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À La Une - liban

Crise des déchets : le plan Chehayeb suscite la controverse

Manifestations à Naamé, au Akkar et dans la Békaa.

Le plan du gouvernement pour mettre fin à la crise des déchets qui sévit depuis près de deux mois au Liban suscite la controverse et a été rejeté par les habitants des régions concernées. AFP PHOTO / JOSEPH EID

Le plan du gouvernement pour mettre fin à la crise des déchets qui sévit depuis près de deux mois au Liban a suscité une véhémente opposition de la part de citoyens concernés et a été accueilli avec réserve par les acteurs de la société civile.

Cette crise a éclaté après la fermeture à la mi-juillet de la principale décharge du Liban, à Naamé, provoquant l'accumulation des ordures dans les rues de la capitale et de ses environs. Elle a aussi été le déclencheur d'une mobilisation citoyenne inédite : des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol face à l'impuissance et la corruption de la classe politique. Devant les atermoiements du gouvernement pour résoudre le problème, des collectifs citoyens ont vu le jour, le plus important étant "Vous puez!" à l'adresse des hommes politiques.

Le plan du ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, a été annoncé dans la nuit de mercredi au terme d'une réunion marathon de plus de six heures du Conseil des ministres, alors que se déroulait une nouvelle manifestation populaire dans le centre-ville de Beyrouth.

Le plan prévoit la réouverture de la décharge de Naamé, pour une durée de sept jours, afin d'accueillir les ordures amoncelées dans la capitale et le Mont-Liban. Le plan prévoit aussi l'aménagement de deux autres décharges, à Srar dans le Akkar, et sur un terrain dans la zone de l'Anti-Liban. Il s'agit de décharges et non de dépotoirs, c'est-à-dire de terrains enveloppés par une paroi de protection censée prévenir toute nuisance à l'environnement. Fixer cette enveloppe nécessiterait environ un mois. En attendant, les déchets destinés à être déversés dans ces décharges seront temporairement amoncelés et triés dans des "parkings" adjacents. En outre, une part des déchets sera transportée à l'usine de tri de Saïda.

Le plan Chehayeb est provisoire puisque la stratégie, sur le long terme, est d'aboutir à une gestion décentralisée des déchets. Le plan s'étend sur dix-huit mois, une durée jugée suffisante pour permettre aux municipalités d'établir leur propre infrastructure de gestion des déchets (construction d'usines, aménagement de décharges, mais aussi diffusion de la culture du tri à la source chez le public).


"Ni sept jours d'ouverture, ni sept secondes"
Mais cela n'a pas suffi pour rassurer les citoyens concernés. A Naamé, des habitants et membres de la société civile ont organisé un sit-in en fin d'après-midi, en présence du président de la municipalité. Ils ont assuré qu'ils ne toléreraient pas la réouverture de la décharge "ne serait-ce que pour une seule heure". Ils ont ajouté que leur mouvement pacifique se poursuivra afin d'interdire tout accès à la décharge.

Des habitants de Aramoun, au sud de Beyrouth, ont également manifesté leur refus du plan adopté par le gouvernement, notamment de la réouverture de la décharge de Naamé.  "Cette décision est injuste", a martelé un manifestant. "Ni sept jours d'ouverture, ni sept secondes. On ne peut plus faire confiance aux dirigeants. Que ceux qui nous demandent de rouvrir la décharge de Naamé, ouvrent une décharge sous leur propre maison", a-t-il ajouté.

Un peu plus tôt, le ministre de l'Agriculture avait publié un communiqué dans lequel il a une nouvelle fois assuré que la durée de réouverture de la décharge ne saurait dépasser les sept jours.

 

Au Akkar, un région pauvre du Liban-Nord, des habitants ont manifesté dans la localité de Abdé contre l'aménagement de la décharge à Srar. Une campagne intitulée "Akkar n'est pas un dépotoir" a appelé à une manifestation samedi à 18h dans la localité de Tal Abbas.

De leur côté, les municipalités de Anjar, Majdal Anjar et Soueiri ont exprimé leur refus de voir les déchets du pays transférés vers un dépotoir dans la zone de Masnaa, dans l'Anti-Liban. Ils ont menacé de couper des routes en guise de protestation.

Les décharges de Srar et de Masnaa sont déjà utilisées comme des décharges locales mais le gouvernement compte les réhabiliter pour qu'elles reçoivent les ordures de Beyrouth et du Mont-Liban qui, contrairement aux autres régions ne disposent pas de décharges.


En outre, le plan Chehayeb ne détaille pas le mode de gestion des déchets qui sera adopté par les municipalités. Les militants de "Vous puez!", qui doivent encore réagir officiellement à ce plan, ont d'ores et déjà douté du sérieux du gouvernement. "Notre première réaction à ce plan est négative, surtout concernant la réouverture de la décharge de Naamé, même si celle-ci est temporaire", a réagi Lucien Bourjeily, l'un des organisateurs du collectif. Et de poursuivre : "Nous approuvons le transfert des responsabilités aux municipalités mais ce point n'est pas détaillé de manière claire et transparente. Ce sont des solutions partielles".

Même des membres la commission ad hoc présidée par le ministre de l'Agriculture se sont montrés prudents. "Après 18 mois, si les municipalités ne sont pas prêtes, les ordures seront de nouveau dans la rue", a prévenu l'un d'eux, Bassam Kantar.

Des experts environnementaux ont néanmoins favorablement accueilli le plan, avec les précautions qui s'imposent toutefois. D'après Ziad Abichaker de la société de recyclage Cedar Environmental, le plan pourrait, selon lui, favoriser le recyclage au Liban, qui est de 8% actuellement. Mais "le Liban est un petit pays et ne peut pas compter éternellement sur des sites d'enfouissement. De quoi vont hériter les nouvelles générations?"

 

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