splendeurs et misères économiques

Allemagne : puissance néocoloniale ?

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des Banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

À l'occasion d'un entretien téléphonique l'été dernier avec son homologue américain, Wolfgang Schäuble, ministre de l'Économie allemand, crut faire une bonne blague en lui suggérant d'échanger Porto Rico (en état de quasi-faillite) contre la Grèce ! De fait, l'écrasante majorité des Allemands est persuadée du narratif selon lequel leur dur labeur a produit une « vraie » économie dont les excédents seraient en quelque sorte la légitime sécrétion. Cette fiction d'une activité saine entièrement orientée sur les exportations ayant du reste été continuellement entretenue par les médias allemands, dont tous s'étaient réjouis à la perspective d'îles grecques à vendre au plus fort de la crise lors du printemps dernier.
Pour autant, cette fiction allemande passe sous silence que les succès de leur économie et que la taille de leurs excédents commerciaux reposent sur une mécanique – du type néocolonial – à broyer les peuples. Car cette « Schäuble économie » ne prospère que par une exploitation en bonne et due forme par les Allemands des autres peuples d'Europe. Sans euro, pas d'excédent allemand en effet, car la ruée sur les biens produits dans ce pays aurait à l'évidence – par envolée interposée du deutsche mark – été répercutée à travers une augmentation de leurs prix et un alignement à la hausse des salaires allemands, dont l'effet conjugué aurait neutralisé les excédents. Ces fameux excédents commerciaux faisant tant la fierté de Schäuble sont banalement la conséquence de salariés qui reviennent moins chers à employer que de machines à utiliser ! Les robots – plus chers pour équiper des chaînes de production – sont donc simplement remplacés par de la bête humaine dans un mécanisme réglé comme du papier à musique qui autorise ainsi des économies substantielles en capitaux. Du reste, les statistiques prouvent formellement ce choix allemand délibéré car, en comparaison de son PIB, l'investissement y est le plus bas de tous les pays industrialisés.
La croissance européenne anémique est donc la conséquence directe de cette carence en investissements allemands et, en l'occurrence, la « Schäuble économie » s'avère être un poison pour l'ensemble du continent. Authentique malédiction, ces ressources sous exploitées par l'Allemagne condamnent l'Union à être une éternelle suiveuse en termes de croissance et imposent subsidiairement l'austérité à toute la périphérie européenne. Comprenons-le bien: les excédents allemands sont le reflet d'une économie allemande inefficiente et en mal d'investissements. En attendant, c'est la quasi-totalité des autres peuples d'Europe qui paient chèrement le prix des obsessions allemandes, et c, pendant que Schäuble réécrit tranquillement l'histoire faite pourtant de l'afflux massif de la main-d'œuvre provenant d'Allemagne de l'Est et des infâmes réformes Hartz ayant exercé une compression intolérable sur l'ensemble des salaires européens.
Autrefois seule à être malade, l'Allemagne a aujourd'hui contaminé les 28 autres pays partageant sa monnaie.

À l'occasion d'un entretien téléphonique l'été dernier avec son homologue américain, Wolfgang Schäuble, ministre de l'Économie allemand, crut faire une bonne blague en lui suggérant d'échanger Porto Rico (en état de quasi-faillite) contre la Grèce ! De fait, l'écrasante majorité des Allemands est persuadée du narratif selon lequel leur dur labeur a produit une « vraie »...
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