Rechercher
Rechercher

Culture - Récompense

Mais qui est donc Svetlana Alexievitch ?

La Biélorusse a remporté hier le prix Nobel 2015 de littérature. Journaliste et écrivaine, son œuvre aborde les souffrances et tabous de la société soviétique, d'hier comme d'aujourd'hui.

Sergei Gapon/AFP

L'Académie suédoise n'a pas (encore) cédé aux sirènes de la popularité d'Haruki Murakami, de Philip Roth ou de Bob Dylan. Après la nouvelliste Alice Munro en 2013, Svetlana Alexievitch devient ainsi la 14e femme à recevoir le prix Nobel de littérature depuis sa création en 1901. Donnée favorite depuis plusieurs années, l'auteure biélorusse succède au romancier français Patrick Modiano, primé en 2014. Une « œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque », a expliqué le jury. Mais le Nobel honore aussi une voix de la dissidence biélorusse et critique envers Vladimir Poutine.

L'ancienne journaliste de 67 ans compose depuis trois décennies ses récits – en langue russe – à partir de témoignages patiemment recueillis sur son magnétophone. Son premier roman, La Guerre n'a pas un visage de femme, est un ensemble de récits de femmes qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale. « Pourquoi les femmes qui ont tenu bon dans ce monde totalement masculin n'ont-elles jamais défendu leur histoire, leurs mots et leurs sentiments ? » s'interrogeait-elle il y a quelques années. Trop polémique pour l'URSS, le livre n'est édité qu'en 1985, à l'époque de la perestroïka.

Svetlana Alexievitch conserve cette méthode chronophage pour écrire chacun de ses romans documentaires. Pour son deuxième roman Les cercueils de zinc (1989), elle interroge des centaines de soldats de retour de la guerre d'Afghanistan (1979-1989). Elle démolit ainsi le mythe du soldat soviétique libérateur, présenté par la télévision, et décrit de jeunes hommes désormais privés d'illusions et de sommeil. La Biélorusse passe ensuite plus d'une décennie à écrire La Supplication. À travers ce livre, l'auteure rend hommage, sans détourner le regard face à l'horreur, aux victimes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986.

« Homo sovieticus »
L'auteure brise un par un les tabous de l'ex-URSS. Mais ses livres « ne plaisent pas », selon elle, au président biélorusse Alexandre Loukachenko, qui dirige le pays depuis 20 ans de manière autocratique. En 2000, elle fuit son pays pour la France et l'Allemagne, avant de revenir à Minsk en 2011.

L'écrivaine et journaliste est également connue pour ses prises de position critiques envers Vladimir Poutine. « L'aisance n'a pas mené à la démocratie, elle a fait resurgir un état d'esprit impérialiste. Le rêve russe, c'est d'être un grand empire et d'inspirer la peur », écrivait-elle dans une tribune publiée par Le Monde en juillet 2014. Dans son dernier récit, La Fin de l'homme rouge ou le temps du désenchantement, Svetlana Alexievitch dresse un portrait – sans concession, mais sans manquer de compassion – de « l'homo sovieticus ».
Plus de 20 ans après l'implosion de l'Empire soviétique, la liberté manque encore définitivement à l'appel, mais pas dans sa plume.

 

Pour mémoire
« La fin de l'homme rouge », meilleur livre cru 2013

L'Académie suédoise n'a pas (encore) cédé aux sirènes de la popularité d'Haruki Murakami, de Philip Roth ou de Bob Dylan. Après la nouvelliste Alice Munro en 2013, Svetlana Alexievitch devient ainsi la 14e femme à recevoir le prix Nobel de littérature depuis sa création en 1901. Donnée favorite depuis plusieurs années, l'auteure biélorusse succède au romancier français Patrick...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut