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Liban - Colloque

Le droit face aux sociétés multiculturelles

« Le système libanais est-il à bout de souffle ? » s'interroge Léna Gannagé, doyenne de la faculté de droit de l'USJ.

Léna Gannagé, doyenne de la faculté de droit de l’USJ. On reconnaît aussi sur la photo l’ancien ministre Georges Corm.

« Les sociétés multiculturelles ne sont pas toutes des sociétés heureuses. Leur existence est loin d'être toujours paisible, leur cohésion est fragile et certaines échangeraient volontiers, au moins pour un temps, la richesse de la différence contre la misère de l'uniformité. Sans doute n'est-il pas interdit qu'elles puissent atteindre la sérénité, encore faut-il qu'elles aient le courage de revenir sur elles-mêmes, de se regarder en face et de s'interroger sur leur devenir. C'est l'objet de ce colloque que d'ouvrir ce débat à un moment où le système libanais paraît à bout de souffle, où les sociétés pluralistes de la région sont menacées dans leur existence même. »
Cette voix forte, c'est celle de Léna Gannagé, doyenne de la faculté de droit, qui l'a fait entendre à l'ouverture d'un colloque de deux jours sur « Le droit face aux sociétés multiculturelles », rue Huvelin.
« Toute société multiculturelle, toute société qui est confrontée à la nécessité de faire vivre ensemble des identités culturelles différentes, doit affronter les mêmes défis et les mêmes questionnements », a relevé Mme Gannagé, qui a ajouté : « Dans quelle mesure la différence culturelle doit-elle être valorisée ou institutionnalisée ? Toute différence culturelle mérite-t-elle de l'être ? Jusqu'où les particularismes culturels peuvent-ils être pris en compte sans remettre en cause la cohésion même de l'État ? Comment concilier la protection de l'identité individuelle et des identités collectives ? Quels droits reconnaître au profit des groupes et des minorités ? La laïcité est-elle inséparable du caractère démocratique de l'État ? Quelles sont enfin les valeurs à vocation universelle qui doivent s'imposer à tous au-delà des différences culturelles ? »

Approche comparative
« Les réponses à ces questions divergent sensiblement en fonction des systèmes et ce relativisme des solutions montre l'utilité d'une approche comparative, a ajouté en substance la doyenne de la faculté de droit, mais surtout ces questions elles-mêmes ne sont pas toujours audibles. Elles sont couvertes (...) par les discours convenus sur la richesse de la différence, le dialogue des cultures, la rencontre des civilisations. Et si ces discours incantatoires sont plus agréables à entendre que ceux qui prophétisent le choc des civilisations, il reste que leurs vertus sont relativement limitées. »
Et parce que ces thèmes cruciaux, développés par un aréopage de juristes, de politologues et d'anthropologues, sont d'une grande actualité pour le Liban, Mme Gannagé a ajouté : « Cette question est étroitement liée à la réalité de la société libanaise, celle d'une société pluraliste fondée sur la coexistence de communautés religieuses, sur l'alliance des minorités, où le multiculturalisme plonge ses racines dans l'histoire, même si sa physionomie est un peu tourmentée. »
« Et c'est peut-être parce que ces communautés libanaises sont de manière récurrente en mal d'un destin commun, qu'il nous a paru utile de porter le regard vers d'autres sociétés multiculturelles (...) pour vérifier s'il existe, sous d'autres cieux, des sociétés pluralistes plus apaisées et plus sereines parce qu'elles auraient réussi, elles, à trouver le secret du vivre ensemble. Il n'est pas certain pourtant qu'à l'issue du voyage nous puissions revenir avec des réponses définitives. »

Daccache et la question du voile
Pour sa part, c'est avec des exemples concrets que le recteur de l'USJ, Salim Daccache s.j., a illustré l'ambiguïté du multiculturalisme dans un monde devenu tout entier multiculturel « avec le phénomène migratoire continu et les déplacements de millions de personnes d'un continent à un autre et d'un État à un autre ».
« La multiculturalité est aussi source de malentendus, de tensions, voire de conflits, a-t-il affirmé, et les exemples abondent dans ce domaine, comme ce fut le cas avec la question du voile dans les écoles françaises, y compris à un certain moment dans les écoles libanaises catholiques. Si le droit positif laïc a choisi d'interdire le port du voile au nom de la République, la solution à la libanaise fut dans beaucoup de cas d'unifier le voile par sa taille, ses couleurs et sa forme et dans certains autres de l'interdire, mais rarement de laisser faire. C'est dire que le social se charge dans certaines situations de légiférer dans le cadre d'un dialogue et d'un consensus. »
« Notre monde est multiculturel et cela engendre inévitablement des tensions comme nous le savons, a conclu le recteur de l'USJ. Nous avons la tendance chez nous d'idéaliser le Liban comme message de convivialité et de bonne gestion du pluralisme. Mais nous savons que ce qui est assez bien vécu au niveau des relations sociales devient du "terrorisme politique" entre les chefs des partis et un blocage des rouages de l'État devenu une mosaïque de biens particuliers au lieu qu'il soit un bien commun. »

« Les sociétés multiculturelles ne sont pas toutes des sociétés heureuses. Leur existence est loin d'être toujours paisible, leur cohésion est fragile et certaines échangeraient volontiers, au moins pour un temps, la richesse de la différence contre la misère de l'uniformité. Sans doute n'est-il pas interdit qu'elles puissent atteindre la sérénité, encore faut-il qu'elles aient le...
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"La multiculturalité est aussi source de tensions, voire de conflits, comme ce fut le cas avec la question du voile dans les écoles françaises, y compris dans les écoles libanaises catholiques. Si le droit positif laïc a choisi d'interdire le port du voile au nom de la République, la solution à la libanaise fut dans beaucoup de cas d'unifier le voile par sa taille, ses couleurs et sa forme et dans certains autres de l'interdire, mais rarement de laisser faire. C'est dire que le social se charge dans certaines situations de légiférer dans le cadre d'un dialogue et d'un consensus." ! Encore un bidule et jésuitique et à la libanaiiise ! Yâ harâm !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

06 h 55, le 07 octobre 2015

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Commentaires (1)

  • "La multiculturalité est aussi source de tensions, voire de conflits, comme ce fut le cas avec la question du voile dans les écoles françaises, y compris dans les écoles libanaises catholiques. Si le droit positif laïc a choisi d'interdire le port du voile au nom de la République, la solution à la libanaise fut dans beaucoup de cas d'unifier le voile par sa taille, ses couleurs et sa forme et dans certains autres de l'interdire, mais rarement de laisser faire. C'est dire que le social se charge dans certaines situations de légiférer dans le cadre d'un dialogue et d'un consensus." ! Encore un bidule et jésuitique et à la libanaiiise ! Yâ harâm !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 55, le 07 octobre 2015

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