Le député Michel Aoun a axé son intervention hier sur la dimension douloureuse de la commémoration du 13 Octobre et il s'est aussi insurgé contre le maintien au pouvoir – « après la libération » – de la classe dirigeante qui gouvernait durant la période de la tutelle syrienne, ce qui constitue, selon lui, une aberration.
C'est par sa célèbre formule d'ouverture « Ô peuple glorieux du Liban » que Michel Aoun a entamé son discours, en se rappelant au souvenir de la funeste journée du 13 octobre « il y a de cela 25 ans », journée durant laquelle, selon M. Aoun, « le Liban tout entier a été crucifié, précisément en cet endroit, devant les yeux de la terre entière ». « Ce jour empreint de douleur, chacun d'entre nous y a sa part, chacun l'a vécu à sa façon. Dans chacun de ces cœurs qui battent, il y a une blessure et c'est cela qui nous unit en premier lieu », a-t-il ainsi affirmé avant de mettre exergue la politique de « deux poids, deux mesures » exercée alors par la communauté internationale puisque celle-ci « s'est unie pour libérer le Koweït mais aussi pour rendre possible l'invasion du Liban ». Et de dénoncer « cette schizophrénie internationale qui a permis au peuple libanais de comprendre qu'il ne peut compter que sur lui-même, et que s'il ne bénéficie pas d'une présence forte il ne pourra pas préserver ses droits. Toutefois, s'il lui arrive de perdre une bataille cela ne signifie pas qu'il a perdu la guerre. C'est ainsi que le 13 octobre les forces du fait accompli se sont imposées à nous, mais notre résistance a pu préserver nos droits et c'est pour cela que nous sommes revenus la tête haute, relevant par là même la tête du Liban tout entier ».
Opérant un parallèle avec le passage de la Bible relative à la crucifixion du Christ, Michel Aoun a enchaîné : « Ce jour-là, nombreux sont ceux qui ont scandé : crucifiez-le, crucifiez-le. Il y avait Judas qui avait vendu, il y avait le chef des prêtres qui avait acheté et il y avait aussi Ponce Pilate qui s'en était lavé les mains. Mais grâce aux disciples et à Marie qui ont porté le message et y ont cru, ils ont cru que la pierre tombale allait se déplacer et que la nation se relèverait. Ils ne se sont jamais assoupis, rien n'a pu les arrêter. Ces disciples, c'est vous, vous avez eu la foi en votre nation et en votre droit, à aucun moment votre volonté n'a fléchi et le désespoir n'a pas su trouver le chemin de votre cœur. »
Et d'ajouter : « Nombreux sont ceux qui peuvent se demander pourquoi, 25 ans plus tard, nous en sommes encore à commémorer cette journée. Chaque année, le 13 octobre, nous nous réunissons, nous versons une larme et nous contons la même histoire à nos enfants et à nos petits-enfants. Pour leur dire qu'une nation, pour qu'elle puisse s'édifier, nécessite beaucoup de peines et d'efforts. Quelquefois même, il peut nous conduire à verser de notre sang et à devenir martyr. Il leur faut préserver ce pays car lui seul peut leur garantir leur dignité, leur fougue, lui seul peut les protéger. Oui, nous continuons à nous réunir et nous le ferons encore, par loyauté au sang qui a coulé et aux cœurs qui se sont consumés ; n'oubliez pas que cette terre s'est abreuvée de tellement de sang, de militaires et de civils, que nous y avons perdu des êtres chers et des proches et que notre cœur ressent encore l'amertume provoquée par leur disparition. Les militaires tombés sur le champ d'honneur venaient des quatre coins du Liban,(...) le Liban tout entier les a pleurés. »
« Une nouvelle page s'ouvre »
Michel Aoun a ensuite déclaré que « nombreux sont ceux qui ont cru que cette date-là signait l'enterrement du Liban, ils nous ont alors qualifiés de cadavre politique. Mais, en réalité, ce jour-là, le Liban n'a pas été mis en terre mais planté. C'est une bonne graine qui a été semée et qui s'est abreuvée du sang des martyrs. Je n'ai jamais douté que ce semis allait donner la meilleure récolte (...) Il y avait une promesse faite aux martyrs de rebâtir un pays dans lequel leurs petits-fils pourraient bénéficier de la tranquillité (...) Et je vous ai toujours dit que se libérer soi-même est plus difficile que de libérer un territoire. Dès mon retour je me suis aperçu que ce long processus n'avait pas pris fin ».
Se prononçant donc sur la situation politique du pays, il a d'abord longuement critiqué l'équipe gouvernante qu'il a accusée de faire partie de la vieille garde qui régnait lorsque le régime syrien exerçait sa tutelle sur le Liban. Il n'a toutefois pas nommé le régime de Damas, et s'est simplement contenté de dire qu'il était aberrant que la même équipe politique demeure au pouvoir avant et après « la libération », entendre par là le retrait des troupes syriennes du Liban. « Cette classe politique qui a régné sur le Liban 25 ans durant et qui en contrôlait tous les rouages est responsable de l'effondrement actuel (...) À cause d'elle le Liban d'aujourd'hui ressemble à un squelette dans l'attente d'un miracle capable de le revigorer. » Et d'affirmer que les temps ont changé, « une nouvelle page s'ouvre et elle débouchera sur le changement et ensuite sur la réforme (...) Rien n'empêche aussi que nous nous promenions ensemble de temps en temps dans les rues de Beyrouth (...) Nous combattons aujourd'hui pour l'adoption d'une loi électorale fondée sur la proportionnelle (...) qui permettra à tous les Libanais d'être représentés équitablement (...) Nous œuvrons également pour l'élection d'un président de la République qui ne soit pas "n'importe comment" (...) À ceux qui nous disent que nous paralysons les institutions, nous leur répondons que nous paralysons leurs décisions qui détruisent les piliers de l'État », a-t-il poursuivi, estimant que « le gouvernement actuel aurait dû avoir quitté le pouvoir depuis longtemps ». « Ils paieront le prix de leur manipulation des lois et des échéances constitutionnelles », a menacé le fondateur du CPL.
« Nous nettoierons notre pays pour qu'il redevienne propre. Que personne ne parie sur une usure du temps, même les portes de l'enfer ne briseront pas notre volonté », a assuré M. Aoun. « Seule votre voix libérera la Maison du peuple », s'est-il écrié.
ET MAINTENANT... IL SE PREND POUR THÉSÉE... UN PEU D'HUMILITÉ... UN PEU...
18 h 21, le 12 octobre 2015