Ahdab dénonce la campagne d’inspiration iranienne destinée à diaboliser tous les sunnites

La Rencontre de la modération nationale de Misbah Ahdab et le Mouvement Liban-message de Raymond Nader et Khalil Hélou ont tenu une réunion conjointe dans un restaurant de Mina-Tripoli, dans un effort de rapprochement intercommunautaire entre sunnites et chrétiens, destiné à contrer la campagne d'inspiration iranienne visant à présenter les sunnites soit comme des takfiris accomplis, soit comme des takfiris en puissance. La rencontre s'est tenue en présence d'un représentant de Mohammad Safadi, Moustapha Héloué.
Dans une intervention remarquée, M. Ahdab a mis en garde contre « une guerre mondiale » qui vient d'éclater dans la région, avec l'intervention directe de la Russie dans le conflit syrien.
« Cette guerre a pour emblème particulier la lutte contre le phénomène takfiri ? Mais quelle en est donc la définition ? » s'est-il interrogé, avant de faire assumer à « un camp » qu'il n'a pas nommé (dans une allusion à peine voilée au camp iranien), l'apanage d'une diabolisation de la communauté sunnite à travers « une campagne programmée » à laquelle, a-t-il déploré, les institutions de l'État participent.
Ce camp, a-t-il averti, « cherche à assimiler tous les sunnites du Moyen-Orient à des prosélytes takifiris », pendant que lui-même « masse des troupes et livre des batailles pour asseoir son influence, réaliser ses ambitions expansionnistes et confessionnelles, sous prétexte de protéger les minorités et de lutter contre le terrorisme ».
Pour M. Ahdab, le « takfir » comme idéologique n'est pas « une religion, une communauté ou une secte, mais une conduite suivie par quiconque rejette l'autre ».
« Or, a-t-il enchaîné, nous avons entendu un député de la nation dire qu'il existe une communauté dans ce pays, il voulait dire les sunnites, composée de criminels qu'il faut passer mille fois à l'eau avant de pouvoir fréquenter. »
« Voilà, selon l'ancien député, le takfir dans sa forme la plus pure. »
Sans préciser le nom du député qui a tenu ces propos, M. Ahdab a laissé entendre qu'il s'agissait d'un député chrétien, puisque, poursuivant son discours, il a affirmé : « Ces propos, contredisent du tout au tout l'enseignement du Christ. Ils s'inscrivent dans une campagne programmée destinée à faire croire au monde que tous les sunnites sans exception de cette partie du Machrek, y compris les Libanais d'entre eux, sont des tarkfiris qu'il faut combattre et que s'il faut craindre pour le Liban, c'est de ce camp. »
« Malheureusement, a-t-il ajouté, au lieu de protéger les citoyens de cette campagne haineuse, nous voyons l'État l'endosser par le biais d'ordres politiques donnés aux forces de sécurité. »
Et de dénoncer l'existence à Tripoli de « groupes protégés par l'État » dont la fonction est « de fomenter des troubles sur commande ». M. Ahdab s'est plaint ainsi d'un climat qui pousse les jeunes de Tripoli à choisir entre « la prison, la vie clandestine ou l'émigration », et qui souvent « les radicalise ». Il a déploré « le départ quotidien, depuis le port de Tripoli, de centaines de jeunes » aspirant à trouver plus de justice en Europe.
M. Ahdab a dénoncé les pouvoirs arbitraires accordés aux informateurs des renseignements de l'armée, « qui accusent de terrorisme qui bon leur semble, au détriment de la présomption d'innocence ». Il a été jusqu'à s'indigner d'un code de la route « qui n'est appliqué que dans certaines régions sans défense, dont les habitants désargentés sont jetés en prison s'ils n'ont pas les moyens de payer les amendes ».
« Est-ce ainsi que l'on sanctuarise un pays et que l'on protège les minorités des vents qui soufflent sur la région ? » a ajouté l'ancien député. Et de poursuivre : « Les hommes politiques ont divisé ce pays en deux camps : une région protégée et une autre sans défense, une région dont les habitants sont les plus nobles des hommes, qui n'ont de comptes à rendre à personne, et une autre dont les habitants sont recherchés, poursuivis et diabolisés. »

Nader et Hélou
Pour sa part, M. Nader devait affirmer que le Mouvement « Liban-message » a pour vocation de « reconstruire les ponts détruits par la guerre, et d'incarner au mieux la définition de la politique comme art noble au service de l'homme et du bien public ». M. Nader a également souligné que le mouvement qu'il préside estime que « les chrétiens ont un rôle fondamental à jouer dans la stabilité du Liban et de la région ». « Notre mouvement, a-t-il ajouté, est engagé à respecter l'enseignement de l'Église ainsi que la Charte universelle des droits de l'homme, la Constitution, les lois libanaises et l'Exhortation apostolique initiée par le pape Jean-Paul II en 1997 (...). Le mouvement veut développer la culture de la paix, fondée sur le partenariat national constructeur, l'acceptation de l'autre et le respect de sa liberté et de ses droits individuels et collectifs. »
De son côté, le général Khalil Hélou, vice-président de « Liban-message », a déclaré, après avoir évoqué son expérience en tant qu'officier dans la caserne de Kobbé, au Liban-Nord: « Les relations islamo-chrétiennes sont passées par différentes phases, de la détente à la coopération, en passant par les crises et les conflits. » « Il faut profiter des expériences positives passées pour construire l'avenir et non pas mettre en évidence uniquement les aspects négatifs, a déclaré le général Hélou. Il faut initier la solidarité sociale, les initiatives et les projets concrets afin de développer l'attachement à la terre, à la famille, et au groupe afin de réaliser une meilleure justice sociale. »